Martyrs Chartreux - Histoire

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Martyrs Chartreux

HISTOIRE DU MARTYRE DES CHARTREUX EN ANGLETERRE.

Augustin Webster

Guillaume Exmew

Guillaume Grenewod

Guillaume Horne

Humfroid Middlemore

Jacques Walverke

John Dawy

John Houghton

John Rochester

Réginald, brigittain

Richard Berer

Robert Lawrence

Robert Salter

Sébastien Newdigate

Thomas Grene

Thomas Johnson

Thomas Redingue

Thomas Scryven

Walter Peerson

 

1. — Alors que la prudence et l'habileté séculaires du gouvernement de ses nobles rois et princes avaient illustré notre beau royaume d'Angleterre, que la foi chrétienne, l'influence, la puissance, l'abondance, la gloire, les richesses y florissaient, en même temps il se leva des hommes qui préféraient les gloires de l'ancienne Grèce à celles de la patrie, des hommes qui cherchaient leurs propres intérêts plutôt que ceux de la justice et de l'honneur du royaume ; qui ne savaient pas que la vertu mieux que le vice fait la force et le bonheur des États dont la sécurité est assurée par l'obéissance à la voix de leur Dieu ; préférant d'ailleurs la jouissance des choses caduques à la crainte de Dieu, ces hommes avaient lâché les rênes au luxe et à la débauche. C'est pourquoi, abandonnés de Dieu, ils en vinrent à ce point de folie, d'obstination et d'aveuglement que pour le malheur du royaume, sinon pour sa complète destruction, ils osèrent se permettre des choses auxquelles le chrétien ne doit même point penser. La relation présente en fera connaître quelques-uns. Plût à Dieu que la détresse et la souffrance de notre royaume ou plutôt les vices qui nous ont conduits à ce misérable état ouvrent les yeux des princes et des États et leur fassent comprendre qu'ils ne désirent pas commettre de pareils actes s'ils ne veulent pas subir les mêmes châtiments. Car, témoin la sainte Ecriture, les vices rendent les peuples malheureux et leur incrédulité attire sur eux la colère divine.

2. — Voici donc ce qui arriva à notre royaume d'Angleterre. Tant que le roi Henri VIII vécut dans la crainte de Dieu, l'obéissance à la discipline de l'Eglise, son gouvernement fut prospère; il était renommé, agréable, aimé, fort et redouté. Mais ce qui arriva à Sodome et Salomon prouve que trop de richesses, de prospérité et de loisirs sont, quand on en mésuse, une cause de crimes; il connut cette abondance quelques années avant sa mort, et bien loin de les consacrer à témoigner à Dieu sa reconnaissance et en implorer la miséricorde pour ses fautes passées, il s'éprit d'un violent amour pour une femme, Anne Boleyn.

Il en était tellement épris qu'il oublia totalement les intérêts de son gouvernement, de son royaume et l'extirpation du fléau de l'hérésie qui à ce moment pullulait dans diverses parties de ses États. Il admit dans son conseil des gens que rien n'avait préparés ni aux affaires tant politiques que militaires ni à l'administration de l'État, et c'est à de pareils agents qu'il confia les intérêts de son royaume ; alors que ces misérables n'avaient pas d'autre souci que d'agrandir démesurément leur fortune personnelle.

Anne d'ailleurs, fourbe et rusée, demandait et acceptait volontiers leur concours. Elle refusait toutefois, mais de bouche seulement, d'acquiescer aux désirs du roi, non pas qu'elle fût chaste ou pudique, car, au dire général, elle était très débauchée et la cour tout entière la tenait pour une courtisane avérée ; mais par ambition, afin d'arriver à partager la couronne et le trône. C'est pour atteindre plus sûrement ce but qu'elle refusa d'une part de se livrer au roi afin d'exciter davantage sa passion, et que de l'autre elle captait les bonnes grâces de ces gens perdus qui pouvaient conseiller le roi suivant ses désirs.

3. — Tandis que le roi se voyait ainsi repoussé, quelques-uns de ses parasites lui persuadèrent qu'il vivait dans l'état d'adultère, puisqu'il vivait avec la femme de feu son frère, ce qui, prétendaient-ils, était prohibé par les saintes Écritures. En effet, le roi avait épousé la très sainte dame Catherine, fille, etc. (sic) et tante du très victorieux seigneur l'empereur Charles-Quint, tout d'abord mariée au frère aîné de notre roi Henri, mort d'ailleurs avant la consommation de leur mariage. Comme c'était un fait hors de doute, du consentement du saint Pontife et de tout le royaume, Henri l'épousa ; de ce mariage naquit la Sérénissime et très pieuse dame Marie qui fut donnée en mariage au catholique prince et roi Philippe, fils dudit Charles-Quint ; mais le roi Henri, comme s'il eût trouvé un excellent moyen de satisfaire sa méchanceté et sa luxure, s'appliqua à faire déclarer nul son premier mariage afin d'en contracter un nouveau avec Anne. - Cela fait, voulant complaire à sa seconde femme, l'an 1534 suivant le calendrier romain, la 25e de son avènement au trône, et sous le pontificat du pape Clément VII, il décréta que tous ses sujets âgés de 21 ans et au-dessus, de tout état et de toute condition„ approuveraient et affirmeraient par serment que ses secondes noces avec Anne Boleyn étaient légitimes, et que les enfants nés ou à naître de cette union seraient acceptés et obéis comme héritiers légitimes. Cependant Catherine sa première femme n'était pas morte, elle devait même vivre deux ans après ces noces adultères, et dans cet intervalle naquit Elizabeth, notre reine actuelle.

