Frédéric
Janssoone naît dans les Flandres françaises au lieu-dit Meul-Houc,
dans la commune de Ghyvelde, près de Dunkerque. Mais par ses
origines, il est des Flandres belges et sa langue maternelle est le
flamand. Dernier de huit
enfants, il est baptisé sous le nom de
Frédéric Cornil (Corneille). Son père, Pierre Antoine, est un petit
fermier qui travaille dur et finit par parvenir à une certaine
aisance. Sa mère, Marie-Isabelle Bollengier est cultivée et
raffinée. L’éducation est stricte, très chrétienne aussi,
spécialement dans le domaine de la charité et de la foi. L’enfant
connaîtra assez tôt la souffrance, car son père meurt en 1848 alors
qu’il n’a que 9 ans. Il est très doué pour les études, mais il doit
les arrêter en 1855, à cause de la crise économique et afin d’aider
sa mère qui a fait de mauvais placements. Il s’engage alors dans une
entreprise en textile, où il est représentant de commerce, domaine
où il se révèle génial. Plus tard aussi, il gardera le don de bien
présenter ses affaires ! À la mort de sa mère, en 1861, il peut
reprendre ses études. Un jour, grâce à une dame chez qui il prend
pension, il découvre saint François d’Assise et il est conquis. Deux
ans après, il entre au couvent franciscain d’Amiens. Devenu “Frère
Frédéric de saint Yves” ou plus tard “Frère Frédéric de Ghyvelde”,
il est ordonné prêtre à Bourges le 17 août 1870, juste avant la
guerre franco-allemande ; sa date d’ordination a été exprès avancée,
ce qui lui permet d’exercer ses fonctions sacerdotales comme
aumônier dans un hôpital militaire. Rude expérience. Après quoi, il
est supérieur à Bordeaux, puis autorisé à aller en Palestine où de
nombreux franciscains tiennent la “Custodie de Terre Sainte”. Nommé
assistant du supérieur ou ‘gardien’ il a de lourdes responsabilités
matérielles. C’est lui, par exemple, à qui l’on doit la construction
de l’église Sainte Catherine de Bethléem (où se célèbre chaque
année, en mondovision, la messe de minuit de Noël). Avec un sens
diplomatique et un esprit de paix dans ce pays sous domination
ottomane, il s’ingénie aussi à établir des accords entre les
différentes confessions chrétiennes, notamment pour leur présence
respective dans la basilique du Saint-Sépulcre et celle de Bethléem.
Il fait de grandes recherches d’archives et publie une synthèse qui
est, encore maintenant, la “ magna carta ” pour la gestion des
sanctuaires de Palestine. Il anime aussi de nombreux pèlerinages ;
ce qui lui donne l’occasion de rencontrer un prêtre canadien qui
l’invite dans son pays.
Ses
supérieurs l'envoient au Québec, en 1881, en lui confiant deux
mandats : instaurer là-bas la quête du Vendredi-Saint en faveur des
Lieux-Saints et visiter les fraternités du Tiers Ordre Franciscain
afin d'évaluer les possibilités d'une restauration de l'ordre des
Frères mineurs au Canada (le dernier Franciscain, un Récollet, étant
mort en 1849). Ses prédications à Québec et Trois-Rivières
connaissent un succès remarquable
(même si sa méconnaissance du climat
politique alors tendu suscite un incident) et il quête pour les
Lieux Saints. Dès l’année suivante, cette quête annuelle sera
établie dans le diocèse de Québec. Quant à lui, entre temps, il est
retourné en Terre Sainte. Mais, six ans après, les Canadiens
rappellent “le Bon Père Frédéric”.
Ses supérieurs le laissent repartir avec
la mission de mettre sur pied un Commissariat de Terre sainte à
Trois-Rivières (Québec), en attendant qu'il soit possible d'établir
une communauté régulière. Ce sera la première maison franciscaine.
De ce modeste pied-à-terre et du couvent régulier qui le remplacera
en 1903, le bon Père rayonnera, pendant 28 ans, dans tous les
diocèses du Québec et jusqu'en Nouvelle-Angleterre. Il prêche
avec zèle. Prédication franciscaine, basée sur la Passion et la
Résurrection, simple mais non dépourvue de sentiments, et qui
provoque souvent les larmes des auditeurs. Il est capable de prêcher
des heures entières, par exemple sur la Passion, sans que les gens
voient le temps passer. « Il ne cesse d’entraîner ceux qui
l’écoutent à s’engager dans la vie évangélique selon les
voies tracées par le Tiers-Ordre franciscain et tout autant
dans l’apostolat très concret de la vie familiale et
professionnelle » (Jean-Paul II). On lui confie le pèlerinage de
Notre-Dame du Cap-de-la-Madeleine, fondé par l’abbé Désilets. De ce
sanctuaire encore peu connu, il fait un pèlerinage national, où les
Oblats de Marie Immaculée le relayeront en 1902. Cela montre que la
dévotion mariale est vraiment “l’âme de son apostolat” (Id). De
plus, il a une impressionnante activité littéraire, écrivant
beaucoup d’articles, fondant des revues, notamment pour aider la
Terre Sainte.
Il célèbre
l’eucharistie avec une ferveur émouvante. Sa vie montre bien que
« l’esprit de contemplation, loin de freiner le zèle apostolique, le
fortifie. Proche de Dieu, il est aussi proche des gens » (Id). Il
est joyeux et, dans tout homme, il voit le Christ, spécialement dans
les petits.
Marcheur
infatigable, bourreau de travail, il prend sur ses nuits et mène une
vie très mortifiée; et pourtant, c’est un petit homme, chétif, qui
souffre de l’estomac. Épuisé par les austérités et le labeur,
atteint d’un cancer à l’estomac, il meurt à Montréal en 1916. Son
corps est transféré au couvent de Trois-Rivières.
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