Jean Baptiste Scalabrini Évêque

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Jean Baptiste Scalabrini
Évêque, Bienheureux
1839-1905

Jean Baptiste (Giovanni Battista) Scalabrini naît en 1839 au petit village de Fino Mornasco dans la province de Côme en Lombardie (Italie). Son père est marchand de vin; c'est "un patriarche plein de foi et d'espérance". Il fait baptiser son fils le jour même de sa naissance, troisième enfant d'une famille qui en comptera huit. A 23 ans, en 1863, il est ordonné prêtre. Il rêve d'être missionnaire et demande l'autorisation de sa mère qui la lui donne. Mais son évêque lui dit: "Vos Indes sont l'Italie". Il passe sept ans au petit séminaire de Côme, d'abord comme professeur et sous-directeur. En 1867, il se distingue par sa charité en soignant des malades atteints du choléra et il reçoit la médaille du mérite civil. Il termine comme directeur du petit séminaire.

De 1870 à 1875, il est curé de San Bartolomeo (Saint Barthélemy) à Côme. Son activité est déjà impressionnante: Il crée un Jardin d'enfants dont sa sœur Luisa est la directrice; il écrit un "Petit Catéchisme" selon la méthode de la "division en syllabes", une nouveauté en ce temps-là; il monte un patronage pour les jeunes avec leur aide, s'occupe des sourds-muets en utilisant une nouvelle méthode dite "phonique"; il fonde une "Société de Secours Mutuel" pour lutter contre le chômage qui sévit dans la région.

En 1872, il donne 11 conférence à la Cathédrale de Côme sur le dogme de l'Infaillibilité pontificale récemment promulgué et il reçoit les félicitations de Pie IX lequel, conseillé notamment par don Bosco, le nomme évêque de Piacenza (Plaisance) en 1875. Il tente de se récuser alléguant notamment son jeune âge (37 ans). Peine perdue. Pie IX lui offre une crosse sur laquelle est écrit: "Charitatis potestas" (puissance de la charité) et il commente: "Que cela soit la règle de votre gouvernement spirituel": Le blason choisi par l'évêque représente l'échelle de Jacob et sa devise, inspirée de la Genèse (28,12-13), rappelle discrètement son nom: "Vidi Dominum innixum scala" (J'ai vu le Seigneur appuyé sur l'échelle).

Sa spiritualité

Devant l'activité pastorale de Mgr Scalabrini, il y a de quoi être non seulement édifié mais "effrayé". Ce n'est pas un activisme de surface. Sa force pour agir, il la puise dans une vie spirituelle intense. Il répète souvent: "Si seulement je pouvais me sanctifier et sanctifier toutes les âmes qui me sont confiées!" Il a une grande dévotion eucharistique et passe de longs moments devant le Saint-Sacrement (son 3e synode (1899), le plus marquant, sera consacré à l'Eucharistie).La Croix est le centre de sa vie spirituelle. Il a aussi une grande dévotion pour la Sainte Vierge Marie. Enfin cet homme, pourtant plein d'initiatives hardies, n'a d'autres "ambition" que d'aimer le Pape, de lui obéir et "de gagner autant d'âmes que possible" à cet amour et à cette obéissance.

Les constats de l'Evêque

Pour la population, relativement nombreuse de son diocèse, il n'y a pas assez de travail. Beaucoup travaillent la soie à domicile, mais ils sont guettés par le chômage. Beaucoup d'autres sont des migrants saisonniers qui chaque année se rendent dans les provinces du Piémont et de la Lombardie pour le nettoyage du riz. D'autres enfin émigrent à l'étranger. Dans son diocèse, d'après ses propres constations, il relève 11% d'émigration. La vie religieuse n'est guère brillante: chez les fidèles il y a une grande ignorance et les prêtres sont insuffisamment formés et pas assez proches des gens. Le prêtre doit "sortir du Temple" leur dit-il. Il doit être aussi un "homme social".

Lui-même se rend proche de son diocèse en faisant cinq visites pastorales. Pendant l'hiver, il visite les régions plus facilement accessibles, et l'été, il se rend dans les villages de montagne dont certains n'ont pas reçu la visite de l'évêque depuis 300 ans. Quand il arrive, il confesse, rend visite aux malades, consacre les églises (il en a consacré 200), régularise les mariages et apaise de vieilles querelles.