4. — Cependant que le conseil royal s'occupait de faire exécuter cette loi, il y avait un peu partout dans le royaume des prodiges et des présages qui paraissaient pronostiquer des calamités et des fléaux, et dans certains il y avait comme une désignation spéciale de la Chartreuse de Londres.

En 1533, pendant plusieurs nuits, parut dans tout le royaume une comète effrayante dont l'éclat et le scintillement extraordinaires remplissaient d'épouvante tous ceux qui la voyaient. Cette comète étendait ses rayons et semblait frapper le campanile de la Chartreuse de Londres d'une façon tellement évidente qu'il ne pouvait y avoir d'erreur pour ceux qui en étaient témoins. Cette même année, on vit un globe sanglant suspendu dans les airs. A cette même époque on vit deux armées de mouches innombrables qui alternativement couvraient en quelque sorte notre maison, s'arrêtant longtemps sur l'église et nos cellules ; l'une de ces deux armées était formée de mouches noires et difformes semblables à celles qui naissent sur le fumier, tandis que celles de la seconde armée étaient longues et de couleurs diverses comme celles que nous voyons voltiger parmi les roseaux.

5. — Vers cette même époque il arriva le fait étonnant que voici : le vénérable Père Prieur de la Chartreuse de Londres, dont nous parlerons plus loin, était visiteur de la province d'Angleterre, et il faisait la visite du monastère du Mont de Grâce au nord du royaume, pas bien loin d'York. La longueur du voyage l'avait obligé à enlever ses vêtements pour les faire laver ; or tandis que les serviteurs les étendaient en même temps que ceux d'un autre visiteur pour les faire sécher, de grands corbeaux noirs volèrent sur ceux de notre père qu'ils arrachèrent des perches auxquelles on les avait suspendus et les déchiquetèrent ; sans nul doute cela présageait et marquait comment il serait déchiré lui-même par les noirs ministres du démon. Ces prodiges et bien d'autres encore furent bien propres à nous remplir de crainte et à nous faire voir l'imminence de quelque grande tribulation. Ces malheurs du reste nous avaient déjà été annoncés bien des années auparavant par ceux de nos pères que nous regardions comme des saints. Mais toujours, comme les enfants d'Israël, nous pensions que ces visions n'arriveraient que bien plus tard et que c'étaient des prophéties à longue échéance. — Pourtant quand nous vîmes ces choses se succéder ainsi une à une, nous commençâmes à craindre qu'elles ne se réalisassent de notre vivant et nous implorâmes le Seigneur très clément de nous être propice et de tout faire tourner à notre avantage.

6. — Ces faits s'étant ainsi passés, et les ordres sévères d'un roi cruel étant exécutés par des serviteurs encore plus cruels, notre tour d'épreuve arriva. Les commissaires royaux, pour accomplir l'édit de leur maître, vinrent en effet à notre maison, nommée la maison de la Salutation de la B. V. Marie, de l'ordre des Chartreux, non loin de Londres.

Et tout d'abord ils mandèrent secrètement John Houghton, notre vénérable Père et prieur de la maison, lui demandant, à lui et à tous ceux qui étaient soumis à son autorité, de reconnaître la légitimité de la répudiation de la première épouse et celle en même temps du second mariage. A ces mots, il répondit que ni lui ni les siens ne se mêlaient des affaires du roi, et qu'ils n'avaient pas à s'occuper de la personne que le roi voulait répudier, pas plus que de celle qu'il voulait prendre pour femme.

Mécontents de cette réponse, ils exigèrent que franchement et sans retard, le couvent convoqué, tous affirmassent par serment que le premier mariage était illicite, légitime le second.

Mais lui répondait qu'il ne comprenait pas comment un premier mariage célébré selon les rites de l'Église et qui avait duré tant d'années pouvait être annulé. Cette réponse les mit en fureur et ils ordonnèrent de l'enfermer immédiatement dans la Tour de Londres en même temps que le père Humfroid Middlemore, alors procureur de la maison et qui, questionné à son tour, avait fait la même réponse.

Ils y furent détenus un mois durant. Entre temps, quelques hommes honnêtes et dévoués leur persuadèrent que ce n'était pas une question de foi qu'il fallait défendre jusqu'à la mort. Ces conseils les décidèrent à accepter ce qu'exigeaient les envoyés du roi. Élargis aussitôt, ils revinrent chez nous où nous les reçûmes avec grande joie. Toutefois comme, après le retour de notre père, il y eut une consultation entre conventuels au sujet de cette question, avant que les commissaires reparussent, et comme on ne savait à quel parti s'arrêter, le pieux Père nous dit : « Vénérables pères et frères, acquiesçons, je vous en prie, cette fois, aux envoyés royaux, et sans offenser Dieu, ce que j'espère, vivons un peu ensemble, car ce n'est pas la fin. Tout cela ne finira point ainsi. La nuit même où le procureur notre frère et moi nous avons été élargis, il m'a été révélé pendant mon sommeil que la prochaine fois je ne m'en tirerais pas à si bon compte, car dans peu de jours je serai derechef conduit en prison et j'y finirai mes jours. On nous proposera quelque chose au sujet de laquelle il ne pourra y avoir ni hésitation ni ambiguïté ».

