En 1928, des prêtres
catholiques et orthodoxes, déportés dans le grand nord de la Russie,
tiennent des conférences
œcuméniques d'une valeur et d'une
cordialité exceptionnelles. À l'aide de livres empruntés à des
moines orthodoxes, un prêtre catholique, le Père Fedorov, explique
la doctrine sur l'infaillibilité du Pape. Après une longue
discussion, l'archevêque Ilarion, ancien auxiliaire du Patriarche de
Moscou, déclare: «Compris de la sorte, je ne vois plus pourquoi ce
dogme répugnerait au monde orthodoxe». Le 27 juin 2001, le Pape
béatifiait Léonid Fedorov, dont le souci constant était l'unité des
Chrétiens.
Léonid Fedorov naît le
4 novembre 1879, dans une famille orthodoxe. Son père décède
prématurément et Madame Fedorov continue seule la gestion d'un
restaurant à Saint-Pétersbourg. Léonid est un adolescent doux et
délicat. Sa mère ne néglige rien pour l'initier à la piété
chrétienne. D'un tempérament indépendant et idéaliste, le jeune
homme lit avec avidité les auteurs français, italiens ou allemands.
Après la lecture d'ouvrages de philosophie hindoue, il pense: «À
quoi bon cette vie sans valeur? À quoi bon l'activité, l'agitation,
les élans généreux, l'effort? Le repos perpétuel du nirvâna, où
s'éteint toute aspiration, où s'établit l'apaisement éternel de
l'anéantissement, n'est-il pas préférable?» Mais ces dispositions
d'âme sont passagères. Sous l'influence d'un prêtre orthodoxe
unissant vertu et science à un grand talent pédagogique, l'âme du
jeune homme se pacifie et, au sortir de ses études secondaires,
brillamment réussies, il entre à l'Académie ecclésiastique, école
supérieure de théologie.
Une réconciliation souhaitée
Le restaurant de Mme
Fedorov est un lieu de rencontre pour les intellectuels. Parmi eux,
se trouve un jeune et brillant professeur de philosophie, Vladimir
Soloviev, qui insiste sur la responsabilité des Chrétiens, prêche
avec fougue le retour à un christianisme intégral et la
réconciliation de la Russie avec la Papauté. Sous son influence,
Léonid est éclairé: «J'avais déjà vingt ans, écrira-t-il plus tard,
lorsque, par la lecture des Pères de l'Église et de l'Histoire, je
parvins à découvrir la véritable Église Universelle». Mais la
législation russe rend pratiquement impossible le passage d'un
Orthodoxe au catholicisme.
En effet, l'Église
nationale russe, orthodoxe, était profondément liée au pouvoir
temporel. Ayant de nombreuses fois sauvé la nation aux heures
cruciales, elle apparaissait comme absolument nécessaire à sa vie.
Se séparer d'elle semblait se séparer de la communauté russe
elle-même. De fait, les Catholiques russes étaient presque tous
d'origine étrangère et en majorité polonaise; la langue des
Catholiques était le polonais et le rite suivi, le rite latin. Aux
yeux des Russes orthodoxes, le rite latin était le rite de ceux qui
reconnaissent la primauté du Pape, et le rite byzantin-russe, une
sorte de patrimoine de famille inaliénable. Le gouvernement russe ne
voulait à aucun prix que s'établissent des églises où les fidèles
auraient prié suivant le rite byzantin tout en reconnaissant le Pape
comme pasteur suprême.
Dans sa quête de la
vérité, Léonid s'entretient avec le Recteur de la principale église
catholique de Saint-Pétersbourg, puis il décide de se faire
Catholique et, pour cela, de partir à l'étranger. Le 19 juin 1902,
il se met en route pour l'Italie. À Lvov, en Ukraine, il visite le
Métropolite catholique de rite oriental, André Cheptitzky, qui lui
donne une recommandation écrite à l'adresse du Pape Léon XIII.
Léonid parvient à Rome dans le courant de juillet 1902 et, le 31,
fête de saint Ignace de Loyola, il fait sa profession de foi
catholique dans l'église du Gesù, tenue par les Jésuites. Peu après,
le Saint-Père le reçoit en audience privée, le bénit et lui donne
une bourse pour ses études sacerdotales.
