S. Joseph
descendait en droite ligne des plus grands rois de Juda, et
des plus illustres d'entre les anciens
patriarches;
mais il tire sa principale gloire de ses vertus, et surtout de son
humilité. Aucun historien n'a écrit sa Vie ; et nous ne savons de
lui que caque le Saint-Esprit a bien voulu nous en apprendre. Dieu,
l'ayant destiné à être le père nourricier de son fils manifesté
dans la chair, le donna pour époux à la sainte Vierge. Quelques
auteurs ont avancé qu'il était veuf d'une première femme, dont il
avait eu plusieurs enfants, savoir : S. Jacques le mineur, et
ceux que l'Évangile appelle les
frères du Seigneur. Mais ils se trompent ; ces frères du
Seigneur étaient les cousins-germains de Jésus-Christ, étant nés du
mariage de Marie, sœur de la sainte Vierge, avec Alphée, lequel
vivait encore quand le Sauveur fut crucifié. S. Jérôme assure que S.
Joseph a toujours été vierge ; et il est constant qu'après avoir été
uni à sa sainte épouse, il vécut toujours dans la plus parfaite
continence. Le ciel avait présidé à un mariage qui entrait dans
l'accomplissement de ses desseins. Marie, en devenant mère, n'avait
plus rien à craindre de la calomnie pour son honneur; elle trouvait
de plus dans Joseph un aide qui partageait avec elle le soin de
pourvoir à la subsistance de son fils, un compagnon qui l'assistait
dans ses voyages, un consolateur qui lui adoucissait le sentiment de
ses peines. Quelle ne dut pas être la pureté et la sainteté de celui
que le ciel avait choisi pour être le gardien de la plus pure et de
la plus sainte
des vierges !
Ses doutes et ses craintes
Il paraît que S. Joseph
ignora assez longtemps le prodige que le Saint-Esprit avait opéré
dans Marie. Il s'aperçut pourtant à la fin de sa grossesse. La
conduite qu'il avait tenue, jointe à l'éminente sainteté de Marie,
fit naître en lui des réflexions qui le jetèrent dans la plus grande
perplexité. Comme il était juste et rempli de charité pour le
prochain, il résolut de la quitter secrètement, sans la condamner,
ni même l'accuser. De pareilles dispositions ne restèrent pas sans
récompense. Lorsqu'il se préparait à exécuter son dessein, un ange
lui apparut en songe. Il venait, non pour lui faire des reproches,
mais pour dissiper ses doutes et ses craintes, en lui révélant que
la grossesse de Marie était miraculeuse, et que la vertu du
Très-Haut avait formé dans son chaste sein le corps adorable du
Sauveur du monde. La conduite de S. Joseph est bien propre à
confondre tous ces Chrétiens, qui, sur de simples conjectures, ou
sur le témoignage trompeur des sens, se livrent aux soupçons les
plus injurieux, et déchirent ensuite impitoyablement la réputation
de leurs frères.
Enfin arriva le temps
où Marie mit au monde le Rédempteur du genre humain, le Désiré
des nations. Joseph fut le premier de tous les hommes qui eut le
bonheur de l'adorer. Il faudrait avoir son cœur pour comprendre ce
qu'il dut alors éprouver, et pour se former une juste idée de la
dévotion, du respect et de l'amour avec lesquels il adora le Sauveur
qui voulait bien être réputé son fils. Quelle fidélité à
correspondre aux desseins du Père éternel, qui l'avait chargé tout à
la fois de nourrir le Verbe fait chair, et de garder sa
bienheureuse mère! « C'est là, dit S. Bernard en parlant de S.
Joseph, c'est là ce serviteur fidèle et prudent que notre Seigneur a
établi sur sa famille, pour être le soutien et la consolation de sa
mère, son père nourricier, et son digne coopérateur dans l'exécution
de ses desseins miséricordieux sur la terre... Quel bonheur pour lui
de voir non seulement Jésus-Christ, mais encore de l'entendre, de le
tenir dans ses bras, de le porter d'un lieu à un autre, de le
caresser, de l'embrasser, de le nourrir, d'être admis dans la
participation de ces ineffables secrets qui ont été cachés aux yeux
du monde ! » « O prodige d'élévation ! ô dignité incomparable !