Sur ces entrefaites, les mêmes commissaires vinrent de la part du roi pour exiger le même serment de la part de tous les conventuels et conduire en prison ceux qui le refuseraient : deux fois ils partirent sans avoir rien obtenu, car d'une commune voix nous nous refusâmes à leur donner satisfaction, leurs menaces n'ayant sur nous aucun effet. Une troisième fois ils se présentèrent accompagnés des gouverneurs de la ville et leurs satellites. Considérant alors que nous ne pouvions plus échapper, nous nous décidâmes à suivre les conseils dévoués et salutaires de notre prieur John Houghton, et nous prêtâmes tous le serment exigé par le roi, le 25e jour de mai 1534, la 4e année du priorat de notre Père.

7. — Nous pensions alors que notre obéissance aux ordres du roi nous avait rendu notre liberté et que dorénavant nous pourrions vivre tranquilles. Mais nous éprouvâmes la vérité de cette parole du prophète : « Ne vous fiez pas aux princes, en eux il n'y pas de sécurité ». En effet, vers la fin de la même année 1534, il fut décidé par le roi et ses conseillers, dans un acte célèbre du Parlement, que dorénavant, le Saint-Père ne voulant pas consentir au divorce et approuver le second mariage, tous les sujets ne devaient plus reconnaître l'autorité papale ou toute autre étrangère au royaume, mais tenir le roi lui-même pour chef de l'Eglise d'Angleterre, tant au spirituel qu'au temporel, et s'y engager par serment ; ceux qui le refuseraient seraient poursuivis pour crime de lèse-majesté. Cette ordonnance ayant été publiée dans tout le royaume, notre vénérable Père Prieur John Houghton réunit le couvent et lui fit part du nouveau décret. — A cette nouvelle nous fûmes tous consternés, d'abondantes larmes coulèrent de nos yeux et d'une commune voix : « Mourons tous dans la simplicité de notre cœur ; le ciel et la terre rendront témoignage que nous périssons injustement ». Notre Père nous répondit avec tristesse : « Oui, qu'il en soit ainsi, que la même mort rende à la vie ceux qu'une même vie a réservés pour la mort, afin que je puisse paraître devant Dieu entouré de mon troupeau. Ne croyons pas cependant qu'ils nous feront à tous un si grand bien et à eux-mêmes un si grand mal ; je crois plutôt qu'ils feront d'abord mourir les officiers, les plus âgés et moi-même, laissant libres les plus jeunes. Néanmoins qu'en tout s'accomplisse la volonté divine ; mais pour ne pas être pris à l'improviste par le Seigneur quand il viendra frapper à la porte, préparons-nous comme si nous devions mourir sur l'heure. Les coups que l'on attend sont moins sensibles ». Alors il donne à tous la permission de se choisir un confesseur parmi nous afin de lui faire une confession générale et recevoir l'indulgence plénière de notre ordre. Puis, « comme nous péchons tous en bien des points et que nous nous devons tous quelque chose ; que, d'autre part, ni la vie, ni la mort, ni rien au monde n'a de valeur sans la charité, nous nous réconcilierons publiquement, ensuite nous célébrerons le messe du Saint-Esprit pour obtenir la grâce que son bon plaisir s'accomplisse en nous ».

8. — Le jour de la réconciliation venu, notre Père Prieur nous fit un sermon très touchant sur la charité, la patience et la confiance inébranlable dans le Seigneur qui n'abandonne jamais ceux qui espèrent en lui, et il conclut en ces termes : « Il nous vaut mieux d'être couverts ici-bas de confusion et de subir une peine passagère pour nos péchés, que de l'être dans l'autre monde en face de Dieu, des anges et des saints, et d'être réservés pour les châtiments éternels. Il ajouta : « Pères et frères très chers, ce que je vais faire, faites-le à votre tours ». A ces mots, il se lève, s'approche du plus ancien assis à ses côtés et, s'agenouillant devant lui, il lui demande humblement pardon de tous les torts qu'il pouvait lui avoir faits en paroles ou en actions. La même prière lui fut adressée par l'ancien. Le Père Prieur répéta la même démarche pour chacun jusqu'au dernier frère convers et versant d'abondantes larmes. Tout le monde l'imita et chacun se demandait pardon et remise. Quelle tristesse ! Que de larmes en ce moment ! Vraiment dans Rama on entendit une voix, beaucoup de cris de lamentations. A partir de ce jour, il suffisait de regarder notre saint Père Prieur pour lire sur son visage, qui jusque-là ne s'était jamais laissé altérer par les événements, quel grand chagrin, quelle immense douleur, avaient atteint le fond de son âme. Le changement de son visage et de son teint déclarait la souffrance intime de son cœur ; toute sa personne était comme enveloppée de tristesse, et les soubresauts de son corps trahissaient malgré lui ses chagrins intérieurs.