Léonid se rend au
séminaire d'Anagni, situé à 50 km au sud de Rome et dirigé par les
Jésuites. L'exubérance de ses jeunes compagnons méridionaux l'agace
parfois, mais il s'applique à ne pas maugréer et se plie à un
règlement tout neuf pour lui. Il initie ses camarades aux problèmes
religieux russes. «On connaît si mal la Russie à Rome, répète-t-il.
La Russie est, en fait, beaucoup plus proche de Rome que les pays
protestants, mais toute mesure maladroite à son égard peut causer un
préjudice très grave à la cause de l'union». Après trois ans
d'efforts soutenus, il obtient le grade de docteur en philosophie,
et aborde les études de théologie. «Mes années d'études, écrira-t-il
plus tard, me furent une véritable révélation. La vie austère, la
régularité, le travail rationnel et profond qui m'y furent demandés,
les compagnons pleins de joie et d'entrain, non corrompus encore par
les écrits athées de l'époque, que j'y fréquentais, le peuple
italien lui-même si vivant, si intelligent et pénétré de la
civilisation chrétienne véritable, tout cela me remit vraiment sur
pied et m'injecta une énergie nouvelle». Toutefois, il ajoute: «Mes
yeux s'ouvrirent sur l'inégalité qui règne dans l'Église catholique
entre les divers rites et mon âme s'insurgea contre l'injustice des
Latins vis-à-vis des Orientaux, contre leur ignorance générale de la
culture spirituelle orientale». En effet, pour bien des prêtres
catholiques d'alors, le rite latin est considéré comme le rite
catholique par excellence, les autres rites n'étant que tolérés.
Léonid ne partage pas cette opinion: «En méditant les instructions
du Métropolite Cheptitzky, écrira-t-il, je me rendis compte que mon
vrai devoir de Catholique était de rester inébranlablement fidèle au
rite et aux traditions religieuses russes. Le Souverain Pontife le
voulait très nettement». Léonid n'en devient pas pour autant étroit
d'esprit: il se passionne pour toutes les initiatives de l'Église
d'Occident.
Mais en Russie, la
révolution gronde. À la fin d'octobre 1905, le Tsar est acculé à
faire des concessions, en particulier à reconnaître la liberté de
conscience. Cependant, lorsqu'une personne de grand courage, Mlle
Ouchakoff, organise une chapelle catholique de rite oriental à
Saint-Pétersbourg, le gouvernement ne veut pas approuver cette
initiative. «On permettait en Russie, écrit un témoin, de construire
des mosquées, des pagodes bouddhistes, des chapelles protestantes de
toute espèce, toute une série de loges maçonniques et même des
églises catholiques de rite latin, mais une église catholique de
rite russe, cela jamais! L'attrait eût été trop grand!»
Départ sur-le-champ
En 1907, Léonid obtient
par décret pontifical la reconnaissance officielle de son
appartenance au rite byzantin. Ce décret du Pape saint Pie X
marquait un tournant dans l'activité apostolique de l'Église
catholique en Russie, les Catholiques russes pouvant désormais être
reconnus officiellement par Rome tout en gardant leur rite propre,
le rite byzantin-russe. En juin 1907, lorsque Léonid sollicite la
prolongation de son passeport, le gouvernement russe répond: «Si
Léonid Fedorov ne quitte pas sur-le-champ un établissement dirigé
par des Jésuites, le retour en Russie lui sera interdit à tout
jamais!» Léonid quitte Anagni pour le Collège de la Propagande, à
Rome même. Il se trouve désormais dans un milieu très cosmopolite
qui lui permet de toucher du doigt l'universalité de l'Église
catholique.
Pendant l'été 1907,
Léonid se rend au premier Congrès de Velehrad, en Moravie, où des
spécialistes des questions orientales se rencontrent pour «ouvrir la
voie de la paix et de la concorde entre l'Occident et l'Orient,
projeter de la lumière sur les questions controversées, corriger les
idées préconçues, rapprocher les plus hostiles, rétablir la pleine
amitié». On lui confie une mission urgente en faveur des Orientaux
gréco-catholiques émigrés aux États-Unis; ceux-ci, mal compris par
les évêques du pays, se tournent, en très grand nombre, vers les
Orthodoxes. Léonid intercède pour eux auprès du Saint-Siège qui leur
accordera, en mai 1913, un statut juridique correspondant à leurs
besoins.