Son action

Ayant vu la situation de son diocèse, il peut fixer ses priorités: les prêtres et la promotion de laïcs chrétiens.

Les prêtres: La formation des séminaristes est insuffisante. Il fait une sélection, ramenant leur nombre de 184 à 40. Il soutient matériellement les séminaristes pauvres et améliore les études. Il va même jusqu'à doter le séminaire d'un laboratoire de physique et il l'enrichit d'un musée de sciences naturelles. Pour les prêtres, il réintroduit la retraite annuelle et rétablit les conférences de prêtres où l'on discute des problèmes moraux. Il reprend les Synodes diocésains qu'on ne tenait pas depuis plus de 300 ans. Le premier a pour thème la réforme du diocèse, le 2e, le catéchisme et la prédication, le 3e, l'eucharistie.

Promotion des laïcs: Il est persuadé que la meilleure arme pour combattre la déchristianisation croissante est le catéchisme. Aussi y en a-t-il pour tous les âges: depuis le "petit catéchisme" des enfants, jusqu'aux adultes (rôle des parents). Il fonde une revue, "le catéchisme catholique" qui devient nationale en 1889. Le bon vieux Pape Pie IX exulte: "Aujourd'hui on se préoccupe trop du 2e étage des maisons, mais trop peu du 1er qui est aussi fondamental. Le catéchisme est précisément le fondement par où toute prédication et toute œuvre pastorale devrait commencer. Avec de bons catéchistes, on sauve la société." Et, offrant à Mgr Scalabrini une croix pectorale, il le désigne comme "l'apôtre du catéchisme" (1877). Plus tard, l'évêque publie un ouvrage "Le catéchisme catholique. Considérations", l'un des premiers traités sur la catéchèse. Léon XIII le remercie par une lettre personnelle et dans une audience, il définit Plaisance comme "la ville du catéchisme". L'évêque tient à Plaisance le premier "Congrès catéchistique national" qui est sans doute le premier au monde. Parmi les nombreux cardinaux et évêques présents figure Mgr Giuseppe Sarto, le futur Pie X .

Il veille aussi à la prédication: beaucoup, à la cathédrale ou lors de ses visites, ont entendu sa voix chaude et attrayante. Soucieux de former et d'informer par tous les moyens, il publie 60 lettres pastorales et des brochures sur des sujets ecclésiaux et sociaux. Il fonde un journal "l'ami du peuple" qui paraît deux fois par semaine et devient quotidien en 1896.

Il vole au secours de toute misère. Lors de la terrible famine qui frappe la province de Plaisance durant l'hiver 1879-80, il crée 5 'comités': farine, bois, rachat des gages, et "familles dans la honte" (nobles désargentés). Pour faire face aux frais que cela entraîne, il vend carrosse et chevaux, et même la croix et le précieux calice donnés par Pie IX. Ses adversaires eux-mêmes, en cette période d'anti-cléricalisme, s'inclinent devant sa charité.

Les Etats du Vatican ont été annexés par la jeune Italie et la règle pour les catholiques est le "non expedit": il ne "convient" pas de participer à la vie politique. Mgr Scalabrini voit plus loin et pense qu'un tout petit Etat suffirait à assurer l'indépendance spirituelle du Saint Siège et que les catholiques ont intérêt à collaborer dans le gouvernement pour éviter que des lois mauvaises ne soient adoptées. Il écrit plusieurs fois à Rome en ce sens, mais l'heure n'est pas encore à la "Conciliation" et Mgr Scalabrini respecte l'attitude adoptée par le Saint Siège. Il faudra attendre Pie X pour que les catholiques aient le droit d'aller aux urnes (1904). Joie alors de notre évêque! Ajoutons qu'en ce domaine comme dans les autres, il a son franc-parler et cela lui crée des ennuis. Quant à lui il est toujours prêt à pardonner.