9. — Le jour venu où l'on devait célébrer la messe conventuelle du Saint-Esprit, notre Père Prieur lui-même se prépara très dévotement à offrir le saint sacrifice pendant lequel le Dieu très clément daigna visiter ses serviteurs. — En effet, à peine l'élévation était finie que tout le monde entendit comme un léger bruissement pareil à celui que produit un vent très doux ; il résonnait un peu plus fort à l'extérieur, mais bien davantage dans notre intérieur ; les oreilles de notre cœur le percevaient plus distinctement que celles de notre corps. A cette touche divine, le Père Prieur lui-même se sentit tellement rempli de douceur céleste qu'il fondit en larmes et que pendant de longs instants il lui fut impossible de continuer la messe. Et cet effet de la clémence divine fut ressenti de tous, même des frères convers qui se tenaient dans différents endroits de l'église. Dès la réunion qui suivit, une discussion pleine de piété et d'humilité s'engagea entre le Père et les enfants, le premier attribuant cette grâce à la dévotion de ses fils et ceux-ci à la sainteté de leur Père, qui vraiment était un saint doué de toutes les grâces, de toutes les vertus. Combien instante fut, à partir de ce jour, la prière de notre communauté afin que Dieu daignât arranger toutes choses pour sa gloire et le salut de nos âmes, je n'essaierai pas même de le dire.

10. — Sur ces entrefaites, arriva chez nous le vénérable P. Robert Lawrence, Prieur de la Chartreuse de Bellavallis (Bellevallée), profès de notre monastère, religieux accompli et de grande piété ; deux jours après arriva également chez nous, conduit par les affaires de sa maison, le vénérable P. Augustin Webster, profès du couvent de Shène et Prieur du monastère de la Visitation de la bienheureuse Vierge Marie près d'Anxiolme. C'était un homme de vertus vigoureuses. Quand ils apprirent nos angoisses et les périls auxquels nous étions exposés, de concert avec notre Père Prieur John Houghton, ils résolurent d'aller ensemble trouver le vicaire du Royaume Thomas Cromwell pour calmer par son entremise la colère du roi très allumée contre nous parce qu'il avait appris que nous ne voulions pas nous soumettre à son décret, et aussi pour tenter de s'affranchir, eux et leurs subordonnés, de ce décret. L'ayant abordé, ils lui exposèrent bien humblement leurs désirs et leurs supplications. Mais celui-ci, fort indigné, refusa d'y condescendre, leur ordonna de rentrer chez nous pour revenir le trouver le lendemain ; en attendant, ils se consulteraient sur la réponse qu'ils pourraient lui donner au sujet de cette affaire. De retour le lendemain, comme ils en avaient reçu l'ordre, ils réitérèrent leur demande, lui exposant simplement leur intention. Comme un lion rugissant, il les accabla de reproches et d'injures, les traita de traîtres, de rebelles, et les fit enfermer dans la Tour de Londres, où il les fit détenir la semaine entière. La semaine écoulée, il vint lui-même à la tour, accompagné de beaucoup de nobles du conseil royal et de quelques docteurs. Il fit appeler nos Pères et leur demanda si oui ou non ils voulaient se soumettre à l'édit du Parlement et du roi, à savoir s'ils voulaient renier l'autorité du pape et affirmer qu'il avait par fraude et violence usurpé la primauté de l'Église, reconnaître et affirmer que le roi était le chef suprême de l'Église d'Angleterre tant au spirituel qu'au temporel. Nos Pères répondirent qu'ils feraient sans hésitation aucune tout ce à quoi étaient tenus de vrais chrétiens et sujets à l'égard de leur prince et qu'ils obéiraient en tout ce que permettrait la loi divine. « Point de restriction, répondit-il, je veux que pleinement et sincèrement, de cœur comme de bouche, et sous serment vous affirmiez et observiez avec fermeté ce qu'on exige de vous ».

11. — Nos bienheureux Pères répondirent : « C'est tout le contraire qui a toujours été enseigné par notre mère la sainte Église. — L'Église, dit-il, c'est le dernier de mes soucis. Voulez-vous, oui ou non, faire ce que je vous dis ? » Ils répondirent : « Nous craignons trop Dieu pour oser abandonner l'Église catholique, nous révolter ou aller ouvertement à l'encontre de ses décrets ; car saint Augustin a dit : “Je ne croirais même pas à l'Évangile du Christ si la sainte et orthodoxe Église ne me l'avait enseigné comme elle l'enseigne”. — “Que saint Augustin, expliqua-t-il, pense comme il voudra. Vous, vous penserez comme moi ou bien il vous arrivera malheur” ». Comme ils gardèrent le silence, on les fit reconduire en prison. Au jour fixé, les gardiens de la Tour, les officiers, les ministres de la Tour et une nombreuse escorte de satellites les annoncèrent à la cour de Westminster et les présentèrent à la barre; on leur avait adjoint un vénérable religieux du couvent de Sion, de l'ordre de Sainte-Brigitte, le père Réginald, homme de grand savoir et de fion moindre sainteté, et un autre prêtre séculier, curé de l'église paroissiale de Thisteworth. Tous les deux étaient détenus dans la même prison pour le même motif ; avec une grande constance ils avaient refusé d'obéir aux ordres du roi. C'est ce qui les avait fait appeler tous les deux en ce lieu où se trouvaient réunis beaucoup de grands seigneurs du royaume. Requis un par un de s'expliquer sur la question, tous refusèrent d'obéir, disant qu'à aucun prix ils ne voulaient déroger en quoi que ce fût à la loi de Dieu, aux coutumes de la sainte Eglise ni abandonner les lois de leurs ancêtres. Immédiatement on choisit douze hommes, conformément à l'usage national, qui, sous la foi du serment, devaient dire si ces cinq accusés qui refusaient de se soumettre et d'obéir aux ordres du roi et du Parlement devaient ou non être mis à mort. En face d'un ordre si nouveau, difficile et inouï, ils remirent leur sentence au lendemain; et les saints personnages furent alors reconduits en prison.