À la fin de l'année
scolaire 1907-1908, sur une nouvelle instance du gouvernement russe,
Léonid doit quitter Rome; il se rend incognito à Fribourg en Suisse
pour y terminer ses études. Durant l'été 1909, il rentre à
Saint-Pétersbourg où il retrouve avec émotion sa mère qui a fait,
elle aussi, profession de foi catholique. À cette même époque, le
Métropolite Cheptitzky demande et obtient du Pape saint Pie X une
véritable juridiction sur les Gréco-catholiques de Russie, qui ainsi
ne seront plus soumis à des évêques polonais de rite latin.
Faire disparaître une œuvre diabolique
Le 26 mars 1911, Léonid
est ordonné prêtre. Le 27 juillet, il participe au congrès de
Velehrad. L'absence de prélats orthodoxes à ce congrès le peine; il
leur écrit: «Notre intention est de nous servir de la recherche
scientifique pour préparer les voies de notre rapprochement mutuel.
Les congrès de Velehrad ne sont pas une institution exclusivement
confessionnelle (c'est-à-dire réservée aux Catholiques) mais plutôt
une réunion d'hommes d'études, animés d'esprit religieux et
convaincus que la désunion est une œuvre diabolique qu'il faut
faire disparaître».
Cependant, depuis
plusieurs années, le Père Léonid se sent attiré par la vie
monastique. En mai 1912, il est reçu dans un monastère où la vie se
partage entre la célébration de l'Office divin selon le rite
byzantin et les travaux des champs. Grâce à sa santé robuste et à
son caractère accommodant, il se plie sans trop de peine à
l'austérité du cadre de vie. L'isolement du monde et le
recueillement l'enchantent, bien que l'étude de la théologie et
l'information sur la situation politique lui manquent. Il découvre
dans son tempérament une certaine dureté envers le prochain, qu'on
ne se fait pas faute de lui signaler et contre laquelle il lutte
avec succès. «Son parler était très doux, pourra dire de lui un de
ses confrères. Il était toujours d'une parfaite égalité d'humeur».
Durant l'été de 1914,
la première guerre mondiale éclate. Le Père Léonid retourne au plus
vite à Saint-Pétersbourg, devenue Petrograd. Une pénible surprise
l'attend: le gouvernement l'exile à Tobolsk, en Sibérie, car il a
des liens avec les ennemis de la Russie. Le Père Léonid s'y installe
dans une chambre louée et trouve un travail dans l'administration
locale. Les années 1915 et 1916 se passent ainsi, marquées par une
longue immobilisation au lit, due à une violente crise de rhumatisme
articulaire. Mais la guerre a désorganisé l'économie nationale et le
peuple souffre de la pénurie de vivres. En février 1917, la
révolution éclate et, le 2 mars, le Tsar Nicolas II abdique. Un
gouvernement provisoire, sous la présidence du Prince Lvoff,
proclame une amnistie complète pour les délits en matière religieuse
et abolit toutes les restrictions à la liberté des cultes. Le
Métropolite Cheptitzky, exilé lui aussi, est libéré et il réorganise
l'activité des Catholiques russes. Il choisit comme exarque,
c'est-à-dire représentant de son autorité religieuse pour le
territoire russe, le Père Léonid. Libéré à son tour, celui-ci
revient à Petrograd. Le Métropolite projette de lui conférer la
consécration épiscopale, mais le Père Léonid refuse.
Catholique, russe, de rite byzantin
Le nouvel exarque
aborde son travail pastoral avec le souci de l'unité des chrétientés
d'Orient et d'Occident. Pour lui, la vraie solution doit être
recherchée dans une réconciliation par l'intermédiaire des
hiérarchies. Sa petite communauté démontre par les faits que l'on
peut être Catholique en demeurant pleinement Russe et en conservant
le rite oriental. Mais le 25 octobre, les Bolcheviques renversent le
gouvernement et mettent en œuvre un bouleversement radical de
l'ordre social. Cinq années de privations, de luttes et d'angoisses
commencent. Au début de 1919, le Père Léonid écrit à un ami:
«J'attribue à un miracle de la bonté divine le fait que je sois
encore en vie et que notre église existe encore. Un bon nombre de
nos Catholiques russes sont morts d'inanition. Les autres se sont
dispersés de tous les côtés pour se soustraire au froid et à la
faim». En 1918, il a la douleur de perdre sa mère puis Mlle
Ouchakoff. En revanche, il fait la connaissance d'une femme très
érudite, professeur d'Université, Mlle Danzas, qui, après sa
conversion au catholicisme, l'assiste avec un dévouement
remarquable.
