Eustache était un
général très distingué des troupes romaines, sous le règne de
l'empereur Trajan. Il s'était rendu célèbre par ses exploits; mais,
quoique païen, il avait surtout le mérite d'une grande générosité
pour les pauvres. Cette qualité lui valut sa conversion. Un jour
qu'il poursuivait un cerf à la chasse, il aperçut au milieu de ses
cornes une éclatante image de la Croix, et entendit une voix qui lui
dit: "Je suis Celui que tu honores, sans le savoir, par ta charité;
les aumônes que tu fais aux pauvres sont montées jusqu'à Moi."
Terrassé par cette apparition extraordinaire, il adressa des
questions à la voix qui lui parlait; il comprit que c'était la voix
du Dieu des chrétiens, et résolut de renoncer au paganisme. A son
retour, il fit part de ce prodige à son épouse, qui lui raconta
elle-même une vision qu'elle avait eue. Bientôt toute la maison
recevait le baptême.
Peu après le Seigneur
fit connaître à Eustache, dans une vision nouvelle, tout ce qu'il
aurait à souffrir. En effet, il perdit ses biens, son emploi; sa
femme et ses enfants lui furent enlevés. Réduit à la mendicité, il
se fit le serviteur d'un riche laboureur. C'est à la charrue que des
envoyés de l'empereur Trajan, envoyés à sa recherche, le
rencontrèrent et le reconnurent; ils le prièrent de les suivre, en
lui disant que l'empereur voulait lui donner le commandement de ses
troupes contre les barbares. Pendant cette expédition, Eustache
retrouva tout providentiellement sa femme et ses deux fils. Après sa
victoire, il reçut, selon l'usage, les honneurs du triomphe. Mais
ayant refusé de suivre au temple d'Apollon l'empereur Adrien, qui
avait succédé à Trajan, il fut questionné, reconnu chrétien et livré
aux lions avec sa femme et ses enfants.
Ce n'est pas sans
stupeur que le tyran vit ces bêtes affamées caresser leurs victimes;
toutefois sa rage ne fut point désarmée; il ordonna de faire rougir
au feu un énorme taureau de bronze, pour y jeter les quatre martyrs.
Ceux-ci prièrent Dieu de les soutenir dans le combat. Jetés dans
l'horrible instrument, ils y rendirent bientôt le dernier soupir.
Quand l'empereur, trois jours après, alla voir ce qui restait des
martyrs, il fut stupéfait de voir les corps intacts et leur
chevelure conservée; "Qu'Il est grand, dit-il, le Dieu des
chrétiens! Jésus-Christ est le seul vrai Dieu!" Aveu inefficace d'un
cruel et ingrat persécuteur!
Abbé L. Jaud,
Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame,
1950. |