Saint Isidore, frère et
successeur de saint Léandre sur le siège archiépiscopal de Séville,
était de famille princière; il
eut
aussi pour frère saint Fulgence, et pour sœur sainte Florentine,
vierge et religieuse, illustre par ses chants sacrés.
On rapporte que la
nourrice d'Isidore l'ayant laissé seul un instant dans le jardin de
son père, il fut environné d'un essaim d'abeilles, dont
quelques-unes se posèrent sur son visage et sur ses lèvres sans lui
faire aucun mal: présage des flots de persuasive éloquence qui
devaient couler un jour de la bouche du grand Docteur.
Il fut confié, jeune
encore, à son frère aîné, Léandre, qui l'aimait comme un fils, mais
qui usa envers lui d'une grande sévérité. Un jour, Isidore,
découragé par l'insuccès de ses efforts et rebuté par les énergiques
corrections de l'archevêque, s'enfuit de l'école de Séville. Après
avoir erré quelque temps dans la campagne, exténué de soif et de
fatigue, il s'assit auprès d'un puits et se mit à regarder avec
curiosité les sillons qui en creusaient la margelle. Il se demandait
d'où provenait ce travail, lorsqu'une femme qui venait chercher de
l'eau au puits, touchée de la beauté et de l'humble innocence de
l'écolier, lui expliqua que les gouttes d'eau, en tombant sans cesse
sur le même endroit, avaient creusé la pierre. Alors l'enfant rentra
en lui-même et se dit que si la dureté de la pierre se laissait
ainsi creuser goutte à goutte par l'eau, son esprit finirait bien
aussi par subir l'empreinte de l'enseignement.
Il retourna auprès de
son frère et acheva son éducation de façon à posséder bientôt le
latin, le grec et l'hébreu, et à devenir le collaborateur actif de
Léandre dans l'œuvre de la conversion des ariens. Son zèle et sa
science irritèrent tellement ces hérétiques, qu'ils résolurent de le
tuer; mais la Providence le tira de leurs mains. C'est alors que,
pour approfondir encore davantage la science de la foi, il entra
dans un monastère, où il s'adonna autant aux vertus religieuses qu'à
l'étude.
A la mort de Léandre,
il fut élu à sa place aux unanimes applaudissements du peuple.
Pendant que tous se réjouissaient de son élévation, lui seul
pleurait. Dès qu'il eut ceint la mitre et pris en main la houlette
pastorale, sa vie ne fut plus qu'un perpétuel sacrifice, et il ne
cessa de se dépenser pour son troupeau, au point qu'il est
incompréhensible comment la vie d'un homme si occupé par le
ministère extérieur a pu suffire à tant de savants écrits.
Prévenu par le Ciel de
son prochain trépas, il se fit porter à l'église, se fit donner un
cilice et mourut sur la cendre.
Abbé L. Jaud
Vie des Saints pour
tous les jours de l'année, Tours,
Mame, 1950. |