Le bienheureux Jean
Dominici, dominicain, cardinal et archevêque de Raguse, né vers l'an
1359, à Florence, d'une
famille pauvre, mais pieuse, qui ne pouvant
lui donner une éducation brillante, s'appliqua à l'élever dans la
piété. Il passa sa première jeunesse dans les travaux communs
et dans les pratiques de la religion. Il fréquentait souvent
l'église des dominicains de Florence, et à dix-huit ans il demanda
d'entrer dans leur couvent. On ne voulait pas d'abord le recevoir,
lorsqu'un des frères prédit que le postulant rendrait un jour de
grands services à l'Église, et là-dessus il fut admis sans
difficulté. Pendant son noviciat, Jean Dominici montra tant de
régularité et de ferveur qu'il devint bientôt un objet d'admiration
pour la communauté. Après sa profession il s'appliqua à l'étude :
comme il donnait au travail tous les moments qui n'étaient pas
consacrés à des exercices de piété, et qu'il ne prenait de
nourriture et de sommeil qu'autant qu'il le fallait rigoureusement
pour se soutenir, il faisait des progrès étonnants ; bientôt il fut
en étal de suivre un cours de théologie. Il devint si habile dans
celle science que les supérieurs voulaient qu'il se fit recevoir
docteur ; titre qu'il refusa par humilité.
Il obtint des succès
remarquables dans la prédication ; il prêchait souvent jusqu'à cinq
fois par jour, et ses discours, aussi soldes que touchants,
remuaient tous les cœurs. Après avoir exercé son talent à Florence
et dans d'autres villes de la Toscane, il alla se faire entendre à
Rome, où il opéra de nombreuses conversions dans toutes les classes,
mais surtout parmi les débauchés et les femmes de mauvaise vie. Son
zèle s'étendit aussi jusqu'aux monastères, qui, à cette époque,
avaient grand besoin de réforme, et il en fonda plusieurs dans
lesquels il établit une régularité parfaite, afin qu'ils pussent
servir de modèle aux maisons qui étaient tombées dans le relâchement
; aussi mérita-t-il le litre de restaurateur de la discipline
régulière eu Italie. Parmi les personnes qu'il gagna à Dieu et qu'il
conduisit dans les voies de la perfection, on peut citer saint
Antonin, qui devint ensuite archevêque de Florence.
Le pape Boniface IX,
ayant cru devoir publier une croisade contre Bayezid I, qui menaçait
la chrétienté, chargea eu 1394 le P. Jean Dominici de la prêcher
dans diverses provinces d'Italie; mais celle croisade n'eut pas
lieu, à cause de la division que le grand schisme d'Occident mettait
parmi les princes chrétiens. Grégoire XII, qui connaissait depuis
longtemps le mérite du bienheureux Jean, le fit venir auprès de lui,
lorsqu'il eut été élevé sur le Saint-Siège, pour l'aider à pacifier
l'Église. L'ayant ensuite nommé dans un archevêché important,
l'humble dominicain fut obligé par obéissance d'accepter cette
dignité ; mais il s'abstint de se faire sacrer, dans l'espérance
qu'il pourrait se soustraire au fardeau de l'épiscopat, et aussi
parce que, se trouvant retenu à Rome, il se voyait dans
l'impossibilité de résider dans son diocèse. Grégoire XII, pour
récompenser ses talents et ses services, le créa, en 1408, cardinal
du titre de Saint-Sixte. Cette élévation, que Jean n'avait pas
recherchée, fut pour lui une source d'amertume ; comme il possédait
l'estime et la confiance du pape, on l'accusa de s'être emparé de
l'esprit du pontife, et on le regardait comme un ambitieux avide
d'honneurs. Le bienheureux Jean ne fut pas plus ébranlé par ces
calomnies qu'il ne l'avait été parles applaudissements que lui
avaient valus ses succès dans la prédication. Il montra la même
patience envers d'anciens cardinaux, qui, mécontents de sa
promotion, refusaient de reconnaître en lui la dignité dont il était
revêtu.
Après que le concile
de Pisé eut élu Alexandre V, il pressa vivement Grégoire XII de
renoncer à la tiare ; mais il ne put obtenir cette renonciation
qu'au concile de Constance. Aussitôt que cette importante affaire, à
laquelle il eut plus de part que personne, eut été consommée, il
quitta en plein concile les insignes du cardinalat, qu'il ne se
croyait plus en doit de porter, et il alla se placer parmi les
évêques. Le concile, touché de celle noble conduite, l'engagea à
reprendre son rang et le confirma dans ses dignités. L'humble
cardinal continua donc à siéger dans cette auguste assemblée, qui le
regardait comme une de ses lumières. Il y ménagea autant qu'il put
les intérêts de Grégoire XII, son bienfaiteur, et contribua à
l'élection de Martin V, qui mit fin au schisme : il eut lui-même
plusieurs voix pour la papauté.
L'empereur Sigismond,
qui savait apprécier la haute sagesse du cardinal, désira qu'il fût
chargé de faire recevoir en Bohême les décrets du concile et de
ramener les Hussites à l'unité catholique. En conséquence, Martin V
le chargea de cette mission par une lettre très flatteuse, datée du
10 juillet 1418, et Jean partit aussitôt pour ce royaume, désolé par
les révoltes et les cruautés des disciples fanatiques de Jean Hus.
Le saint cardinal, voyant que ses efforts étaient sans résultat,
passa en Hongrie, où il espérait plus de succès, et il se trouvait à
Bude lorsque Dieu lui fit connaître que sa fin était prochaine.
Atteint d'une fièvre grave, il se fit administrer les derniers
sacrements de l'Église et demanda d'être enterré sans cérémonie et
comme un simple religieux, chez les frères de Saint-Paul-Ermite. Il
mourut le 10 juin 1419, âgé de près de soixante ans. Le pape
Grégoire XVI approuva en 1832 le culte qu'on lui rendait de temps
immémorial.
Le bienheureux Jean
Dominici a laissé des Commentaires sur divers livres de
l'Écriture sainte, et un livre de piété qui fut accueilli avec
beaucoup de ferveur lors de sa publication. |