Tout le jour les juges agitèrent cette question, et leur conclusion fut que les pères n'avaient pas enfreint de loi et qu'ils étaient innocents à tous les points de vue. Mais Thomas Cromwell soupçonna que ces douze juges avaient de la délicatesse de conscience, et sur le soir de cette première journée, apprenant qu'ils n'avaient pas encore rendu leur sentence, il leur fit demander le motif d'un si long retard et ce qu'ils pensaient faire de la cause qu'on leur avait confiée. Ils exposèrent qu'ils n'avaient pas osé condamner comme malfaiteurs des hommes si pieux et qu'ils ne les avaient trouvés coupables en rien. Cette réponse le mit en fureur et il leur fit dire immédiatement : « Si vous ne les trouvez pas coupables, vous subirez vous-mêmes le châtiment des transgresseurs ». Ils persistèrent dans leur décision. A cette nouvelle, il vint à eux comme un furieux et proféra de si violentes menaces qu'il les força à condamner ces saints pour crime de lèse-majesté. Le lendemain, on les ramena de la prison à la cour de Westminster, et en leur présence les douze jurés firent connaître leur sentence, disant que ces cinq religieux étaient coupables du crime de lèse-majesté. Leur sentence sur ce fait ayant été prononcée suivant la coutume anglaise, les juges qui présidaient à la connaissance des affaires et à l'application de la loi condamnèrent ces saints personnages à la peine de mort pour crime de lèse-majesté.

L'arrêt une fois rendu, on les ramena en prison, mais en faisant porter devant eux le signe des condamnés à mort. Ils restèrent encore cinq jours. Ni la parole ni la plume ne peuvent traduire ce que ces saints personnages eurent à endurer d'avanies de la part des persécuteurs de leurs âmes. Comme ils restaient inébranlables en face de leurs ennemis, on donna l'ordre de les conduire au supplice. Voici comment il eut lieu.

12. — Tirés de prison, on les coucha, chacun vêtu de l'habit de son ordre, sur des claies d'osier. Ils y étaient attachés étendus sur le dos, et des chevaux les traînèrent à travers la ville de Londres jusqu'au lieu où l'on exécutait les scélérats, à Tyburn, à 3 milles de la Tour de Londres. Ils étaient attachés deux par deux sur les claies, le cinquième excepté qui était seul. Qui pourrait dire les douleurs, les tortures qu'eurent à endurer ces très saints hommes pendant un aussi long trajet, étendus ainsi sur une claie fort dure et qui, s'élevant à peine d'un travers de doigt au-dessus du sol, maintenait leurs corps étendus, les traînait tantôt sur des lieux pleins de cailloux et tantôt dans des endroits pleins d'eau et de boue ? Ils arrivèrent enfin au lieu désigné. Tout d'abord on détacha de la claie notre saint Père Prieur de la Chartreuse de Londres et visiteur de la province anglaise, John Houghton. Comme de coutume, le bourreau se jeta immédiatement à genoux devant lui, le suppliant de lui pardonner la mort qu'il allait lui donner. O bon Jésus ! quel est le cœur de pierre qui n'aurait pas été attendri, s'il avait pu le voir à cette heure ! Quelle affabilité dans sa parole, quelle bonté dans son étreinte, quelle piété et quelle ferveur dans sa prière pour le bourreau et les témoins de son supplice ! Cela fait, il reçut l'ordre de monter sur le chariot placé sous la potence où il allait être pendu. Il le fit avec une très grande douceur. Alors un des conseillers • du roi, qui était là présent entouré d'une foule immense, lui demanda s'il voulait obéir à l'ordre du roi et au décret du Parlement ; il lui serait fait grâce à cette condition. Le fidèle martyr du Christ répondit : « J'en prends à témoin le Dieu tout-puissant et vous supplie vous tous de témoigner pour moi au terrible jour du jugement, qu'ici sur le point de mourir je déclare publiquement que ce n'est ni par obstination ni par malice, ni par esprit de révolte que je refuse d'obtempérer à la volonté de votre roi, mais seulement par crainte de Dieu et pour ne pas offenser sa divine majesté. Parce que les ordonnances que notre mère la sainte Eglise a établies, enseigne, garde et a toujours gardées sont en opposition avec celles de votre roi et de son Parlement, je suis donc obligé en conscience et je suis prêt à souffrir cette mort et tous les tourments qu'on pourrait m'infliger plutôt que de renier les enseignements de l'Eglise ». Après ces mots, il demanda au bourreau de lui laisser terminer la prière qu'il avait commencée, qui était : « En vous, Seigneur, j'ai mis mon espérance », etc., jusqu'au verset : « Seigneur, je remets mon âme entre vos mains », etc., inclusivement. Sa prière finie, sur un signal donné on enleva le char de dessous ses pieds et il se trouva ainsi pendu.

