Léon IX, pape

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Léon IX
Pape, Saint
1002-1054

Brunon, qui prît le nom de Léon IX lorsqu'on l'eut élevé sur la chaire de saint Pierre, naquit en Alsace. La maison dont il était originaire descendait en droite ligne d'Athic ou d’Adalric, qui avait été duc de cette province au septième siècle.

Hugues IV, comte de Nordgau ou de la Basse-Alsace, père de Brunon, était cousin-germain de l'Empereur Conrard-le-Salique[1]. Heilwige sa mère était fille unique et héritière de Louis, comte de Dagsbourg ou de Dabo. Hugues et Heilwige faisaient leur séjour ordinaire en Alsace, dans le château d'Egisheim près de Colmar, ou dans celui de Dabo, situé dans les Vosges, sur la pointe d'un très haut rocher. Ils n'étaient pas moins distingués par leurs connais-sances et leur piété que par leur noblesse. Ils savaient l'un et l'autre la langue romance aussi parfaitement que leur langue maternelle, qui était l'allemande. Ils se signalèrent aussi par leurs libéralités envers les monastères : les abbayes de Hesse dans le diocèse de Metz, et de Woffenheim dans celui de Bâle, les regardent comme leurs fondateurs.

Outre Brunon, Hugues et Heilwige eurent Gérard ou Gerhard [2] et Hugues, qui furent l'un comte de la Basse-Alsace, et l'autre comte d'Egisheim et de Dabo. Ils eurent aussi cinq filles , Adélaïde, qui épousa Herman, comte des Ardennes ; Bitzela, qui fut mariée à Hartvig, comte de Calb ; Udile et Gebba, qui furent abbesses , l'une de Woffenheim , et l'autre de Nuitz ; la cinquième, dont on ignore le nom, épousa Ernest, duc d'Alsace et de Souabe.

Brunon v1nt au monde le 21 Juin 1002 : ce fut, selon les uns, au château d'Egisheim, et à Woffenheim, selon les autres. Wibert, auteur contemporain, le fait naître aux extrémités de l'Alsace ; et comme ceci ne peut convenir aux deux endroits, dont nous venons de parier, il est plus probable de mettre sa naissance au château de .Dabo; c'est d'ailleurs la tradition constante du pays. Il y a près du château de Dabo une colline encore appelée Léonsberg, du nom de notre Saint; on y voit aussi une petite chapelle dédiée sous son invocation, et dans laquelle on prétend qu'il fut baptisé.

Brunon fit paraître, dès son enfance, d'heureuses inclinations pour la vertu ; il en suça l'amour avec le lait de sa mère, qui voulut elle-même le nourrir contre l'usage ordinaire des femmes de son rang. Lorsqu'il eut atteint l'âge de cinq ans, ses parents confièrent son éducation à Berthold, évêque de Toul, qui l'éleva dans les principes de la religion et la connaissance des lettres. Brunon répondit parfaitement aux soins de ses maîtres. Il eut à peine fini ses premières études, que Berthold le nomma à un canonicat de sa cathédrale. Le jeune chanoine menait la vie la plus édifiante : il partageait tout son temps entre la prière, la lecture des bons livres et l'étude des sciences ecclésiastiques. Les heures que les autres donnaient à la récréation, il les employait à visiter les hôpitaux et à instruire les pauvres. Ayant été ordonné diacre, il fut appelé à la cour de l'Empereur Conrard, qui l'honora de sa confiance. Il y montra une grande capacité pour les affaires ; mais il sut en même temps vaquer fidèlement aux exercices de la piété chrétienne. Il ne relâcha rien non plus de sa première ferveur pour les austérités de la pénitence.

Ce fut en 1026 que Brunon reçut la nouvelle du choix qu'on avait fait de lui pour gouverner l'église de Toul, vacante par la mort de l'évêque Herman. L'Empereur voulut inutilement lui persuader de différer son sacre à l'année suivante ; le Saint se rendit à Toul le plus promptement qu'il le put, afin de veiller à la garde du troupeau dont Dieu devait lui demander compte. Il fut sacré le 9 de Septembre, par l'archevêque de Trèves son métropolitain. Ce prélat ayant exigé qu'il jurât d'observer une ordonnance par laquelle il obligeait ses suffragants à ne rien, faire que par son avis, il refusa de prêter un pareil serment, qui était contraire à la liberté de l'épiscopat.

