Sainte Euphrasie était
de race royale, et son père occupait l'une des charges les plus
importantes à la cour de Constantinople. Après la mort de ses saints
parents, elle renonça à une brillante alliance, et fit distribuer
aux
pauvres
ses immenses richesses pour ne penser plus qu'à servir Jésus-Christ.
C'est un monastère de la Thébaïde qui eut la joie de la recevoir, et
elle en devint bientôt, malgré sa jeunesse, l'édification et le
modèle.
Dès sa douzième année,
elle pratiqua les jeûnes du monastère, et ne mangea qu'une fois le
jour; plus tard, elle demeura jusqu'à deux ou trois jours sans
prendre de nourriture; elle put même parfois jeûner sans manger, une
semaine entière. Les occupations les plus viles avaient sa
préférence: cette fille de prince balayait le couvent, faisait le
lit de ses sœurs, tirait de l'eau pour la cuisine, coupait du bois,
et faisait tout cela avec une joie parfaite.
Pour éprouver son
obéissance, l'abbesse lui commanda un jour de transporter d'un
endroit du jardin à l'autre d'énormes pierres que deux sœurs
ensemble pouvaient à peine mouvoir. Elle obéit sur-le-champ, saisit
les pierres les unes après les autres et les transporta sans
difficulté au lieu indiqué. Le lendemain, elle dut les reporter à
leur première place. Pendant trente jours on l'employa au même
travail, sans qu'on put remarquer sur son visage aucune marque
d'impatience.
Le démon, furieux de
voir tant de vertu dans une frêle créature, lui fit une guerre
acharnée. Un jour, il la jetait dans le puits où elle tirait de
l'eau; une autre fois il la renversait sur la chaudière d'eau
bouillante où elle faisait cuire le maigre repas de ses sœurs ; mais
la jeune sainte appelait Jésus à son secours et se riait des vains
efforts de Satan. Les attaques les plus terribles furent celles où
le malin esprit lui représentait, pendant son sommeil, les vanités
et les plaisirs du siècle qu'elle avait quittés; mais elle en
triomphait par un redoublement de mortifications et par le soin de
découvrir à son abbesse tous les pièges de son infernal ennemi.
L'existence d'Euphrasie
était un miracle perpétuel; car, malgré ses effrayantes austérités,
elle n'était jamais malade, et son teint ne perdit rien de sa beauté
ni de sa fraîcheur. Pendant un an, on ne la vit jamais s'asseoir, et
elle ne prit qu'un peu de sommeil sur la terre nue. Dieu lui accorda
le don de guérir les sourds-muets et de délivrer les possédés.
Abbé L. Jaud
Vie des Saints pour tous les
jours de l'année,
Tours, Mame, 1950. |