13. — Presque aussitôt un des assistants coupa la corde pendant qu'il vivait encore et, tombant à terre, il commença à reprendre son souffle. Aussitôt il fut traîné un peu à l'écart, dépouillé de ses vêtements et écartelé tout nu. Alors le bourreau se jeta sur lui et tout d'abord il lui coupa les parties naturelles, puis lui ouvrit le ventre, enleva ses entrailles qu'il jeta dans un brasier allumé, tandis que le bienheureux ne cessait de prier. Enfin pendant qu'on lui enlevait le cœur, il conservait une douceur et une patience surhumaines qui excitaient chez tous les témoins la plus grande admiration ; enfin sur le point de rendre le dernier soupir, il dit d'une voix très douce : « Très miséricordieux Seigneur Jésus, prenez pitié de moi à cette heure ». Et pendant que le bourreau lui arrachait le coeur, il lui dit, comme l'ont rapporté les ministres et d'autres personnes dignes de foi présentes au supplice : « O bon Jésus, que veux-tu faire de mon cœur ? » Et le bourreau lui-même, qui voulait le montrer aux seigneurs conseillers, ne put le tenir dans ses mains tant les palpitations en étaient fortes. C'est après ces supplices et ces dernières paroles qu'il rendit le dernier soupir ; immédiatement on lui coupa la tête et on divisa son corps en quatre. Ainsi ce saint homme fidèle jusqu'à la mort alla au Seigneur le 4 mai 1535, vers la 48e année de son âge et la 5e de son priorat, semblable au bon pasteur qui ne donne pas seulement sa vie pour ses brebis en leur prêchant d'exemple, mais encore en mourant pour la justice et la foi de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de notre mère la sainte Église.

14. — Ainsi mourut ce saint religieux. Le même jour et dans le même lieu périrent cruellement de la même manière les quatre saints personnages dont nous avons déjà prononcé le nom ; à savoir les chartreux Robert Lawrence et Augustin Webster, le R. P. Réginald, Brigittain, et un prêtre séculier. Mais le P. Brigittain, homme d'une doctrine et grande sainteté, debout sur le char et presque la corde au cou, sans peur, sans la moindre faiblesse, harangua éloquemment le peuple. Les membres de ces défunts furent mis en pièces, jetés dans des chaudières et légèrement bouillis afin de les rendre plus horribles à voir, enfin suspendus dans divers endroits de la ville. On suspendit à la porte de notre Chartreuse de Londres un bras de notre saint P. John Houghton. Il y resta suspendu jusqu'à notre expulsion. Deux semaines après cette expulsion, comme deux des nôtres passaient par cette porte, le bras tomba par hasard. Ils regardèrent cela comme un présage, l'emportèrent avec soi et le cachèrent. Malheureusement le lieu n'était pas tellement secret que, grâce à la négligence de certains, cela ne permît aux suppôts du diable de le trouver plus tard, de le couper en morceaux et de les jeter on ne sait où. Les documents publics et les registres de Westminster et notre pieu Père John Houghton lui-même témoignent que telle fut la cause unique de leur supplice, car après que la sentence de mort fut portée contre eux, il écrivit lui-même de sa propre main dans son carnet toutes les questions et les réponses qu'ils y avaient faites. Cette relation fut remise au P. Withelme Exméro, alors procureur de notre maison, par l'entremise d'un de ses geôliers qu'il avait converti pendant sa détention. Le procureur lui-même me confia ensuite ce carnet. Plus tard, je l'ai remis à un noble Florentin, Pierre de Berdes, qui me promit de le faire tenir à notre Saint-Père le Pape avec un fragment de la chemise dans laquelle notre bienheureux Père avait été supplicié.

