Saint Leufroy sortait
d'une famille noble, établie dans le territoire d'Evreux. Il eut le
bonheur de connaître dès sa jeunesse la vanité des choses
terrestres, et de choisir Dieu pour son unique partage. Il alla
finir à Chartres ses études, qu'il avait commencées au monastère de
Saint-Taurin à Evreux. De retour dans le lieu de sa naissance, il
fit bâtir un oratoire dont l'entrée fut interdite aux femmes. Il se
livra tout entier à la pratique des bonnes œuvres, et principalement
à l'instruction des enfants. Les pauvres trouvaient aussi en lui un
consolateur et un père plein de tendresse.
Brûlant du désir de
mener une vie plus parfaite, il quitta sa patrie pour aller se
mettre sous la conduite d'un solitaire renommé pour son éminente
sainteté, qui s'appelait Bertrand, et demeurait à Cailly, dans le
diocèse de Rouen. Leufroy ayant rencontré un pauvre sur sa route,
lui donna son manteau pour le couvrir. Quelque temps après, il prit
l'habit dans le monastère que saint Saens venait de bâtir dans le
pays de Caux. saint Ansbert, archevêque de Rouen, conçut pour lui
une estime singulière.
Ce fut par l'avis de ce
saint prélat, que Leufroy retourna dans sa patrie, afin d'y
multiplier le nombre des vrais serviteurs de Dieu. Il s'arrêta à
deux lieues d'Evreux, sur le bord de la rivière d'Eure, à l'endroit
même où S. Ouen avait érigé une croix, en mémoire d'une croix
lumineuse qui lui était apparue. Il y bâtit une chapelle puis un
monastère avec une église en l'honneur de la croix, des apôtres et
de S. Ouen.
Durant les quarante
années que saint Leufroy gouverna son monastère, il se rendit
recommandable par son amour pour la prière, les veilles et le jeûne.
Il était plein de bonté pour les religieux; ce qui toutefois ne
l'empêchait pas de maintenir la régularité dans l'occasion. Il priva
de la sépulture ecclésiastique un frère qui avait violé le vœu de la
pauvreté. On dit qu'il fut favorisé du don des miracles. Il mourut
en 738, après avoir reçu les sacrements de l'Eglise, et eut pour
successeur S. Agofroy, son frère.
On l'enterra dans l'église de Saint-Paul, qu'il avait fait
bâtir ; mais on transféra depuis son corps dans celle de la Croix.
Au neuvième siècle, la
fureur des Normands obligea les moines de la Croix à prendre la
fuite. Ils se retirèrent dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à
Paris, emportant avec eux les reliques de saint Ouen, de saint
Turiaf, de saint Leufroy et de saint Agofroy.
Lorsqu'ils retournèrent
à leur monastère, ils voulurent témoigner leur reconnaissance aux
religieux de Saint-Germain ; et ils crurent ne pouvoir mieux le
faire qu'en leur laissant les reliques de saint Leufroy et de saint
Turiaf. En 1212, on rapporta à la Croix un os de l'un des bras de S.
Leufroy. Ce saint est honoré aujourd'hui dans le Martyrologe romain.
SOURCE : Alban
Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction :
Jean-François Godescard.
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