Filippo Smaldone vécut
durant une période pleine de tensions. Il naquit à Naples le 17
juillet 1848, année de la fameuse «insurrection de Naples».
Il
n’avait que douze ans à la chute politique de la monarchie des
Bourbons, auxquels sa famille était fortement liée ; au moment de la
conquête de Garibaldi, l’Eglise napolitaine vécut des moments
dramatiques, spécialement avec l’exil de son archevêque, le Cardinal
Sisto Riario Sforza.
Filippo prit la
décision irrévocable de se faire prêtre et de s’engager pour
toujours au service de l’Église. Encore étudiant en philosophie, il
voulut se consacrer à l’assistance des sourds-muets. Son activité
caritative retarda même un peu ses études et donc l’accès aux
premiers Ordres. Monseigneur Pietro Cilento, qui l’appréciait
énormément, voulut l’ordonner personnellement : sous-diacre le 31
juillet 1870, diacre le 27 mars 1871, et prêtre le 23 septembre
1871, avec la dispense d’âge canonique de quelques mois, car il
n’avait pas atteint les 24 ans exigés pour le sacerdoce. On imagine
la joie indicible qu’il ressentit au fond de son cœur plein de bonté
et de douceur.
Dès son ordination
sacerdotale, il commença un fervent ministère, comme catéchiste,
comme collaborateur dévoué dans plusieurs paroisses, spécialement de
la paroisse Sainte-Catherine in Foro Magno, auprès des malades dans
des cliniques, dans des hôpitaux et chez des particuliers. Par sa
charité, il parvint au sommet de la générosité et de l’héroïsme au
moment d’une grave peste qui frappa la ville de Naples ; il tomba
lui-même malade jusqu’à l’épuisement et il fut sur le point de
perdre la vie ; il fut cependant guéri par Notre-Dame de Pompéi,
pour laquelle il eut toute sa vie une dévotion particulière.
Mais la plus grande
charge pastorale de Don Filippo Smaldone était l’éducation des
pauvres sourds-muets, auxquels il aurait voulu consacrer toute son
énergie, avec des méthodes plus appropriées que celles qu’il voyait
utiliser par d’autres éducateurs. Il souffrait beaucoup de constater
que, malgré tous les efforts faits par beaucoup, l’éducation et la
formation humaine et chrétienne de ces malheureux, considérés
souvent comme des païens, ne portaient pas de fruits.
Il envisagea de partir
comme missionnaire dans les missions étrangères, mais son confesseur
l’en dissuada. Dès lors, il se consacra totalement à l’apostolat
parmi les sourds-muets : il alla vivre pour toujours parmi un groupe
de prêtres et de laïcs, qui avaient l’intention de constituer une
Congrégation de Prêtres Salésiens et projeta de réaliser une
institution durable, capable de se consacrer aux soins, à
l’instruction et à l’assistance, humaine et chrétienne, de ceux qui
sont atteints de surdité.
Le 25 mars 1885, il
partit pour Lecce, afin d’ouvrir, avec Don Lorenzo Apicella, un
Institut pour sourds-muets. Il y fit venir quelques « religieuses »,
que lui-même avait formées, et il jeta ainsi les bases de la
Congrégation des Sœurs Salésiennes des Cœurs Sacrés, qui, ayant reçu
la bénédiction et les encouragements des évêques successifs de
Lecce, Monseigneur Salvatore Luigi dei Conti Zola et Monseigneur
Gennaro Trama, eut un développement rapide et important.
En raison du nombre
croissant de personnes à accueillir et à assister, l’Institut de
Lecce, comprenant des branches féminines et masculines, eut de plus
en plus de maisons, jusqu’à acquérir le célèbre ancien couvent des
Déchaussées, qui devint la résidence définitive et la Maison Mère de
l’Institut. En 1897, fut créé l’Institut de Bari.
Le Père Smaldone ne
savait pas dire non à la demande de nombreuses familles pauvres ;
aussi, commença-t-il à accueillir, en plus des sourds-muets, des
filles aveugles, de petites filles orphelines et abandonnées. Il
était attentif à toutes les nécessités humaines et morales de
l’ensemble de la jeunesse. Il ouvrit donc plusieurs maisons, en y
adjoignant des écoles maternelles, des ateliers pour jeunes filles,
des pensions pour étudiantes, dont une à Rome.
Malgré les rudes
épreuves dont elles eurent à souffrir, soit de l’extérieur soit à
l’intérieur même de l’Institut, l’Œuvre et la Congrégation connurent
un développement discret, mais s’affermirent. A Lecce, le fondateur
eut à mener une lutte acharnée contre l’administration communale
très laïque et opposée à l’Église. Au sein de la Congrégation, il
vécut avec amertume la délicate et complexe histoire de succession
de la première Supérieure Générale, succession qui provoqua une
longue Visite Apostolique. Ces deux événements révélèrent l’âme
vertueuse du Père Smaldone, et il fut évident que sa fondation était
voulue par Dieu, qui purifie par la souffrance les œuvres nées en
son nom et ses fils les plus chers.
A Lecce, le père
Smaldone recouvrit la fonction de directeur de l’Institut et de
fondateur des Sœurs Salésiennes ; il fut un confesseur assidu et
estimé de prêtres, de séminaristes, et de plusieurs communautés
religieuses ; il fonda aussi la Ligue Eucharistique des Prêtres
Adorateurs et des Dames Adoratrices ; il fut encore Supérieur de la
Congrégation des Missionnaires de Saint François de Sales pour les
Missions populaires. Pour tout cela, il fut décoré de la Croix «Pro
Ecclesia et Pontifice», nommé chanoine de la cathédrale de Lecce et
même décoré par les Autorités Civiles.
Il termina ses jours à
Lecce, supportant avec une sérénité admirable un diabète associé à
des complications cardiaques et circulatoires et à une sclérose qui
se généralisait. Le 4 juin 1923 à 21 heures, après avoir reçu le
soutien spirituel et la bénédiction de son archevêque, Monseigneur
Trama, il mourut saintement à l’âge de 75 ans, entouré de plusieurs
prêtres, de sœurs et de sourds-muets.
Cet apôtre de la
charité a été béatifié en 1996, et canonisé en 2006. |