15. — Trois semaines durant, après la mort des saints dont nous avons raconté les détails et donné la raison, bon nombre d'hommes de basse extraction allèrent trouver Th. Cromwell et lui demandèrent l'autorisation de maltraiter les chartreux. Il ne pouvait y avoir de refus, au contraire ; ils vinrent donc en hâte jusqu'à notre maison ; ils nous enlevèrent trois vénérables Pères qui en étaient restés comme les têtes : c'étaient le P. Humfroid Middlemore alors notre vicaire et précédemment notre procureur ; puis Guillaume Exmew, religieux aussi pieux qu'instruit, surtout dans les langues grecque et latine enfin le P. Sébastien Newdigate, d'une naissance illustre et qui avait été élevé à la cour avant son entrée dans l'Ordre. Ils étaient tous les trois profès de la Chartreuse de Londres ; jeunes d'âge, il est vrai, mais d'une austérité et sainteté de vie peu communes. Ils furent enfermés, par ces hommes sans entrailles, dans une prison fétide, la Marshalsey, et là, les fers au cou et aux jambes attachés à des colonnes, ils étaient forcés de se tenir constamment debout[1]. C'est dans cette position, dans ce cruel martyre, qu'ils restèrent deux semaines durant sans un moment de répit, pas même pour satisfaire à leurs besoins naturels. Au bout de ces quinze jours ils comparurent devant les conseillers du roi, qui les interrogèrent l'un après l'autre sur le même article qui avait occasionné la mort de notre Père et de ses compagnons. Ils répondirent avec constance que rien au monde ne les ferait transgresser les lois ou les coutumes de notre sainte mère l'Église. On les envoya à la Tour de Londres, où ils passèrent quelque temps.

Ensuite ils furent conduits au tribunal de Westminster, dont nous avons déjà parlé, et là on leur demanda de nouveau si, oui ou non, ils voulaient obéir à l'édit royal. Mais ils refusèrent et ils donnèrent aux juges les raisons de leur refus ; ils invoquèrent devant eux des témoignages empruntés aux saintes Écritures qui prouvaient péremptoirement que le roi n'avait, d'autorité divine, aucune primatie dans l'Église, puisque le seul Roi et Pontife Jésus-Christ avait délégué cette autorité à Pierre seul et à ses successeurs les pontifes romains. Ils parlèrent ainsi avec intrépidité et, comme ils persistèrent dans ces sentiments, ils furent condamnés à la même peine que notre père Prieur et ses compagnons. Elle fut exécutée avec beaucoup de cruauté ; c'est en la subissant qu'ils rendirent leurs âmes précieuses à Dieu, le 19 juin 1535. Ils le glorifièrent ainsi dans leurs corps en les livrant avec générosité et patience à de si affreux supplices pour le Christ et l'unité de son épouse notre sainte mère l'Église. — Je dis cela parce que bon nombre prétendent que notre bienheureux Père et les autres religieux que j'ai nommés avaient conspiré la mort du roi et que, par conséquent, leur mort n'avait été qu'une vengeance légitime. Or cela est absolument faux ; car comme je l'ai déjà dit, non seulement l'accusation et les actes publics affirment le contraire ; mais encore nous-mêmes, restes de ce couvent et qui vivons encore, nous le savons pertinemment, et même nos ennemis en sont juges. En effet, le sicaire lui-même Th. Cromwell, exécuteur de ces œuvres, a proclamé publiquement que leur mort n'avait point d'autre cause, et c'est celle qu'il nous a proposée dans les mêmes termes et sous la même forme toutes les fois qu'il est venu nous voir et qu'il a essayé de nous arracher.

16. — Après la mort de nos Pères, deux ans environ s'écoulèrent sans que nul de nous fût appréhendé ou incarcéré ; mais ce temps ne se passa point sans de pénibles tribulations. Le temps était venu où chacun dut parler pour son propre compte et veiller à sa sûreté personnelle, sans pouvoir compter que sur l'appui et le secours de Dieu. Au dehors, la lutte ; à l'intérieur, des craintes plus pénibles encore que le combat.

Nous désirions la mort, mais elle nous fuyait ; nos ennemis voulaient avoir raison de nous par la lassitude A partir de l'arrestation de nos trois derniers Pères, à savoir du vicaire et de ses compagnons, Th. Cromwell (exécuteur d'une loi inique, et inique lui-même dans toute sa conduite, basse, inhumaine) avait mis à la tête de notre maison deux séculiers qui maltraitaient les frères et le couvent tandis qu'ils se gorgeaient de mets délicats. Au lieu de notre pitance accoutumée, ils nous servaient seulement, pour la journée entière, un peu de fromage ou quelque chose d'analogue. La maison était pleine d'hérétiques qui pullulaient maintenant partout, et d'hommes cruels qui, enivrés de vin et de méchanceté, nous bafouaient chaque jour, nous souffletaient même quand nous leur tombions sous la main.

Il s'en faufila même d'autres pour surveiller indiscrètement la liberté dont nous disposions et se rendre compte comment nous pouvions avoir assez de force et d'audace pour oser combattre un tel roi et résister à ses ordonnances. Comprenant que nous puisions le soulagement de tous nos maux dans la lecture répétée des saintes Ecritures et que nous nous étions munis non de glaives et de bâtons matériels, mais du glaive de l'esprit qu'est la divine parole, et du témoignage des docteurs orthodoxes, toujours prêts du reste à rendre à chacun les raisons de notre foi et de notre espérance, ils enlevèrent de nos cellules tous les livres qu'ils purent trouver. Mais cela fut à pure perte, car Dieu n'abandonnait pas les siens. Nos ennemis eux-mêmes étaient confondus et subjugués par la sainte simplicité et la vie innocente de quelques-unes de nos frères que rien ne put déterminer à franchir les limites déterminées par les Pères ni s'écarter de la doctrine de l'Eglise. Je le répète : cette sainte simplicité humiliait beaucoup plus nos ennemis que la docte constance des autres.

