Saint Euloge
était Syrien de naissance. Etant encore jeune, il embrassa la
vie monastique dans sa pairie. Les eutychiens, comme il arrive
toujours à ceux qui ont abandonné le centre de l'union, se
trouvaient alors divisés en plusieurs sectes. La fureur et
l'animosité de leurs contestations avaient jeté les églises de Syrie
et d'Egypte
dans la plus grande confusion, et la plupart des moines
syriens étaient devenus fameux par la corruption de leurs mœurs et
par leur attachement à l'hérésie. Euloge apprit de leur chute à
veiller sur lui-même, et il ne se distingua pas moins par
l'innocence de sa vie, que par la pureté de sa doctrine.
Après avoir
acquis une grande connaissance des belles-lettres, il se mit à
étudier la théologie dans les vraies sources de cette science, dans
l'Ecriture, dans les conciles et dans les ouvrages des Pères. Comme
il joignait à une application infatigable, un esprit pénétrant, une
conception vive et un jugement solide, ses progrès furent
très-rapides. Il fut bientôt en état de combattre pour la vérité ;
il mérita d'être compté parmi les Grégoire-le-Grand et les Eutychius.
11 devint en un mot une des plus brillantes lumières de l'Eglise
dans le siècle où il vécut. Sa science reçut un nouvel éclat de son
humilité, ainsi que de son amour pour la pénitence et pour la
prière.
Les besoins de
l'Eglise le firent tirer de sa solitude, et
il fut fait prêtre par saint Anastase, patriarche d’Antioche, qui
mourut en 598, et qui fut remplacé par Anastase-le-Jeune. Tant qu'Euloge
demeura dans cette ville, il fut toujours étroitement lié avec saint
Eutychius, patriarche de Constantinople, et il se réunit avec lui
contre les ennemis de la vérité.
Tibère-Constantin, prince vertueux, n'eut pas plus tôt été élevé à
l'empire, qu'il s'occupa des moyens de réparer les maux que
Justinien et Justin-le-Jeune, ses prédécesseurs, avaient faits à
l'Eglise et à l'Etat. Il ouvrit ses trésors pour assister tous ceux
de ses sujets qui étaient dans le besoin. Son zèle pour l'orthodoxie
lui faisait chercher de bons pasteurs pour les églises particulières
qui avaient le plus souffert des ravages de l'eutychianisme. Ce fut
ce qui le détermina à demander que l'on donnât saint Euloge pour
successeur à Jean, patriarche d'Alexandrie. On le sacra sur la fin
de l'année 583.
Ayant été obligé
de faire un voyage à Constantinople, environ deux ans après son
installation, il y trouva saint Grégoire-le-Grand, et se lia avec
lui d'une amitié fort étroite. Ils n'eurent plus tous deux dans la
suite qu'un cœur et qu'une âme. Parmi les lettres de saint Grégoire,
il y en a plusieurs qui sont adressées au saint patriarche. Celui-ci
composa d'excellents ouvrages contre les acéphales et les autres
sectes des eutychiens. On connaît aussi de lui onze discours, dont
le neuvième est un éloge de la vie monastique, et six livres contre
les novatiens d'Alexandrie, dans le premier desquels il est prouvé
qu'on doit honorer les martyrs. Il ne nous reste plus de ces
ouvrages, que des fragments qui nous ont été conservés par Photius.
Saint Euloge composa encore un autre traité, dont Photius ne parle
point. Il s'y proposait de réfuter les agnoëtes, secte d’eutychiens,
qui soutenaient que Jésus-Christ, comme homme, ignorait plusieurs
choses, et notamment le jour du jugement. Saint Grégoire-le-Grand,
que l'auteur avait prié d'examiner cet ouvrage, le lui renvoya, en
lui marquant qu'il n'y avait rien trouvé que d'admirable. Le saint
patriarche d'Alexandrie mourut en 606 ou en 608. Nous admirons les
actions d'éclat qui brillèrent dans les Saints ; ce n'est pourtant
point dans ces sortes d'actions que consistait leur sainteté, mais
dans la disposition habituelle de vertu où était leur âme. De bonnes
actions, faites de temps à autre, ne font point l'homme vertueux ;
ce titre n'appartient qu'à celui qui s'est fait une heureuse
habitude de la pratique des divins commandements. Ce n'est point
assez d'avoir reçu dans son cœur la semence des vertus, il fa ut l'y
nourrir, la développer, et l'unir tellement à la substance de son
âme, qu'elle devienne le principe de toutes nos actions et de toutes
nos affections. Par-là tout l'ensemble de conduite, tant publique
que particulière, formera une suite non interrompue d'œuvres
méritoires ; et ces œuvres tireront leur perfection de la ferveur
qui les produira. Cette ferveur, par un caractère essentiel à la
vertu, est toujours susceptible d'accroissement, et elle doit
toujours croître dans une âme véritablement pénétrée de la divinité
de notre sainte Religion. |