« Florent
était écossais de nation, ou plutôt irlandais : car dans ces temps
on donnait aussi le nom d'Écosse à l'île d'Hibernie et l'Écosse
était connue sous le nom d'Albanie »,
explique un chroniqueur.
Venu en Alsace,
il “choisit une retraite la plus propre à ses vœux, qui n'avaient
pour objet que d'être ignoré des hommes, et de n'être connu que de
Dieu seul”. “Il s'enfonça dans les forêts qui s'étendent jusqu'aux
frontières de la Lorraine ; il y choisit pour sa demeure une petite
vallée au pied d'une montagne nommée Ringelsberg” et s’y consacra à
la prière et à la méditation des textes sacrés.
« Il bâtit
dans cette vallée — poursuit
le même chroniqueur —,
située à six lieues de Strasbourg, une cellule, et il y renouvela la
vie des anciens anachorètes d'Égypte. Il y prolongeait ses
entretiens avec Dieu dans la profondeur du silence. Il n'en sortait
que pour aller de temps en temps travailler au salut du prochain.
Son amour pour la retraite donnait plus d'efficacité à son zèle ; il
n'ignorait pas que pour convertir le monde, il ne faut pas chercher
à le voir. »
Sa continuelle
union à Dieu produit en lui non seulement une grande sainteté et une
grande sagesse, mais aussi une grande confiance et une foi si forte
qu’elle produit même des miracles, dont les chroniqueurs nous
parlent, avec des détails qui frisent parfois l’invraisemblable.
Mais le fait est que saint Florent est et doit être considéré comme
un thaumaturge.
Mais, il faut
croire que Dieu avait sur lui d’autres vues bien plus importantes en
vue du bien de l’Église, car, découvert dans sa retraite, il fut
bientôt suivi par d’autres hommes avides “de vivre en Dieu, de
Dieu et pour Dieu”, ce qui l’obligea bientôt à fonder un puis
deux, puis plusieurs monastères dont celui d’Anslach, dans la dense
forêt de Niederhaslach ― où une belle église gothique perpétue sa
mémoire ―, dans la vallée de la Bruche.
Sa renommée le
fait appeler à la cours de Dagobert II, où il est l’instrument de la
conversion de Rathilde, la fille du roi, “rebelle jusqu'alors à
la grâce”.
« La
conversion de Rathilde — nous
dit encore le même auteur —,
qui aux yeux d'un Monarque religieux ne pouvait être qu'un grand
miracle, augmenta la faveur de Florent auprès de Dagobert. Il
répandit sur lui ses bienfaits, et il voulut en faire jouir les
compagnons de sa solitude. Il accorda à saint Florent le lieu de
Hashelach, qu'il avait choisi pour sa retraite, et l'en mit en
possession pour toujours. Il lui donna aussi plusieurs terres pour
servir à l'entretien d'un grand nombre de religieux, que saint
Florent avait rassemblés dans un monastère à un quart de lieue de sa
cellule. Tel fut l'établissement de l'Abbaye, aujourd'hui Collégiale
de Hashelach. »
Ce fut dans ce
village de la région alsacienne proche de Schirmeck et des Vosges,
que plus tard saint Florent “leva le corps de saint Amand — premier
évêque de Strasbourg —, et en exposa les reliques à la vénération
du public. C'était une des manières de canoniser en ces tems-là : on
fait que dans ces siècles heureux, où les marques de la sainteté
n'avaient encore rien d'équivoque, les témoignages des peuples
passaient pour des jugements, et suffisaient pour donner un titre et
un rang parmi les Saints”.
Toute cette
activité et l’admiration que Dagobert II nourrissait pour lui firent
de Florent un candidat sérieux à l’évêché de Strasbourg.
En effet, après
la mort de saint Arbogast et le refus de saint Wilfride de lui
succéder, Dagobert nomma Florent, le solitaire, évêque de Strasbourg
en 678, mais le saint homme « effrayé d'un joug qui lui
paraissait au-dessus de ses forces », prit la décision qui lui
paraissait la plus sage, « en refusant d'accepter l'épiscopat. Il
résista longtemps : mais enfin l'autorité du roi, et la voix
publique forcèrent sa modestie ». Son pontificat durera près de
15 ans, jusqu’en 693, année de sa mort, le 7 novembre 693.
« Son corps
fut d'abord enterré dans l'église de S. Thomas. Les hommages publics
accompagnèrent saint Florent au tombeau : le jour de enterrement
devint presqu'aussitôt celui de son culte ; et dès le commencement
du neuvième siècle, on lui avait décerné les honneurs que méritait
sa sainteté. L'évêque Rachio transféra alors le corps de saint
Florent de l'église de Saint Thomas dans celle de Haslach, qui était
l'endroit de sa première retraite ».
Alphonse Rocha
|