Son apostolat s'exerce
sur trois centres, Petrograd, Moscou et Saratov, réunissant environ
200 fidèles, auxquels il faut ajouter 200 autres qui sont dispersés
dans l'immense territoire russe; il estime à 2000 ceux qui ont fui
la Russie ou sont morts. Mlle Danzas écrira du Père Léonid: «L'amour
de Dieu et la foi fervente de l'exarque se manifestaient assez par
sa manière de célébrer la Sainte Liturgie. C'est surtout par là
qu'il gagnait les âmes. Comme prédicateur, il n'était pas toujours à
la portée de ses auditeurs; c'était un profond théologien, et il
éprouvait parfois de la difficulté à se mettre au niveau d'un
auditoire de gens simples... Comme confesseur, il était admirable et
tous ceux qui ont eu l'occasion de lui soumettre des états de
conscience ont toujours conservé le souvenir ému de la façon dont il
se donnait tout entier à ce ministère».
L'été 1921 est marqué
par une sécheresse exceptionnelle qui, ajoutée à la politique
agraire du gouvernement, entraîne une famine épouvantable, cause de
la mort d'environ cinq millions de personnes. Le Saint-Siège charge
le Père Walsh, Jésuite, d'organiser les secours qu'il envoie aux
affamés par le biais d'une association américaine. En quelques
semaines, des milliers de Russes sont sauvés, grâce à la générosité
des Catholiques du monde entier. Le Père Léonid rencontre le Jésuite
et une amitié profonde naît entre eux. À la suggestion de l'exarque,
le Père Walsh fournit des vivres au clergé orthodoxe, dans les
régions où ses prêtres souffrent de la faim.
Le désarroi et la
persécution des Chrétiens en Russie les éclaire puissamment sur les
avantages d'une union avec le reste du monde chrétien et en
particulier avec le Souverain Pontife. Des protestations communes
signées par des prélats orthodoxes et catholiques, ce qui ne s'était
jamais vu dans l'histoire de la Russie, sont adressées au
gouvernement pour défendre les intérêts communs. Des conférences
apologétiques communes sont projetées pour lutter contre la
propagande des athées. Le Père Fedorov compose une brève prière qui
puisse être récitée sans réticences aussi bien par les Catholiques
que par les Orthodoxes.
Mais le gouvernement
intensifie la persécution. Interdiction est faite aux prêtres
d'enseigner la religion aux enfants de moins de 18 ans. L'athéisme
est enseigné officiellement dans les écoles. Sous prétexte d'acheter
des vivres pour nourrir les affamés, les autorités civiles
dépouillent les églises de leurs vases sacrés et objets précieux. Au
début de février 1923, le Père Fedorov reçoit l'ordre de gagner
Moscou, en compagnie d'autres ecclésiastiques de Petrograd, pour y
comparaître devant la Haute Cour Révolutionnaire. On l'accuse
d'avoir résisté au décret dépouillant les églises de leurs vases
sacrés, d'avoir entretenu des relations criminelles avec l'étranger,
d'avoir enseigné la religion à des mineurs et enfin de s'être livré
à la propagande contre-révolutionnaire.
Quoi qu'en dise la loi...
Commencé le 21 mars, le
procès dure cinq jours. Le Procureur ne peut cacher sa haine: «Je
crache sur votre religion comme je crache sur toutes les
religions...». S'adressant à l'exarque, il interroge: «Obéissez-vous
au Gouvernement soviétique ou non? – Si le Gouvernement soviétique
me demande d'agir contre ma conscience, je n'obéis pas. En ce qui
concerne l'enseignement du catéchisme, la doctrine de l'Église
catholique est que les enfants doivent recevoir une instruction
religieuse, quoi qu'en dise la loi». Vers la fin du procès, le
Procureur déclare: «Fedorov est à l'origine des réunions avec le
clergé orthodoxe... Il doit être jugé non seulement pour ce qu'il a
fait, mais pour ce qu'il peut encore faire», et il requiert la peine
de mort. Deux avocats sont admis à prendre la défense des prêtres de
rite latin. L'exarque, quant à lui, expose personnellement sa
défense. Il démontre habilement combien tout ce procès n'est qu'une
comédie préparée d'avance, mais il le fait sans aigreur, comme un
homme dont la position est tellement solide qu'il n'a aucun besoin
de se défendre. À la fin, il affirme: «Le désir de mon cœur est que
notre Patrie en vienne à comprendre que la foi chrétienne et
l'Église catholique ne sont pas une organisation politique, mais une
communauté d'amour». La sentence tombe: l'exarque est condamné à dix
ans de prison.