Immédiatement après son sacre, Brunon travailla à la réforme de son clergé et des moines de son diocèse. Ses soins rétablirent la discipline et la ferveur dans les abbayes de Sénones, de Saint-Dié, d'Estival, de Bon-Moutier, de Moyen-Moutier et de Saint-Mansui ; il réforma aussi la manière de célébrer l'office divin, et rendit plus majestueuse la musique des églises. Il était très habile dans la musique en général, et il en savait si parfaitement la composition, qu'il surpassait en ce point plusieurs des anciens. Il était infatigable lorsqu'il s'agissait de procurer le salut des âmes, et de faire fleurir la piété. Toujours petit à ses propres yeux, il ne se laissait point enorgueillir par les grandes actions qu'il faisait. Il lavait chaque jour les pieds à plusieurs pauvres, et les servait lui-même. Jamais il ne perdait l'esprit de componction ; il l'entretenait au contraire par des austérités secrètes. Sa patience et sa douceur étaient inaltérables : ce fut par ces deux vertus qu'il triompha de la malignité de ceux qui voulurent le brouiller avec l'Empereur et avec d'autres personnes puissantes. Il avait une tendre dévotion pour les apôtres saint Pierre et saint Paul, dont il allait chaque année visiter les tombeaux à Rome.

La mort du Pape Damase, arrivée en 1048, laissait le Saint-Siège vacant. L'Église de Rome demandait un pontife qui réunît la prudence au zèle, les bons exemples à la fermeté contre le vice, la connaissance des canons au désir de les faire exécuter. On admirait toutes ces qualités dans Brunon. Il refusa d'abord de se rendre aux vœux unanimes de ceux qui, dans la diète de Worms, lui déférèrent la dignité pontificale. L'Empereur Henri III honora l'assemblée de sa présence. Brunon, qui s'y trouvait, employa tous les moyens possibles pour se soustraire à cette éminente dignité ; mais voyant que ses efforts étaient inutiles, il demanda trois jours pour délibérer. Il les passa dans la prière, dans les larmes, et dans un jeûne si rigoureux, qu'il ne prit aucune nourriture durant tout ce temps là. Le terme expiré, il retourna à l'assemblée, où il fit une confession publique de toute sa vie avec une telle abondance de larmes, qu'il en tira des yeux de tous les assistants. Son desse1n était de convaincre de son indignité ceux qui l'avaient élu, et par-là de les porter à révoquer leur choix. Ce moyen ne lui réussit point encore ; il fut donc obligé de se rendre. Il ne se rendit toutefois qu'à condition que, s'il n'avait pas le suffrage de tout le clergé et de tout le peuple de Rome, on ne l'obligerait pas à rester Pape. Les choses étant ainsi disposées, il revint à Toul.

Il partit pour l'Italie quelque temps après Pâques. Il était en habit de pèlerin, et sans équipage. A quelques milles de Rome, il descendit de cheval, et fit son entrée dans cette ville. On l'y reçut avec de grandes acclamations, et l'on y ratifia son élection. Il fut sacré le 12 Février 1049, et prit à son intronisation le nom de Léon, choisissant saint Léon le Grand pour modèle, et se proposant d’honorer, comme lui, la chaire apostolique par sa piété, son zèle, son courage et sa douceur. Il commença son pontificat par travailler à extirper la simonie, et à abolir les mariages incestueux qui étaient fort fréquents parmi la noblesse. Dans un voyage qu'il fit en Allemagne la même année 1049, il signala tous ses pas par des actes de religion. Il tint un concile à Rheims, où il consacra l'église de l'abbaye de S. Remi ; de là il alla à Metz et à Mayence. Ce fut dans cette dernière ville qu'il tint au mois d'Octobre un concile où assistèrent quarante évêques en présence de l'Empereur. A son retour, il passa près de trois mois en Alsace sa patrie, et y consacra un grand nombre d'églises abbatiales et paroissiales. Étant venu à Strasbourg au mois de Janvier de l'année 1050, il accorda à la cathédrale de cette ville plusieurs indulgences et des privilèges particuliers ; il y consacra aussi la nouvelle église de Saint-Pierre-le-Jeune. Il ne passa dans aucun lieu sans y laisser des marques de sa piété et de son zèle. Il fit assembler les seigneurs d'Alsace, et les engagea à recevoir et a établir dans la province la trêve de Dieu.

De retour à Rome, Léon y tint, en 1050, un concile, où les erreurs de Bérenger sur l'Eucharistie furent condamnées. Peu de temps après, il se remit en chemin pour aller combattre les vices qui défiguraient la face de l'Église. Dans un nouveau concile qui se tint à Verceil, et qui fut composé d'évêques de différons pays, il renouvela la censure des erreurs, et condamna au feu un écrit de Jean Scot Érigène. L'année suivante, il fit un voyage à Toul, par attachement pour son ancien troupeau, et accorda de grands privilèges à l'abbaye de Saint-Mansui. En 1052, il passa en Allemagne pour travailler à la réconciliation de l'Empereur Henri, et d'André, Roi de Hongrie.

