La Mère
Marie-Alphonsine Danil Ghattas était née à Jérusalem le 4 octobre
1843, « au sein d’une famille pieuse et laborieuse de Jérusalem,
une famille où l’on travaillait et priait ensemble », dit Mgr
Fouad Twal,
patriarche
latin de Jérusalem, lors de la cérémonie de béatification. Baptisée
le jour même, elle fut confirmée, le 18 août 1852, par S.B. Mgr.
Valerga.
Dès son enfance
elle avait ressenti un vif désir de se consacrer au Seigneur. Le
même patriarche nous dit encore que « la jeune fille a beaucoup
souffert, surtout de son père qui avait opposé un veto absolu à son
entrée dans la vie religieuse. En effet, ce dernier ne voulait pas
que sa fille bien-aimée l’abandonne et parte étudier en
Occident — l’unique façon à ce moment-là de devenir religieuse ».
Aussi, à peine eût-elle fini ses 14 ans qu'elle se présenta comme
postulante chez les Sœurs de S. Joseph de l'Apparition, après avoir
obtenu enfin l’approbation de son père.
« Après ses
premiers vœux — précise
encore Mgr Fouad Twal —, sa supérieure lui confia la mission
d’enseigner le catéchisme à l’école des sœurs à Bethléem. Sœur
Marie-Alphonsine était une catéchiste hors pair, une éducatrice
humble et un apôtre infatigable. Au cours de cette période, elle
fonda à Bethléem la Confraternité de l’Immaculée Conception et
l’Association des mères chrétiennes ».
Dans la suite, au
cours d'apparitions, Notre Dame lui confia son désir de fonder une
congrégation palestinienne qui porterait le nom de Sœurs du Rosaire.
De fait, en 1880, une maison de Jérusalem reçut dans ce dessein 7
jeunes filles pieuses et zélées qui, le 15 décembre 1880 reçurent
l'habit religieux des mains du Patriarche, Mgr. Bracco.
Sœur Alphonsine
cependant eut encore à affronter bien des difficultés pour cette
fondation que la Vierge lui avait demandée ainsi qu'au Père Joseph
Tannous, du clergé partriarcal. Avec la permission de Rome, elle put
enfin quitter les Sœurs de Saint Joseph et entrer dans la nouvelle
Congrégation des Sœurs du Rosaire. Le 7 octobre 1883, elle en reçut
l'habit des mains de Mgr. Pascal Appodia, l'auxiliaire du
Patriarche. Le 7 mars 1885, elle émit les premiers voeux entre les
mains de Mgr. Bracco.
Le 25 juillet
1885, elle fut affectée à la maison de Jaffa de Galilée, près de
Nazareth. On rapporte que dans cette paroisse, une fillette de
l'école des Soeurs, Nazirah Eid, étant tombée dans une citerne
pleine d'eau, Soeur Alphonsine la sauva en lui jetant son chapelet.
En 1886, Sœur
Alphonsine alla fonder l'école des filles de Beit Sahour, le village
des Pasteurs. En 1887, elle fut envoyée à Salt en Transjordanie avec
trois compagnes. Affectée dans la suite à Naplouse, elle fut bientôt
obligée de rentrer à Jérusalem à cause de sa santé qui s'était
délabrée. Aussitôt rétablie, elle alla à la maison de Zababdeh.
En 1882, on la
trouve à Nazareth au chevet de D. Joseph Tannous. Elle conforta dans
son agonie le Fondateur qui était aussi son directeur spirituel.
Elle revint ensuite à Bethléem pour y ouvrir un atelier de couture.
Rentrée à Jérusalem en 1909, elle fut enfin envoyée à Ain Karem pour
y ouvrir un orphelinat.
« Une vie
consacrée sans croix ni souffrance est une utopie — affirma
encore Mgr Fouad Twal, patriarche latin de Jérusalem, lors de la
cérémonie de béatification.
Mère Marie-Alphonsine a non seulement accepté mais aimé la croix et
la souffrance. Elle a écrit dans son journal : "J’étais assoiffée de
supporter les épreuves. Je trouvais délicieux tout ce qui était amer
et pénible. La solitude était le paradis de mon cœur et l’obéissance
était le ciel de mon esprit. Je trouvais les ordres des Supérieures
faciles à suivre." Elle se mit à pratiquer l’ascèse et le
renoncement. Elle passait de longues heures au Calvaire, apprenant
de son Maître comment aimer le sacrifice et participer à sa passion.
"J’étais convaincue que la souffrance et même la mort par amour pour
le bon Dieu étaient la meilleur preuve de l’amour. Jésus a dit :
— Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux
qu’on aime." Pendant la période du noviciat dans la Congrégation du
Rosaire, Mère Marie-Alphonsine a bu le calice de la souffrance dans
le silence et la vie cachée ; elle a vraiment été la victime du
Rosaire. Pour réussir en effet, tous les projets divins ont besoin
de la croix et du sacrifice.
Elle ouvrit
une fois son coeur à son directeur, lui exprimant combien elle avait
souffert de personnes en qui elle aurait dû trouver un appui.
Heureusement que le Seigneur lui-même l’appuyait et la soutenait.
"Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ?" »
Le 25 mars 1927,
en la fête de l'Annonciation, à l'heure qu'elle avait prédite, Mère
Alphonsine achevait sa vie de prédestinée et s'endormait dans le
Seigneur. |