« Comme il
fallait s'y attendre, le miracle annoncé pour le 13 octobre
suscitait un grand émoi dans tout le Portugal. Des amis de la
famille Santos disaient à Lucie et à ses cousins : “Mes enfants, si
le prodige que vous avez annoncé ne se produit
pas,
la foule est capable de vous brûler vifs”. Le bruit courait que des
sectaires feraient exploser des bombes pour tuer les voyants au
moment de la dernière apparition. A cette menace, les enfants
répondaient en souriant : “Tant mieux si l'on nous tue ! Nous irons
plus tôt avec la Très Sainte Vierge au Paradis.”
Dès le matin du
12 octobre, des véhicules de tous genres encombrèrent les routes de
Fatima. Par tous les chemins, on voyait s'avancer des foules de
pèlerins dont plusieurs marchaient pieds-nus en disant le chapelet
et en chantant des cantiques. En dépit de la fraîcheur de la saison,
tous ces gens avaient décidé de passer la nuit suivante en plein air
pour avoir une meilleure place le lendemain. Toute la matinée du 13,
malgré la pluie battante, les pèlerins continuèrent d'affluer. Vers
onze heures, plus de soixante mille (Certains parlent de
soixante-dix mille) personnes, trempées jusqu'aux os par la pluie
qui tombait toujours, avaient envahi la Cova et attendaient
l'arrivée des voyants. Lorsqu'ils parurent, il fallut leur
constituer une forte garde de corps pour empêcher la foule de les
écraser. Pressée de tous côtés par les flots de cette mer humaine,
Jacinta, prise de panique, se mit à pleurer. Arrivés à l'endroit de
l'apparition, les enfants récitent le chapelet comme à l'ordinaire.
Tout à coup Lucie
aperçoit l'éclair et, regardant le ciel, s'écrie : “La Voici ! La
Voici !” La Dame a paru sur le petit chêne vert. La foule voit se
former au-dessus des enfants une nuée blanche qui s'élève trois fois
dans l'air. »
Mais, laissons à
sœur Lucie le soin de nous raconter cette journée mémorable du 13
octobre 1917, où la Vierge Marie s’est montrée aux pastoureaux pour
la dernière fois en ce lieu et au cours de laquelle eut lieu le
miracle du soleil :
Lucie raconte
« Lorsque nous
sommes arrivés à la Cova da Iria, près du chêne vert, une injonction
intérieure m'a poussée à demander à la foule de fermer les
parapluies, avant que nous ne récitions le chapelet. Peu après, nous
avons vu le reflet de la lumière, puis Notre-Dame au-dessus du chêne
vert.
— Que voulez-vous
de moi ?
— Je veux te dire
que l'on fasse construire ici une chapelle en mon honneur, que je
suis Notre-Dame du Rosaire, que l'on continue à réciter le chapelet
tous les jours. La guerre va finir et les militaires rentreront
bientôt chez eux.
— J'avais
beaucoup de choses à vous demander : de guérir des malades, de
convertir des pécheurs, etc.
— Les uns, oui,
les autres, non. Il faut qu'ils se corrigent, qu'ils demandent
pardon pour leurs péchés.
Et prenant un air
plus triste :
— Qu'ils
n'offensent pas davantage Dieu, Notre-Seigneur, qui est déjà très
offensé.
Ouvrant alors les
mains, elle les fit se refléter dans le soleil, puis, pendant
qu'elle s'élevait, le reflet de sa propre lumière continua à se
projeter dans le soleil.
Tel fut le motif
pour lequel je me suis exclamée, en leur demandant de regarder vers
le soleil. Mon but n'était pas d'attirer l'attention de la foule
vers cette direction, puisque je ne me rendais même pas compte de sa
présence : je l'ai fait seulement à cause d'une impulsion intérieure
qui m'y a incitée.
Voici qu'allait
se produire le miracle du soleil, promis trois mois plus tôt, comme
preuve de la véracité des apparitions de Fatima. La pluie cessa et
le soleil tourna trois fois sur lui-même, lançant de tous côtés des
faisceaux de lumière de diverses couleurs : jaune, lilas, orangé et
rouge. À un moment donné, il parut se détacher du firmament et
tomber sur la foule qui cria terrorisée. Après un prodige de dix
minutes, le soleil reprit son aspect normal.