Le père des migrants

Mais le grand problème que Mgr Scalabrini prend à bras le corps est celui de l'émigration. Les trente années de son épiscopat coïncident avec la plus forte émigration italienne: 8 millions! Le pays est encore peu industrialisé et la terre, cultivée selon les méthodes traditionnelles, ne suffit pas à nourrir tout son monde. En général, ce sont les plus pauvres qui partent. Pour comble de malheur, ils sont exploités par une nuée d'agents sans scrupules qui s'offrent pour organiser le voyage et que Mgr Scalabrini stigmatise comme des "maquignons de chair humaine". Il parle aussi de "traite des blancs". La plupart des émigrés sont analphabètes. Mgr Scalabrini reçoit de plein fouet le choc de ce spectacle de misère qui lui fait monter le rouge au front en tant qu'Italien et chrétien. Il constate que beaucoup y perdent leur foi en même temps que leur langue et leur culture. C'est pourquoi il veut que dans leur pays d'accueil, les émigrés conservent leur langue et il décide de leur apprendre à lire et de leur donner les rudiments de l'instruction. Il fonde en 1887 la "Congrégation des Missionnaires de Saint Charles" (branche masculine). C'est encore lui qui, en 1889, persuade sainte Françoise Cabrini  d'envoyer ses religieuses parmi les Italiens des Etats-Unis, laquelle sera déclarée "Patronne des émigrants" par Pie XI. Il fonde la Société saint Raphaël qui emploie de nombreux laïcs pour assurer aux migrants fraîchement débarqués une assistance religieuse, sanitaire et culturelle. En 1895, il fonde la "Congrégation des Sœurs Missionnaires de Saint Charles". Il fait des conférences dans toute l'Italie pour éveiller les esprits à ce problème. Il insiste aussi sur l'aspect positif de l'émigration: rapprochement des peuples et "fusion" sans confusion. En 1901, il fait une visite aux Etats-Unis. Il rencontre le président Théodore Roosevelt. Au retour, c'est la 5e visite pastorale de son diocèse. En 1904, malgré son âge (62 ans) et son état maladif, il entreprend, sur le conseil de Pie X, un voyage au Brésil, voyage fatigant mais triomphal (40 000 confirmations). Le Pape, qui l'avait embrassé au départ, lui envoie une médaille d'or à son retour et lui demande de venir lui raconter son voyage, mais le pauvre évêque n'en peut plus et il doit rester sur place. Néanmoins il annonce une 6e visite pastorale et il écrit au cardinal Merry del Val (secrétaire d'Etat de Pie X) un célèbre mémoire dans lequel il demande au Saint-Siège d'instituer une "Commission centrale pour tous les émigrés catholiques" (…vœu qui ne sera réalisé qu'en 1970 avec la création par Paul VI de la "Commission pontificale pour la pastorale des Migrants et du Tourisme").

Atteint depuis longtemps d'un mal contracté lors d'une visite pastorale, il doit subir une intervention chirurgicale. Il passe la nuit qui précède en prière. Après l'opération la santé ne revient pas. Il sent la mort approcher et demande l'Extrême Onction. Dans le délire de l'agonie, il répète: "Et mes prêtre? Où sont-ils mes prêtres? Laissez-les entrer." Le jour de sa mort, ou plutôt de sa naissance au ciel est celui de la Fête de l'Ascension: 1er juin 1905. On l'enterre dans la cathédrale romane de Plaisance qu'il avait fait restaurer.

Son procès de béatification nous vaudra le témoignage d'un dernier pape. En effet, le 9 juillet 1955, le patriarche de Venise Mgr Roncalli, le futur Jean XXIII  écrit à Pie XII: "Saint Père, j'ai eu la chance de voir de mes yeux et d'écouter de mes oreilles la parole de ce vénérable évêque. De ces très brèves rencontres et de la parole et des jugements de mon évêque, je me fis de Mgr Scalabrini une haute et claire idée: c'était un évêque très pieux, érudit, zélé et généreux dans le service de Dieu et des âmes."

Peut-on parler de martyre pour Mgr Scalabrini (béatifié en même temps qu'un autre évêque martyr, Mgr Vilmos Apor) ? Pas au sens strict sans doute, mais comme l'écrit un missionnaire du Brésil: "C'est l'opinion de tout le monde qu'il a lui-même contribué à ses douleurs par les excès de ses voyages. S'il en est ainsi nous avons une raison de plus pour saluer en Mgr Scalabrini l'apôtre et le martyr des émigrés italiens."

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