s'écrie le pieux Gerson, en s'adressant à S. Joseph. La mère de
Dieu, la reine du ciel vous appelle son seigneur, le Verbe fait
chair vous appelle son père, et vous obéit. O Jésus ! ô Marie ! ô
Joseph ! qui formez sur la terre une glorieuse trinité, en qui
l'auguste Trinité du ciel met toutes ses complaisances ! Que peut-on
imaginer ici-bas d'aussi grand, d'aussi bon, d'aussi excellent ? »
Mais ce qu'il y a de plus admirable dans S. Joseph, c'est qu'au
milieu des grâces extraordinaires dont il est favorisé, il conserve
l'humilité la plus profonde : il vit dans l'obscurité comme le
dernier des hommes; il cache les privilèges ineffables dont il est
honoré; il ne publie rien des mystères incompréhensibles qui
viennent de s'accomplir ; il ne cherche point à les pénétrer, et
laisse à Dieu le soin de les manifester dans le temps fixé par ses
décrets ; il ne pense qu'à correspondre aux vues de la Providence
sur lui, et se borne uniquement à ce qui le regarde. Quoique issu du
sang des anciens rois de Juda, il se plaît dans une condition vile
aux yeux du monde, et n'a d'autre ambition que de fournir par le
travail de ses mains aux besoins communs de la sainte famille.
Joseph, “instrument” du Seigneur
Joseph fut l'instrument
dont Dieu se servit pour sauver l'enfant Jésus de la fureur
d'Hérode. Ce prince cruel et jaloux ayant résolu le massacre des
Innocents, un ange apparut à Joseph, et lui ordonna de se lever, de
prendre Jésus, de fuir en Égypte, et d'y rester jusqu'à ce qu'il fut
Averti d'en sortir. Une fuite aussi soudaine ne déconcerta point le
saint. Il obéit sur-le-champ, sans même s'informer du temps marqué
pour le retour. Il est aisé de juger de ce qu'il eut à souffrir en
traversant de vastes déserts et des pays inconnus, avec un enfant et
une tendre vierge. S. Chrysostôme remarque à cette occasion, que
Dieu traita S. Joseph, comme il a coutume de traiter ses serviteurs.
Il leur envoie des épreuves pour purifier leurs cœurs des souillures
de l'amour-propre, de manière toutefois qu'il mêle à leur amertume
la douceur des consolations. « Joseph, dit ce Père, est inquiet en
voyant la grossesse de Marie, mais un ange vient le tirer de ses
perplexités. Il se réjouit à la naissance de Jésus ; mais cette joie
est suivie d'une grande crainte. Hérode et toute la ville de
Jérusalem conspirent contre les jours de l'enfant. La joie renaît à
l'adoration des Mages, mais elle est troublée par une nouvelle
crainte : il faut fuir dans une terre inconnue. »
Nous lisons dans les
Pères, qu'à l'entrée de Jésus en Égypte, les oracles devinrent
muets, et que les statues des faux dieux tremblèrent, furent même
renversées en plusieurs endroits, conformément à ce passage du
dix-neuvième chapitre d'Isaïe : Les idoles d'Égypte seront
ébranlées devant sa face. Les Pères attribuent encore au séjour
que le Sauveur fit en Égypte, cette merveilleuse fécondité qui y
produisit durant plusieurs siècles une multitude innombrable de
saints.
Obéissance constante
Après la mort d'Hérode,
Dieu avertit Joseph par une vision de retourner en Judée, avec
l’entant et sa mère. Il obéit avec sa promptitude ordinaire. Mais,
ayant appris, à son arrivée, qu'Archélaos avait succédé à Hérode, il
eut peur que le fils n'eût hérité de tous les vices du père. Il ne
voulut donc point s'établir dans son royaume, malgré toutes les
facilités qu'il y eût trouvées pour l'éducation du saint enfant.
Ainsi, conformément à l'ordre que Dieu lui donna en songe, il se
retira dans la Galilée, qui était de la domination d'Hérode Antipas,
frère d'Archélaos. Il choisit pour sa demeure la ville de Nazareth,
où la naissance de Jésus avait fait moins de bruit. En fidèle
disciple de Moïse, il allait tous les ans célébrer la Pâque à
Jérusalem. Il n'avait plus rien à craindre d'Archélaos exilé par
Auguste, qui avait fait de la Judée une province de l'empire romain.
Jésus, ayant atteint sa
douzième année, alla célébrer la Pâque à Jérusalem avec ses parents.
