Issu de la noble famille des
Anicii, Grégoire dont le nom grec signifie esprit vif, éveillé à la
vérité, est le fils de la pieuse Sylvie et du sénateur Gordien,
administrateur
d’un des sept arrondissements de Rome, qui compte parmi ses ancêtres le pape
Félix III (mort en 492).
Après de solides études classiques,
latines et grecques, maître ès lettres, dialecticien et rhétoricien, il est
nommé, en 573, préfet de la cité : Dans notre pays, écrit-il alors,
tout est livré au caprice des barbares : villes ruinées, citadelles renversées,
provinces dépeuplées. En nos campagnes, plus de cultivateurs. Tous les jours,
les idolâtres exercent leurs sévices par l’assassinat de chrétiens. Il
signe, avec d’autres nobles romains, un engagement de fidélité au siège
apostolique écrit par l’évêque Laurent II de Milan.

Deux ans plus tard, à la mort de
son père, devenu un des plus riches propriétaires fonciers de Rome, Grégoire
s’installe dans la maison paternelle, le Clivus Scauri, démissionne de
ses charges et, sous la conduite du moine Valentino, forme une communauté
religieuse : Ce furent, dira-t-il plus tard, les cinq années les plus
heureuses de ma vie. En plus de ce monastère sous le vocable de saint André,
il fonde six autres monastères dans les domaines familiaux de Sicile.
Sorti de son monastère dès
l’élection de Pélage II (579), il est ordonné diacre à trente-cinq ans, puis il
est nommé apocrisiaire, c’est-à-dire représentant extraordinaire du Pape à
Constantinople, près de l’Empereur (Tibère II, puis Maurice) pour que celui-ci
veuille bien envoyer des troupes pour protéger Rome et l’Italie des barbares.
Ayant échoué, il est relevé de ses fonctions au printemps 586 et devient abbé au
monastère romain Saint-André du Mont Cælius qu’il remet en ordre ; c’est pour
ses moines qu’il commente le Livre de Job dont il tire d’opportunes leçons sur
le mystère de la souffrance.
Après trois ans d’abbatiat, Pélage
II l’appelle auprès de lui et lui confie l’organisation de son secrétariat.
Cependant Grégoire veut partir évangéliser ce qui deviendra l’Angleterre ; il
arrache au pape la permission de partir, mais, au dernier moment Pélage II se
ravise et le rappelle près de lui.
Alors que, succédant à une terrible
inondation qui a ruiné les greniers à blé, la peste sévit à Rome depuis six
mois, le pape Pélage II est emporté par l’épidémie au début de février 590 ; le
clergé, le sénat et le peuple romain, désignent Grégoire comme pape. Grégoire
essaye de résister de tout son pouvoir contre cette élection et écrit à
l’empereur Maurice de ne pas la ratifier, mais le préfet de Rome intercepte la
lettre et lui substitue le rapport officiel de l’élection.
En attendant la réponse de
l’Empereur, Grégoire prend en main l’administration du siège vacant et, comme la
peste continuait ses ravages, il invite les fidèles à conjurer le fléau par un
grand acte de pénitence.
Du haut de l’ambon de Saint-Jean du
Latran, il s’écrie : Frères bien-aimés, la mort frappe à coups redoublés ...
Nous à qui elle laisse encore le temps de pleurer, livrons-nous à la pénitence !
Puis il traça l’ordre et la manière dont devrait se faire la solennelle
supplication : Le clergé partira de l’église des saints martyrs Côme et
Damien, avec les prêtres de la sixième région ; les abbés et les moines
partiront de l’église des saints Gervais et Protais avec les prêtres de la
quatrième région ; les abbesses et leurs communautés partiront de l’église des
saints Pierre et Marcellin avec les prêtres de la première région ; les enfants
réunis dans l’église des saints Jean et Paul en sortiront avec les prêtres de la
deuxième région ; les laïques assemblés dans l’église de saint Etienne, premier
martyr, en sortiront avec les prêtres de la septième région ; les veuves
partiront de l’église de sainte Euphémie avec les prêtres de la cinquième région
; enfin les femmes mariées partiront de l’église de saint Clément avec les
prêtres de la troisième région. Dans cet ordre connu depuis sous le nom de
Litanie septiforme, selon le témoignage de saint Grégoire de Tours,
pendant trois jours, à partir de neuf heures, de chacune de ces églises nous
sortirons en récitant des prières et en versant des larmes : nous nous
rejoindrons tous à la basilique de la Sainte Vierge Marie, et nous continuerons
là nos prières et nos supplications.