L'année suivante, Michel Cérularius, patriarche de Constantinople, et Léon, évêque d’Acride, écrivirent une lettre commune à Jean, évêque de Trani dans La Fouille. Ils y faisaient un crime aux Latins de l'observation de quelques pratiques concernant la discipline, comme de célébrer avec du pain azyme, de jeûner les samedis de carême, de ne pas s'abstenir de manger du sang, d'omettre en carême le chant de l'alléluia, etc. Un schisme fondé sur de pareilles raisons était assurément bien inexcusable. Le saint Pape répondit au patriarche par une exhortation touchante à la paix, et lui montra que les pratiques en question, surtout celle de consacrer avec du pain azyme, étaient d'une haute antiquité, et remontaient jusqu'à saint Pierre. Il envoya le cardinal Humbert à Constantinople pour justifier l'Église latine, et pour empêcher que les Grecs ne se séparassent de son sein. La belle apologie qu'il fit de la discipline observée parmi les Latins, ne produisit pas tout l'effet qu'on devait en attendre. Rien ne fut capable de toucher le patriarche ; il vint même à bout, par ses intrigues, d'entraîner dans le schisme la plus grande partie des églises orientales[3].

Cependant l'Italie était en proie aux ravages des Normands, qui s'étaient emparés du royaume de Naples, après en avoir chassé les Sarrasins et les Grecs. Léon ne pouvant plus souffrir les désordres qu'ils causaient de toutes parts, implora contre eux le secours de l'Empereur Henri III, avec lequel il avait fait l'échange de Fulda, de Bamberg et de quelques terres que les Papes possédaient en Allemagne, contre la ville de Bénévent et toutes ses dépendances. Ses troupes, jointes à celles qu'il reçut de l'Empereur, marchèrent contre les Normands ; mais comme elles étaient mal disciplinées, elles furent vaincues et taillées en pièces. Le saint Pontife, qui s'était avancé jusqu'à Bénévent, tomba entre les mains des vainqueurs, qui le firent prisonnier. Ils le traitèrent toutefois avec beaucoup d'égards et de respect pendant l'année que dura sa captivité.

Léon sanctifia ce temps-là par des jeûnes rigoureux, de longues veilles et une prière continuelle. Il portait le cilice, et n'avait pour lit que le plancher de sa chambre couvert d'une natte, et qu'une pierre pour oreiller. A toutes ces mortifications, il joignait d'abondantes aumônes.

Étant tombé malade, il demanda qu'on le conduisît à Rome, ce qui lui fut accordé. Comme il sentait approcher sa fin, il employa ce qui lui restait encore de vie à donner à son clergé les instructions les plus touchantes. Il se fit porter dans l'église du Vatican, où il pria longtemps ; après quoi il s'entretint de la résurrection sur le bord de son tombeau. Le lendemain, lorsqu'on lui eut administré le sacrement de l'Extrême-onction, il voulut qu'on le transportât devant l'autel de saint Pierre : il y pria prosterné pendant une heure ; ayant été ensuite remis sur son lit, il entendit la messe, reçut le saint Viatique, et rendit l'esprit peu de temps après. Sa bienheureuse mort arriva le 19 Avril 1054, dans la cinquante-deuxième année de son âge, après un pontificat de cinq ans deux mois et neuf jours. Il fut enterré, avec une grande solennité à Saint-Pierre, près l'autel de saint Grégoire, devant la porte de l'église. Sa sainteté fut attestée par plusieurs miracles opérés de son vivant à son tombeau. Peu de temps après sa mort, il fut mis au nombre des Saints. Son culte passa bientôt d'Italie en France et en Allemagne. Ses reliques sont aujourd'hui dans l'église de Saint-Pierre, sous l'autel de saint Martial. On a longtemps conservé son bras dans l'église de Sainte-Croix de Woflenheim. Son crâne est exposé à la vénération publique dans l'église abbatiale de Lucelle en Alsace.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.


[1] Adélaïde, tante paternelle de Hugues IV, avait épousé Hézilon, duc de Franconie, dont elle eut l'Empereur Conrad.
[2] Le comte Gérard fut tué en io38. Les généalogistes ne lui out donné jusqu'à présent que trois enfants , savoir Gérard II, comte du Nordgau , mort sans postérité ; Heilwige , héritière du comté d'Egisheim , qui épousa Gérard, premier comte de Vaudemont, et Spanehilde, héritière du comté de Dabo, qui fut mariée à Folmar, comte de Metz. M. l'abbé Grandidier a prouvé, d'après les mémoires de feu M. de Rivas, d'après les Chartres du temps et le témoignage des auteurs contemporains, que Bérald ou Bérold, qui est incontestablement la tige de la maison de Savoie, est le même que le comte Gérard, frère aîné du saint Pape Léon IX, et qu'il fut le père de Humbert, comte d'Alsace et d’Aostc, et premier comte de Maurienne.
[3] Michel Cérularius, d'un caractère remuant et brouillon, se rendit tellement odieux, que l'Empereur Isaac Comnène, qui lui était particulièrement redevable du trône, résolut de le punir comme il le méritait. Sa mort, arrivée en 1o58, le garantit du châtiment qui lui était destiné. Voyez Cédrénus, Zouare, Curopalate, Baronius, etc.

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