Margherita Colonna
religieuse, bienheureuse
1255-1284 |
La bienheureuse Margherita
(Marguerite) naquit à Palestrina en 1255, fille de Oddone (Odon) Colonna et de
Mabilia Orsini, qui eurent deux autres enfants
: Giovanni e Giacomo (Jean et Jacques). Elle appartenait donc
à deux familles
romaines puissantes qui, pendant plusieurs siècles, marquèrent l’histoire de la
Ville Eternelle par des phases successives de paix et de haine réciproque.
Palestrina était la place-forte de la famille. La richesse des nobles romains
était liée aux pontifes et aux charges ecclésiastiques : en ce qui concerne les
Colonna au temps de la Bienheureuse, il suffit de citer Giovanni (Jean),
cardinal de Sainte-Praxède en 1212 et légat du pape pendant la cinquième
Croisade. C’est ce dernier qui rapporta à Rome la colonne qui, selon la
tradition, servit pour la flagellation du Christ et qui, encore aujourd’hui, est
conservée dans la basilique romaine dont il était titulaire. Les années où vécut
Margherita furent pour l’Eglise des années difficiles et agitées : de 1268 à
1271, le siège papal fut vacant, ce qui ne s’était jamais vu aussi longtemps
dans l’histoire. Cela faisait vingt années que le pape n’habitait plus à Rome.
Des conclaves interminables, des pontificats très brefs : le pouvoir du pontife,
si fondamental pour l’équilibre du monde chrétien, subissait l’antagonisme entre
la France (car Charles d’Anjou occupait beaucoup de régions d’Italie) et le
Saint Empire Romain Germanique.
Très tôt, Margherita et ses deux
frères furent orphelins. Tandis qu’on la destinait à un mariage prestigieux,
important pour les alliances nobiliaires, elle n’avait au contraire qu’une
préférence dans son cœur, demeurer l’épouse virginale de Jésus-Christ. Le 6 mars
1273, avec deux dames pieuses de sa maison, elle se retira à Castel San Pietro
(Château-Saint-Pierre), une colline qui domine Palestrina, près de l’église de
Santa Maria della Costa (Sainte-Marie-du-Littoral), pour suivre sa vocation sur
la trace du mouvement franciscain. François d’Assise était mort depuis
quarante-sept ans, Claire depuis seulement vingt ans : leur idéal de vie
fascinait un grand nombre de personnes de tout rang social.
Margherita reçut la rude bure, sous
laquelle elle mit un cilice. Elle commença des jeûnes et des pénitences, priant
pour que se réalisât son désir : devenir clarisse. Elle vécut donc là, retirée,
pendant quelques années. Pour la puissante famille Colonna, cette vie
d’anachorète était un véritable scandale. Le réconfort arriva cependant grâce à
son frère Giacomo, lequel, quoique très jeune, était déjà cardinal (depuis 1278)
par volonté du pape Nicolas III (dans le monde Giovanni Gaetano Orsini - Jean
Gaétan Orsini), tandis que Giovanni était sénateur à Rome. Bien qu’il fût revêtu
de son titre uniquement en raison de son appartenance à une famille importante,
comme cela était habituel en ces temps-là, Giacomo éprouvait un amour sincère
pour le Christ. Il conduisit Margherita à Rome, et tous deux prièrent ensemble
sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul.
C’est ainsi que Margherita commença
une nouvelle vie. Elle ne disposait plus de l’héritage familial si abondant :
elle avait désormais la Pauvreté, qui ne manque jamais sur la route des Saints.
Son exemple lumineux suscitait un grand intérêt, surtout parmi d’autres dames
désireuses comme elle de mettre leur vie au service de Jésus-Christ. Elle
demanda au Supérieur Général des Frères Mineurs, Girolamo (Jérôme) Masci, le
futur pape Nicolas IV, qu’il lui permît d’entrer au Monastère d’Assise. Une
maladie l’en empêcha : autres étaient les voies du Seigneur. Sa pensée alla
ensuite vers le Couvent de la Mentola (qui se trouvait entre Palestrina et
Tivoli, où l’on vénérait une image de la Très Sainte Vierge à laquelle elle
était très dévote et où saint François aussi s’était rendu). Mais ce couvent
dépendait du Comte de Poli, qui ne voyait pas d’un bon œil une fille Colonna
arriver dans ses territoires.
Elle retourna donc à la maison et,
avec l’aide de son frère cardinal, fonda un monastère sur la montagne voisine :
là, pauvrement, de jour comme de nuit, on louait et l’on priait le Seigneur.
Margherita s’occupa de la formation de ses compagnes, mais sa charité alla bien
au-delà, touchant aussi les malades et les pauvres alentour. Chaque année, à la
Saint-Jean-Baptiste - dont elle était très dévote - elle organisait un repas
pour eux. La tradition rapporte qu’un jour Jésus et Jean-Baptiste se
présentèrent à sa table, mais qu’ils disparurent quand Margherita les reconnut.
Quand elle eut épuisé son important patrimoine personnel, elle qui était née
dans l’opulence tendit la main pour demander l’aumône et pouvoir ainsi continuer
ses œuvres. Entre autres, on se souvient de son assistance aux Frères Mineurs du
couvent de Zagarolo, à un moment de grave nécessité.
Son union avec le Christ devint de
plus en plus intense : elle reçut de façon visible le réconfort de Jésus, de Sa
Mère et de saint François. Elle eut plusieurs extases et supporta patiemment
pendant sept années une blessure ulcéreuse au côté, qu’elle considéra comme une
marque de la Passion de Jésus. Elle n’avait pas trente ans à sa mort, une mort
qui fut précieuse aux yeux du Seigneur. Elle rendit l’esprit, à la suite de son
ulcère et de violents accès de fièvre, le 30 décembre 1284.
Immédiatement son tombeau devint un
lieu de pèlerinages, et des grâces étaient obtenues par son intercession. En
1285 le pape Honorius IV donna l’autorisation à la communauté de Clarisses de se
transférer à Rome, dans le monastère de Saint-Silvestre-in-Capite, où celles-ci
transportèrent le corps vénéré de la Bienheureuse (il y restera jusqu’en 1871).
Sa biographie fut écrite par son frère et la première abbesse de
Saint-Silvestre.
Le 17 septembre 1847, le pape Pie
IX confirma le culte “ab immemorabili” (de temps immémorial) ainsi que la
mémoire liturgique le 17 décembre. Quelques années plus tôt, le pape Grégoire
XVI avait établi que seules les familles Colonna et Orsini eussent le privilège
exclusif de Princes assistants au trône pontifical.
Aujourd’hui, les reliques de la
bienheureuse Margherita sont vénérées dans l’église de Castel San Pietro, proche
de Palestrina. Là, la semence qu’elle jeta en terre il y a plus de sept siècles,
continue de fleurir encore aujourd’hui, grâce aux Clarisses du monastère de
Sainte-Marie-des-Anges.
Le Martyrologe
Romain la mentionne le 30 décembre, son “dies natalis” (le jour de sa mort, qui
est le jour de sa naissance au ciel).
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