Ermanno Tauscher van den Bosch
est un pasteur luthérien de Sandow, dans la région du Brandebourg, en Allemagne
(actuellement en Pologne). Sa femme, Maria Paolina
est aussi luthérienne, tout
en nourrissant un grand amour pour la Mère de Dieu. C’est pourquoi, en 1855,
lorsqu’elle a son premier enfant, une fille, et que le grand-père paternel, lui
aussi pasteur, la baptise, le 24 juillet, sa mère tient à l’appeler Anna Maria.
L’enfant s’épanouit dans ce foyer heureux et paisible, qui s’enrichit par
l’arrivée de deux autres filles. En 1862, lorsque la fillette a six ans, le père
est nommé pasteur ‘Surintendant’ à Arnswalde. Dans ce nouveau poste de travail,
la vie des parents devient très occupée par différentes activités pastorales et
caritatives. La maman, accompagnée de sa fille aînée, visite les pauvres et les
malades, éveillant en elle un grand amour pour le prochain.
Nouvelle mutation du père en 1865 : il est nommé à Berlin, mais cette vie
citadine trépidante ne convient pas à la petite ; elle dépérit et doit parfois
interrompre l’école. Ses parents envoient les deux aînées, Anna Maria et Lisa,
dans une maison d’éducation à la campagne, chez “les Frères Moraves”
(descendants des Hussites). La ferveur qui anime certains de ces Frères fait
naître en elle le désir de devenir ‘Sœur’. Par ailleurs, au grand air, sa santé
se rétablit et elle devient une jeune fille ouverte et appréciée de tous, mais
inaccessible à la flatterie. À Pâques de l’année 1872, son père décide de la
faire revenir pour sa confirmation, ce qui constitue pour elle une grande
épreuve, car sans le dire explicitement, elle a toujours ressenti – et cela de
plus en plus – une grande incompatibilité avec le luthéranisme. Plus d’une fois,
quand on lui demande quelle est sa religion, spécialement au pensionnat, elle
reste sur la réserve, répondant qu’elle a sa religion personnelle. D’ailleurs,
quand des pasteurs qui fréquentent la maison paternelle discutent avec elle, ils
lui disent qu’elle a un esprit catholique. Autre difficulté : en 1873, on lui
fait une proposition de mariage qu’elle repousse d’emblée, déclenchant la colère
de son grand-père paternel, qu’elle aime pourtant beaucoup. L’année suivante,
elle a la grande douleur de perdre sa chère maman qui meurt prématurément à
l’âge de 45 ans, et Anna-Maria doit assurer la charge de maîtresse de maison,
jusqu’au remariage de son père cinq ans plus tard. Libre dès lors de ses
activités, elle réalise un rêve ancien en constituant un groupe de jeunes filles
qui confectionnent des objets, mis en vente au profit des missions. Puis on la
nomme directrice d’une maison d’aliénés à Cologne ; elle accepte ce poste comme
un sacrifice offert à Dieu. Cependant, c’est parmi ces handicapés mentaux
qu’elle trouve la pleine révélation de la vérité catholique après laquelle elle
a toujours aspiré.
Elle se convertit publiquement le
30 octobre 1888 en faisant profession de foi catholique dans une église de
Cologne, mais sans prononcer d’abjuration, parce qu’elle n’a jamais appartenu
librement, “pas même une heure”, à l’église luthérienne. Le désir de se
consacrer à Dieu se fait de plus en plus insistant. Là-dessus, elle lit
l’autobiographie de sainte Thérèse d’Avila. Elle pense alors au Carmel, mais son
confesseur lui dit que sa voie n’est pas d’entrer dans un carmel classique déjà
existant. Après réflexion, elle comprend qu’il lui faudrait un carmel sans
clôture. Cela lui permettrait, après avoir contemplé, de mettre en pratique
cette contemplation en assistant les enfants pauvres. Sa conversion ne s’est pas
faite sans déchirement car son père refuse désormais de la recevoir. Elle est
licenciée de son poste de directrice et elle erre quelques temps sans travail,
jusqu’au jour où elle trouve une place de ‘dame de compagnie’ dans une famille
berlinoise. Là, en se promenant dans la ville, elle est choquée au spectacle de
tous ces enfants, surtout italiens, qui, après un travail harassant, traînent
dans les rues sans aucun soutien de la part des adultes. En pensant à eux, elle
veut fonder une communauté qu’elle appelle “Sœurs Carmélites du Divin Cœur de
Jésus”, et pour les enfants, elle crée près de Berlin, un premier refuge auquel
elle donne ce nom suggestif : “Maison pour les sans maison” (2 juillet 1891).
Épreuve aussi du côté catholique, puisque le cardinal Kopp, évêque de Breslau,
lui interdit de porter l’habit religieux. Finalement, elle se rend en Hollande,
où, en 1897, le général des Carmes Déchaux lui fait parvenir son admission dans
la famille carmélitaine. Là elle crée des maisons, notamment à Sittard où elle
établit un premier noviciat. Tous ces établissements sont appelés “Maison de
Saint Joseph”, car en bonne fille de Thérèse d’Avila, Anna Maria met toutes ses
fondations sous sa protection.
Puis elle va pour la première
fois à Rome en 1903. Elle crée un maison italienne à Crémone et en 1904, un
cardinal lui donne la permission d’acheter à Rocca di Papa une pauvre maison,
pour en faire la Maison mère de sa nouvelle Congrégation. C’est le début
officiel du “Carmel du Divin Cœur de Jésus”. Avec ses compagnes, elle émet ses
premiers vœux religieux, le 3 janvier 1906. Elle devient Sœur Marie Thérèse de
Saint Joseph. Le même jour, 50 postulantes prennent l’habit. Le charisme des
sœurs – contemplation qui se traduit ensuite en actions – doit développer en
elles une charité ouverte à tous. La fondatrice leur dit : « Nous ne devons pas
nous contenter d'être seulement tabernacle, habitation de Dieu, mais instruments
de Dieu dont le Divin Sauveur puisse se servir pour le salut des âmes ».
Apostolat qui ne se limite pas seulement aux enfants ; elles se doivent aussi
d’accueillir les fils de l'Église qui ont perdu le vrai chemin et ceux qui sont
en quête de consolation. « Chaque Carmélite du Divin Cœur de Jésus doit, comme
un ange de réconfort et de paix, descendre des hauteurs du Carmel vers les
hommes chargés de douleurs et sans paix ».
Les Sœurs essaiment jusqu’en
Amérique. La maison mère italienne de Rocca di Papa est expropriée par le
gouvernement après la première guerre mondiale, sous prétexte qu’elle est
propriété allemande. Noviciat et maison mère se replient donc sur Sittard
(Pays-Bas). À la fin de sa vie, Mère Marie-Thérèse, atteinte dans sa santé, peut
de moins en moins voyager et reste à Sittard où elle s’occupe de la formation
des jeunes sœurs et des affaires de la Congrégation, notamment en rédigeant les
Constitutions. De plus en plus s’aiguise en elle la nostalgie du retour vers la
Maison du Père. Elle y parvient sereinement le 20 septembre 1938.
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