Après la fête, Marie et Joseph reprirent la route de Nazareth, ne
doutant point que Jésus ne fût avec les personnes de leur
connaissance et de leur compagnie. Ils ne s'aperçurent de son
absence qu'au bout d'un jour. Pénétrés de la plus vive douleur, ils
retournèrent à Jérusalem. Ils le cherchèrent trois jours
consécutifs, et le trouvèrent enfin dans le temple, assis au milieu
des docteurs de la loi, les écoutant et leur faisant des questions
dont la sagesse ravissait d'admiration tous ceux qui étaient
présents. Joseph et Marie furent eux-mêmes saisis d'étonnement. Mon
fils, lui dit sa mère, encore tout accablée de la douleur que lui
avait causée la privation de sa divine présence : « Mon fils,
pourquoi avez-vous agi de la sorte avec nous ? Voilà que votre père
et moi nous vous cherchions fort affligés. »
Jésus leur répondit que
sa qualité de Messie l'obligeait à s'employer aux choses qui
regardaient le service de son Père, et que par conséquent le temple
était le lieu où l'on devait le trouver. Il donnait à entendre, par
ces paroles, qu'il n'avait paru en public que pour procurer la
gloire de son Père, et pour préparer les princes de la Synagogue à
le recevoir, en leur faisant comme toucher au doigt que les oracles
des prophètes, au sujet de la venue du Messie, allaient avoir leur
accomplissement. Nous devons observer ici que ce même Jésus, qui
n'avait-point communiqué à Joseph et Marie le dessein qu'il avait de
rester dans le temple pour obéir au Père éternel, leur était soumis
dans toutes les autres choses. Il partit donc avec eux de Jérusalem
pour se rendre à Nazareth.
Comme l'Écriture ne
nous apprend plus rien de S. Joseph, il faut qu'il soit mort avant
les noces de Cana, et le commencement de la mission publique du
Sauveur. On ne peut douter qu'il n'ait eu le bonheur d'expirer entre
les bras de Jésus et de Marie. C'est pour cela qu'on invoque S.
Joseph pour obtenir la grâce d'une bonne mort, et la présence
spirituelle de Jésus à cette heure qui décide de l'éternité.
Arguments
On lit à l'église, le
jour de la fête de S. Joseph, l'histoire du patriarche du même nom,
qui fut surnommé le Sauveur de l'Égypte, pour avoir délivré
le pays des horreurs de la famine. Mais notre saint mérite ce surnom
à bien plus juste titre, puisque Dieu le choisit pour conserver la
vie au Sauveur du monde, qu'un tyran cruel voulait mettre à
mort. Allez à Joseph, disait Pharaon aux Égyptiens. Ne nous
semble-t-il pas entendre une voix intérieure qui nous dit : Allez
à Joseph ; adressez-vous à lui avec confiance. Que
n'obtiendra-t-il pas d'un Dieu fait homme, qui a bien voulu le
regarder comme son père, et lui obéir sur la terre ?
Le pieux Gerson
avait une grande dévotion à S. Joseph, et il tâchait de l'inspirer
aux autres, comme on le voit par ses lettres et par ses sermons. Il
écrivit sa vie en vers, et composa un office en son honneur. Sainte
Thérèse [d’Avila] choisit le même saint pour le principal patron de
son ordre. Voici comment elle en parle dans le sixième chapitre de
sa Vie : « Je choisis le glorieux S. Joseph pour mon patron, et me
recommande à lui en toutes choses. Je ne me souviens pas d'avoir
jamais rien demandé à Dieu par son intercession, que je ne l'aie
obtenu. Jamais je n'ai connu personne qui l'ait invoqué sans faire
des progrès notables dans la vertu. Son crédit auprès de Dieu est
d'une merveilleuse efficace pour tous ceux qui s'adressent à lui
avec confiance. » S. François de Sales a employé son dix-neuvième
Entretien à recommander la dévotion envers S. Joseph, et à louer ses
vertus, surtout sa virginité, son humilité, sa constance et son
courage.
Les Syriens et les
autres Orientaux font la fête de S. Joseph le 20 de juillet; mais on
la fait le 19 de mars dans les églises d'Occident. Les papes
Grégoire XV et Urbain VIII ordonnèrent, l'un en 1621, et l'autre en
1642, que cette fête fût d'obligation.
Quel Saint !...
Quelle vie que celle
que menaient Marie et Joseph dans leur pauvre cabane ! Toujours ils
jouissaient de l'aimable présence de Jésus : toujours ils brûlaient
pour lui de l'amour le plus tendre : toujours ils travaillaient et
vivaient pour lui. Eux seuls pourraient nous dire quelle impression
faisait sur leur âme le bonheur de le voir, de l'entendre, de le
posséder. O vie vraiment céleste! ô anticipation de la bienheureuse
éternité ! ô conversation toute divine! Nous pouvons, malgré notre
faiblesse, imiter Marie et Joseph, et participer à leur bonheur, du
moins jusqu'à un certain point. Ce que nous avons à faire pour cela,
c'est de marcher sans cesse en la présence de Dieu, de contracter la
sainte habitude de converser souvent avec Jésus, et de réfléchir sur
son infinie bonté, pour allumer en nous le feu sacré de son amour.
Aimons-nous véritablement Jésus-Christ ? Ceux qui l'aiment se
revêtent de son esprit, imitent ses exemples, cherchent Dieu en
tout, et regardent comme perdu tout le temps qui n'a point été
employé avec lui ou pour sa gloire.
SOURCE : Alban
Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction :
Jean-François Godes-card. |