Sous le règne de Dioclétien et de
Maximien, les chrétiens, en d'innombrables combats, soutenaient pour la gloire
de Dieu avec dévouement et courage les supplices infligés par les tyrans et
acquéraient ainsi les récompenses éternelles. Parmi eux, fut Irénée, évêque de
Sirmium, dont on va raconter, la lutte et la victoire. Il était digne de son nom
par sa modestie profonde et la crainte divine qui inspirait et guidait tous ses
actes.
Il fut traduit devant Probus
(gouverneur de la Pannonie Inférieure), qui lui dit : « Obéis aux divins édits
et sacrifie aux dieux. »
L'évêque : Quiconque sacrifie aux
dieux et non à Dieu sera anéanti.
Les très cléments princes laissent
le choix, sacrifier ou mourir par la torture.
— Mon devoir est d'accepter les
tortures plutôt que de renier Dieu en sacrifiant aux démons.
— Sacrifie, ou bien la torture va
commencer.
— Tant mieux, je participerai ainsi
à la Passion de mon Sauveur.
Pendant la torture Probe dit : « Eh
bien, Irénée, que dis-tu ? Sacrifie.
— Je sacrifie à Dieu en confessant
ma foi et je lui ai toujours sacrifié.
Les parents d'Irénée arrivant, ils
le virent en cet état et le prièrent d'épargner cet excès de douleur à leur
vieillesse. En même temps ses petits enfants lui baisaient les pieds : « Papa,
disaient-ils, aie pitié de nous. » Sa femme sanglotait, suppliait. Des
serviteurs, des amis, des voisins étaient là qui se lamentaient : « Aie pitié de
ta jeunesse », lui disaient-ils.
Un désir plus noble s'était emparé
de l'âme du martyr, cette parole du Sauveur ne sortait plus de sa pensée :
« Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon Père
céleste. »
Supérieur à tout, il demeurait en
silence.
Probus lui dit : Allons, laisse-toi
toucher par tant de larmes, pense à ton âge, sacrifie.
— Je pense à mon éternité, je ne
sacrifie pas.
On le reconduisit en prison, où il
fut enfermé plusieurs jours, et soumis à de nouveaux supplices.
Une nuit, Probus le fit chercher.
— Irénée, sacrifie, afin d'éviter
la souffrance.
— Fais ton métier, mais n'attends
rien de moi.
Probus le fit rouer de coups de
bâton.
— J'ai appris à adorer mon Dieu dès
l'enfance, je l'adore, il me soutient dans mes épreuves, c'est à lui que je
sacrifie : je ne puis adorer vos dieux fabriqués.
— Evite la mort, tu as assez
souffert.
— La mort m'est un gain, puisque.
par les souffrances que tu crois m'infliger et que je ne sens pas, j'obtiens de
Dieu la vie éternelle.
— Tu es marié ? Non.
— Mais tu as des fils ?
— Non.
— Tu as tes parents ?
— Non.
— Qui sont donc ceux qui pleuraient
devant toi à la dernière audience ?
— Jésus-Christ, mon Maître, a dit :
« et Celui qui aime son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses fils, ou ses
frères plus que moi, n'est pas digne de moi. »
C'était la raison qui faisait dire
au martyr, le regard tourné vers les choses du ciel, qu'il ne connaissait
ici-bas personne autre que Dieu.
— Sacrifie, ne fût-ce que pour eux.
— Mes fils ont le même Dieu que
moi, il peut les sauver. Fais ton métier.
— Réfléchis, jeune homme, sacrifie,
évite le supplice.
— Fais ce que tu voudras, tu vas
voir quelle force Notre-Seigneur Jésus-Christ me donnera contre les embûches.
Probus dit : — Je vais prononcer la
sentence.
— Tant mieux.
— J'ordonne, dit Probus, qu'Irénée,
qui a désobéi aux ordres royaux, soit jeté à la rivière.
— Je m'attendais qu'après tant de
menaces, dit Irénée, tu multiplierais sur moi les tourments, afin de me frapper
ensuite d'un coup d'épée, tu ne l'as pas fait. Je t'en prie, change d'avis, tu
apprendras comment, grâce à leur foi, les chrétiens savent mourir.
Probus, vexé (changea la sentence)
et condamna Irénée à être décapité. Le saint martyr, comme si t'eût été une
seconde couronne offerte à son courage, rendit grâces et dit : « Je vous rends
grâces, Seigneur Jésus-Christ, qui parmi des peines et des tortures diverses me
donnez la force de les supporter, et daignez me rendre participant de la gloire
éternelle. »
Quand on fut arrivé sur le pont
nommé de Bazentis (qui domine le Save), le martyr enleva ses vêtements, éleva
les mains au ciel, et pria : « Seigneur Jésus-Christ, qui as daigné souffrir
pour le salut du monde, que ton ciel s'ouvre et reçoive l'âme de ton serviteur
Irénée, qui souffre aujourd'hui pour ton nom et pour le peuple de ton Église
catholique de Sirmium. J'implore ta miséricorde, daigne m'accueillir et
confirmer ceux-ci dans ta foi. »
Quand il eut fini, le bourreau lui
coupa la tête et jeta le corps dans la Save.
Ainsi mourut le serviteur de Dieu
Irénée, évêque de Sirmium.
C'était le 6 avril, sous le règne
de Dioclétien, par l'ordre du gouverneur Probus. Notre-Seigneur Jésus-Christ
régnait sur le monde. A lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
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