Un témoin oculaire raconte :
Le 18 décembre
1917, le Dr José Maria Proença de Almeida Garret, témoin direct,
décrivit ainsi ce qu'il avait contemplé :
« Quelques
instants plus tôt, le soleil avait percé victorieusement l'épaisse
couche de nuages qui l'avait caché, pour briller clairement et
intensément. Je me suis retourné vers cet aimant qui attirait tous
les regards et j'ai pu le voir semblable à un disque au bord net et
à l'arête vive, lumineuse et luisante, mais qui ne faisait pas mal
aux yeux... Il ne ressemblait en rien à la lune d'une nuit
transparente et pure, parce que l'on voyait et sentait qu'il
s'agissait d'un astre vivant... On ne pouvait pas non plus le
confondre avec le soleil visible par temps de brouillard (d'ailleurs
inexistant ce jour-là) puisqu'il n'était pas opaque, diffus ou
voilé. À Fatima, le temps était chaud et ensoleillé.
Ce qui fut
merveilleux, c'est que pendant un long moment, nous avons pu scruter
l'astre, flamme de lumière et braise de chaleur, sans la moindre
douleur oculaire et sans qu'aucun éblouissement ne nous aveugle. Ce
disque nacré était animé d'un mouvement étourdissant... Il tournait
sur lui-même à une vitesse vertigineuse.
Tout à coup, on
entendit une clameur, comme un cri d'angoisse montant de la foule.
Le soleil, conservant sa vitesse de rotation, se détacha du
firmament et, sanguinaire, il prit la direction de la Terre,
menaçant de nous écraser sous le poids de son énorme meule de feu.
Ces secondes furent terrifiantes...
Tous ces
événements, je les ai observés personnellement et sereinement, sans
émotion ni agitation... Ce phénomène a dû s'étaler sur environ dix
minutes. »
Pendant ce temps,
les pastoureaux eurent droit à d'autres visions, comme l’a raconté
sœur Lucie dans ses mémoires :
« Notre-Dame une
fois disparue dans l'immensité du firmament, nous vîmes saint Joseph
près du soleil avec l'Enfant-Jésus et Notre-Dame vêtue de blanc avec
un manteau bleu. Saint Joseph et l'Enfant-Jésus paraissaient bénir
le monde, avec les gestes en forme de croix qu'ils faisaient de la
main.
Peu après, une
fois dissipée l'image de cette apparition, je vis Notre-Seigneur et
Notre-Dame (qui pour moi ressemblait à Notre-Dame des Douleurs).
Notre-Seigneur semblait bénir le monde de la même manière que saint
Joseph. Cette apparition s'évanouit à son tour et il m'a semblé voir
de nouveau Notre-Dame sous une forme proche de Notre-Dame du
Carmel. »
Que s’est-il passé par la suite ?
« Le diocèse de
Leiria auquel appartenait la paroisse de Fatima avait été supprimé
par Léon XIII, en 1881 ; il fut juridiquement rétabli en janvier
1918 et Rome lui donna pour évêque Monseigneur José da Silva. Dès
son accession au siège épiscopal, en août 1920, le nouvel évêque se
mit à l'étude des événements de Fatima. Il interrogea maintes fois
Lucie, la seule survivante des trois voyants. Le 13 octobre 1921, il
autorisa la célébration d'une messe à la Cova da Iria et s'occupa
d'y organiser le culte, les pèlerins continuant de s'y rendre de
plus en plus nombreux, les 13 de chaque mois. Bientôt une source
qu'on crut miraculeuse jaillit près du lieu des apparitions, dans le
roc où des ouvriers creusaient une citerne pour recueillir l'eau des
pluies. Le 13 mai 1922, Monseigneur José da Silva ouvrit l'enquête
officielle de l'Église sur les événements de Fatima. Il institua une
commission de sept membres, chargés de les examiner et fit un
précepte à tous les fidèles de son diocèse de déclarer à cette
commission tout ce qu'ils savaient pour ou contre les apparitions.
L'enquête dura sept ans, et quand tous les travaux de la commission
furent terminés, Monseigneur José da Silva prit six mois pour
examiner encore tous les documents et préparer sa décision, et ce
n'est que le 13 octobre 1930 qu'il publia le décret déclarant dignes
de foi les visions des petits bergers et autorisant officiellement
le culte de Notre-Dame de Fatima.
Le peuple
portugais accueillit le décret avec une allégresse sans borne. Tout
le clergé cette fois s'unissait au peuple pour acclamer la Reine du
Ciel qui avait daigné favoriser le Portugal d'une si insigne faveur.
Un pèlerinage national d'action de grâces s'organisa aussitôt ; il
eut lieu le 13 mai 1931, sous la présidence de son Éminence le
Cardinal Manuel Cerejeira, patriarche de Lisbonne. Trois cent mille
pèlerins et tous les évêques du pays y prirent part. » |