L'acète et le mystique

Alexandrina
de Balasar

SOYEZ LES BIENVENUS SUR LE SITE D'ALEXANDRINA

L'ASCÈTE ET LE MYSTIQUE

          Monseigneur Manuel Mendes da Conceição Santos a mené une vie d'une sainte austérité dans l'ancien couvent inachevé des carmes du XVIIIe siècle — en ce temps-là encore bien moins confortable qu'aujourd'hui —, devenu palais archiépiscopal en 1912 après que l’État se soit emparé de celui qui se trouvait à côté de la cathédrale. La maison était énorme et glaciale avec de longs couloirs aux plafonds élevés, dans lesquels pouvaient se lever des tempêtes. selon les dires du premier médecin de l'évêque, le docteur Amaro Neto. Le serviteur de Dieu se protégeait du froid en s'enveloppant simplement dans sa cape de l'Alentejo, sans brasero pendant des années jusqu'à ce que ses médecins finissent par lui prescrire, dans ses dernières années, un radiateur électrique pour sa chambre à coucher, simple et pauvre comme la cellule d'un couvent. il en allait de même à Elvas, dans la maison glaciale du tiers-ordre de Saint-François, où il avait l'habitude de passer le mois de janvier pour y prêcher le mois du Cœur de Jésus.

          En plus des exigences de la vie apostolique qui ne lui permettait pas de rester une semaine sans quitter l'archevêché, sauf en cas de maladie, il refusait à son corps le repos nécessaire en travaillant jusqu'à une heure avancée de la nuit, et certaines nuits il ne se couchait même pas. Il arrivait parfois à une, deux ou trois heures du matin, pour repartir ensuite à l'aube. On l'appelait l'évêque éclair. Mais la santé de fer dont il semblait jouir finit par s'en ressentir. En 1937, vers la semaine sainte, c'est à peine s'il put parler en public. Il ne montait qu'avec difficulté le grand escalier de granit de l'archevêché, alors sans ascenseur : son cœur était épuisé. Il lui fut conseillé d'aller se faire soigner à Paris chez le docteur Capmas, cardiologue. Au mois d'avril il partit avec le curé de la cathédrale d'Évora, monseigneur José Manuel Silveira Barradas, lui aussi très malade du cœur. Il suivit jusqu'en juin un traitement à base d'électrochocs. A son retour, il se sentait comme rajeuni. Il avait repris des forces mais devait suivre un rigoureux régime végétarien qui ne lui permettait de manger de la viande et du poisson qu'une fois par semaine. Sur ordre du médecin il lui fallut aussi réduire ses activités, surtout les prédications qui ne devaient plus dépasser vingt minutes, alors qu'auparavant il donnait des conférences de carême d'une heure entière et prêchait des heures saintes d'une heure et demie. Il suivit docilement le régime. Il lui arrivait de manger les oranges avec l'écorce, sans montrer le sacrifice que cela lui coûtait Avec sa bonne humour habituel, il disait que le médecin l'avait réduit au pain et à l'orange. Du reste, sa table était très frugale. S'il soupçonnait que l'on avait acheté quelques friandises pour lui, il se lamentait de l'argent gaspillé. Cependant, il savait se montrer généreux envers ses invités.

          La cure qu'il suivait sur prescription médicale aux eaux thermales de Saint-Vincent, à Entre-o-Rios, étaient les seules vacances qu'il prenait en été. On ne pouvait même pas vraiment appeler cela des vacances étant donné qu'il n'interrompait pas sa correspondance, ni les confessions, ni les visites aux communautés religieuses a fin d'en obtenir des membres pour son archidiocèse. Il faisait la sieste quotidienne à laquelle l'avait obligé le docteur Capmas en lisant un livre ou une revue de spiritualité.

          Aussi bien à l'archevêché que pendant les visites pastorales, il était assidu au confessionnal qu'il ne quittait pas avant d'avoir entendu le dernier pénitent. Il donnait l'exemple en entrant le premier au confessionnal et en en sortant le dernier. Il prenait son temps pour entendre les confessions, ce qui permettait une authentique direction spirituelle, comme à travers ses admirables lettres spirituelles avec lesquelles il dirigea d'innombrables âmes dans tout le pays et même à l'étranger, qu'elles soient ou non de son diocèse.

          Il est vraiment étonnant que sans évêque auxiliaire et de nombreuses années sans vicaire général, il ait pu déployer à ce point une activité apostolique aussi prenante et aussi féconde. Quand on lui disait qu'il travaillait trop et qu'il devrait se reposer, il répondait : J'ai l'éternité pour me reposer, ou encore : Après moi, vous en trouverez bien un autre !

          Cependant, son profond désir de vivre en plénitude le mystère pascal dans l'ascèse de la vie pastorale amena le serviteur de Dieu à compléter dans son corps ce qui manquait à la Passion du Christ chez ses prêtres et ses laïcs: il se flagellait avec une discipline, portait des cilices en fil de fer avec des pointes ou en crin, qui lui laissaient des traces à la ceinture comme on a pu le vérifier après son décès.

          Ainsi il n'est pas surprenant que cet ascète ait aussi été un mystique qui se retrouvait intérieurement en tête à tête avec le Seigneur dans le recueillement La messe, célébrée pieusement et lentement ; le bréviaire récité par cœur et dans l'obscurité pendant les voyages de nuit, en ne faisant de la lumière que pour lire l'oraison du jour, et le chapelet, étaient vraiment un dialogue avec Dieu, un dialogue plus intime et plus émouvant encore dans la chapelle de l'archevêché quand aux heures avancées de la nuit il se croyait tout seul. La présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie lui était si familière qu'en traversant une localité il ne manquait pas de voler par la pensée et par le cœur jusqu'à l'église paroissiale pour saluer le Prisonnier d'Amour. Lorsqu'il rendait visite aux séminaires et à une communauté religieuse, à l'entrée et à la sortie il allait saluer le Seigneur au Saint-Sacrement Il institua l'adoration nocturne, seulement pour les hommes, la veille des premiers vendredis du mois dans la chapelle du séminaire d'Évora et la transféra plus tard à l'archevêché où il présidait la première heure d'adoration et toutes les heures où le prêtre désigné était absent. il célébrait la messe de clôture à 5 heures 30.

Pour toute demande de renseignements, pour tout témoignage ou toute suggestion,
veuillez adresser vos courriers à
 :

alexandrina.balasar@free.fr