Le premier jour, quatre-vingt
personnes meurent pendant la procession. Grégoire fait vénérer l’image de la
Mère de Dieu, attribuée à saint Luc, puis, les jours suivants, pieds nus et
couvert d’un sac, la porte en procession dans les rues de Rome, vers la
basilique Saint-Pierre. Arrivés à la hauteur du mausolée d’Hadrien, tous
perçoivent les accents d’un chœur angélique qui chante : Réjouissez-vous,
Reine du ciel, Alléluia ! ; à quoi Grégoire répond : Car celui qu’il
vous fut donné de porter est ressuscité comme il l’avait dit, Alléluia !
puis il s’écrie, imité par la foule : Priez pour nous, sainte Mère de Dieu,
Alléluia ! L’archange saint Michel apparaît alors au sommet de l’édifice et
remet son épée au fourreau ; la peste cesse et l’Eglise s’est enrichie d’une
hymne à la Sainte Vierge, le Regina cæli, qu’elle chante toujours au
temps de Pâques. Depuis, le mausolée d’Hadrien est appelé le château Saint-Ange.
Réélu triomphalement, Grégoire
écrit de nouveau à l’empereur Maurice de ne pas ratifier l’élection et il
s’enfuit dans une caverne quand arrive la réponse favorable au premier rapport
du préfet de Rome. La foule le cherche pendant trois jours puis, guidée par une
colonne de lumière, le trouve et le ramène à Rome où il est sacré le 3 septembre
590. Me voilà maintenant en plein milieu du monde, beaucoup plus que je ne
l’étais comme laïc. J’ai perdu toute joie profonde : extérieurement c’est une
promotion ; intérieurement, quelle chute ! Balloté par les vagues des affaires,
j’entends la tempête qui gronde au-dessus de ma tête. Une fois remplie ma tâche
journalière, j’essaie de faire mon examen de conscience. Impossible : des soucis
tumultueux et vains m’accablent encore.
Dernier pape de l’Antiquité ou
premier pape du Moyen-Age, le soixante-troisième successeur de Pierre conduit
pendant près de quatorze ans l’Eglise d’une main de fer. Dans des
conjonctures particulièrement difficiles pour l’Eglise et pour l’Italie, tout le
pontificat de Grégoire est un long effort de redressement et de réorganisation.
Il administre avec sagesse le vaste Patrimoine de Saint-Pierre. Dans les
églises suburbicaires où le pape exerce l’autorité propre de
métropolitain, il contrôle de près l’élection des évêques et leur administration
(ainsi à Naples et en Sicile). Il réussit à résorber progressivement le schisme
qui, après la condamnation des Trois Chapitres, avait séparé de Rome les évêques
dépendant du métropolitain d’Aquilée. Les Lombards envahissent et dévastent
l’Italie et menacent Rome (592) ; suppléant à l’inaction de l’exarque de
Ravenne, Grégoire négocie et obtient une trêve qui sera renouvelée en 598 et en
603.
Se considérant comme le sujet du
basileus de Constantinople, il maintient cependant l’indépendance de l’Eglise
vis-à-vis du pouvoir civil et revendique les droits du successeur de saint
Pierre. Il intervient à plusieurs reprises dans des questions relatives aux
patriarcats d’Antioche et d’Alexandrie, ou même et Constantinople, et refuse
avec intransigeance au patriarche de Constantinople le droit de se nomme
patriarche œcuménique ; il voit dans ce titre un acte d’orgueil qui porterait
atteinte à la dignité et aux droits des autres patriarches ; lui-même ne veut
pas le porter et se contente du titre de servus servorum Dei (serviteur des
serviteurs de Dieu), porté déjà par des évêques. On lui doit
l’évangélisation de l’Angleterre. Il fait ajouter la récitation du Pater
à la messe, compose un sacramentaire et une codification du chant liturgique qui
porte son nom (chant grégorien). Il constitue une école de chantres chargés de
former les maîtres qui enseigneront l’exécution correcte des mélodies
grégoriennes.
Ce Consul de Dieu meurt à
Rome le 12 mars 604 ; il est enterré dans la basilique Saint-Pierre.
SOURCE:
http://missel.free.fr/Sanctoral/09/03.php |