Le Père Léonid profite
de sa réclusion pour rédiger en russe deux catéchismes. «Je puis
attester, écrira Mlle Danzas, après avoir visité l'exarque, que son
attitude était encore plus calme et plus joyeuse qu'à l'ordinaire.
Il me disait qu'il ne s'était jamais senti aussi heureux». Depuis sa
prison, le Père entretient une correspondance suivie avec ses
fidèles. Il soigne ses relations avec les Orthodoxes: «Ici,
écrit-il, il y a deux évêques et environ vingt prêtres orthodoxes.
Nos relations avec eux sont excellentes». Au milieu de septembre de
cette année 1923, le Père Léonid est transféré dans une autre prison
au régime beaucoup plus sévère. Il y est soumis à un isolement
complet. En avril 1926, une dame généreuse et énergique, membre de
la Croix-Rouge, obtient la libération du prisonnier. Mais au mois de
juin, il est à nouveau arrêté puis condamné à trois ans de
déportation aux îles Solovki, dans la mer Blanche (grand nord de la
Russie d'Europe).
Les îles de l'archipel
Solovki, au climat très froid et très humide, sont couvertes de
forêts. Les Soviets ont transformé le monastère orthodoxe qui y
existe depuis le XVe siècle, en une immense prison. Le Père Fedorov
y arrive à la mi-octobre 1926. Tous les matins, les prisonniers sont
conduits dans les forêts pour travailler comme bûcherons. Les
Catholiques de rite byzantin ont obtenu la permission d'utiliser une
ancienne chapelle, à trente minutes de marche des bâtiments, pour y
prier. À partir de l'été 1927, le Saint-Sacrifice y est célébré le
dimanche, alternativement dans le rite latin et dans le rite
byzantin.
Un prêtre écrira de
l'exarque: «Quand nous jouissions d'un peu de relâche dans nos
travaux forcés, nous aimions à nous grouper autour de lui; il nous
attirait... Il se distinguait par une courtoisie et une simplicité
exceptionnelles... S'il remarquait que l'un ou l'autre parmi nous
passait par une période de dépression, il le remettait sur pied en
éveillant en lui l'espoir de temps meilleurs. Si par hasard il
recevait du dehors un secours d'ordre matériel, il partageait
d'habitude avec les autres».
En terre russe, pour la Russie
Mais, au début de
novembre 1928, la chapelle est fermée et une perquisition confisque
tout ce qui peut servir au culte. «Je demandais alors à l'exarque,
rapportera un prêtre, s'il fallait continuer de célébrer le
Saint-Sacrifice sous la menace de pénibles sanctions. Il me répondit
alors par ces paroles mémorables: «N'oubliez pas que les Divines
Liturgies que nous célébrons à Solovki sont peut-être les seules que
des prêtres catholiques de rite russe célèbrent encore en terre
russe pour la Russie. Il faut tout mettre en œuvre pour qu'une
liturgie au moins soit célébrée chaque jour»». Au printemps de 1929,
l'état de santé de l'exarque se détériore considérablement et il est
admis à l'hôpital du camp. À la fin de l'été, le terme de ses trois
ans de camp de concentration expire, mais il doit encore rester
trois ans en exil. Il passe les dernières années de sa vie chez des
agriculteurs du grand nord. En janvier 1934, il s'établit dans une
ville à 400 km plus au sud, chez un employé du chemin de fer. Au
début de février 1935, il est épuisé et accablé par une toux
continuelle; le 7 mars, il rend son âme à Dieu.
À la suite du
bienheureux Léonid Fedorov, ayons à cœur l'unité des Chrétiens et
suivons les exhortations du Concile Vatican II: «Que les fidèles se
souviennent tous qu'ils favoriseront l'union des Chrétiens, bien
plus, qu'ils la réaliseront, dans la mesure où ils s'appliqueront à
vivre plus purement selon l'Évangile. Plus étroite, en effet, sera
leur communion avec le Père, le Verbe et l'Esprit-Saint, plus ils
pourront rendre intime et facile la fraternité mutuelle... Cette
conversion du cœur et cette sainteté de vie, ainsi que les prières
publiques et privées pour l'unité des Chrétiens, doivent être
regardées comme l'âme de tout l'œcuménisme et peuvent à bon droit
être appelées œcuménisme spirituel» (Unitatis redintegratio,
7-8).
Dom Antoine Marie osb,
abbé
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