Saint François de Borgia était
Espagnol et fils de prince. À peine put-il articuler quelques mots, que sa
pieuse mère lui apprit à prononcer les noms
sacrés
de Jésus et de Marie. Âgé de cinq ans, il retenait avec une merveilleuse mémoire
les sermons, le ton, les gestes des prédicateurs, et les répétait dans sa
famille avec une onction touchante. Bien que sa jeunesse se passât dans le
monde, à la cour de Charles-Quint, et dans le métier des armes, sa vie fut très
pure et toute chrétienne ; il tenait même peu aux honneurs auxquels l'avaient
appelé son grand nom et ses mérites.
A vingt-huit ans, la vue du cadavre
défiguré de l'impératrice Isabelle le frappa tellement, qu'il se dit à
lui-même : "François, voilà ce que tu seras bientôt... A quoi te serviront les
grandeurs de la terre ?..." Toutefois, cédant aux instances de l'empereur, qui
le fit son premier conseiller, il ne quitta le monde qu'à la mort de son épouse,
Éléonore de Castro. Il avait trente-six ans; encore dut-il passer quatre ans
dans le siècle, afin de pourvoir aux besoins de ses huit enfants.
François de Borgia fut digne de son
maître saint Ignace; tout son éloge est dans ce mot. L'humilité fut la vertu
dominante de ce prince revêtu de la livrée des pauvres du Christ. A plusieurs
reprises, le Pape voulut le nommer cardinal ; une première fois il se déroba par
la fuite ; une autre fois, saint Ignace conjura le danger.
Étant un jour en voyage avec un
vieux religieux, il dut coucher sur la paille avec son compagnon, dans une
misérable hôtellerie. Toute la nuit, le vieillard ne fit que tousser et
cracher ; ce ne fut que le lendemain matin qu'il s'aperçut de ce qui lui était
arrivé ; il avait couvert de ses crachats le visage et les habits du Saint.
Comme il en témoignait un grand chagrin : « Que cela ne vous fasse point de
peine, lui dit François, car il n'y avait pas un endroit dans la chambre où il
fallût cracher plutôt que sur moi ». Ce trait peint assez un homme aux vertus
héroïques.
Plus l'humble religieux
s'abaissait, plus les honneurs le cherchaient. Celui qui signait toutes ses
lettres de ces mots : François, pécheur; celui qui ne lisait qu'à genoux les
lettres de ses supérieurs, devint le troisième général de la Compagnie de Jésus.
Abbé L. Jaud,
Vie des Saints
pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950. |