Un dimanche même, Th. Cromwell fit enlever malgré eux du monastère quatre de nos principaux frères pour les conduire à l'église cathédrale de la Trinité de Londres. On les installa dans un endroit bien en vue, en face d'un nombre considérable d'évêques, de nobles et d'une foule très nombreuse ; ils devaient assister à un sermon d'un évêque qui était regardé dans tout le royaume comme un homme de très grand talent ; mais ce sermon contraire à la foi ne produisit sur nous aucune impression. Les conseillers du roi s'appliquaient donc de leur mieux à trouver des moyens capables de nous faire abandonner notre résolution. Ils insinuaient ; ils menaçaient. Souvent, dans ce but, ils venaient chez nous et ils nous gardaient si longtemps au chapitre que nous ne pouvions nous rendre au chœur aux heures accoutumées pour les offices de vêpres ou de matines, ce qui nous ennuyait et peinait tout à la fois. A cela venaient s'ajouter chaque jour les lamentations et les larmes de nos parents et amis. Le temps était enfin venu de montrer de quel côté tournaient l'esprit et le cœur de chacun de nous ; irions-nous du côté de Dieu, irions-nous du côté du diable ? Chacun de nous avait la liberté de mal faire. Mais grâces à Dieu, la crainte de Dieu était en nous si forte, et la constance dans nos résolutions si grande ; nous avions tant de modestie dans nos paroles, tant de fidélité à notre observance religieuse, tant de circonspection en toute occasion que tous nos adversaires ne le pouvaient constater sans en être troublés et couverts de confusion. Car, bien que notre Prieur nous eût été ravi, chacun de nous était à lui-même son Prieur ; il s'instruisait et se dirigeait, se gouvernait en tout comme il convient à un religieux.

18. — Les conseillers du roi, dont Cromwell était le principal, voyant que leur habileté, leur ruse, leur peine, n'aboutissaient à rien, prirent alors quatre des nôtres qui, pensaient-ils, nous guidaient de leurs conseils, les séparèrent et les envoyèrent dans deux maisons de notre ordre le 4 mai 1536, le jour anniversaire du martyre de notre Père Prieur John Houghton.

Dès que ces quatre frères furent partis, nos ennemis, comme si les autres étaient maintenant dénués de tout secours, revinrent à la charge et s'y prirent de toutes façons, dégoûts et caresses, pour nous corrompre et nous amener à leurs fins. Mais béni soit Dieu qui ne nous laissa pas duper par leurs artifices. Ils restèrent en effet fermement attachés à la pierre inébranlable. Cet échec leur fit penser qu'en fractionnant encore notre maison ils triompheraient de la constance des autres sur ce, ils prirent encore huit frères parmi nous qu'ils transplantèrent dans un autre couvent où se trouvaient des religieux de grand renom dont quelques-uns laissaient l'Arche sainte qu'ils portaient au fond du cœur chanceler et se perdre, non pas qu'ils eussent des doutes sur la vérité de la foi ; mais, par suite de vaines considérations, ils promettaient beaucoup et se relâchaient sur bien des points. Leur influence fut pernicieuse sur quelques-uns des nôtres qui se laissèrent amollir et détourner du droit chemin. Mais de retour au milieu des leurs, pressés, inquiétés par leur conscience, ils revinrent à résipiscence et redevinrent fermes comme auparavant.

19. — Cela suffit pour mettre en fureur les conseillers du roi, qui menacèrent de détruire le couvent s'ils ne consentaient pas à se soumettre. D'ailleurs, étant donnée cette constance unanime, ils hésitaient à mettre la main sur eux. Or cela nous avait été prédit par un de nos Pères, excellent religieux et mort en odeur de sainteté bien des années auparavant. Il avait parlé à nos frères des tribulations et des maux qui devaient leur arriver et ajoutant toutefois que tant qu'ils resteraient étroitement unis ils intimideraient leurs ennemis. Mais les épreuves de l'heure présente leur faisaient oublier cette prophétie. Car un certain nombre des nôtres, voyant la malice de nos ennemis s'accroître chaque jour davantage, et voulant éviter la destruction de la maison, constatant en outre que tous les autres religieux dans la plus grande partie du royaume se soumettaient aux envoyés royaux et aux lois, prirent la résolution de faire leur soumission. C'est en versant d'abondantes larmes qu'ils réclamaient la miséricorde divine en disant : « Seigneur, vous qui connaissez le fond de nos cœurs, vous savez combien inique, combien injuste est ce qu'on veut nous arracher. Vous voyez que nos résistances n'aboutissent à rien ; combien grands et multipliés sont les efforts que nous avons faits pour échapper à ces dangers. Nous supplions par conséquent votre clémence sans bornes de nous pardonner l'acte extérieur que nous allons accomplir, puisque nous subissons violence et que nous le repoussons de cœur et d'âme ». Et sur ce, quelques-uns des nôtres prêtèrent le serment demandé par le roi. Quant aux autres, ils préférèrent perdre pour la justice et la vérité leur vie et tous les biens de ce monde ; c'est pourquoi ils restèrent inébranlables et ne voulurent pas, pour conserver les biens de ce monde, pour garder une maison terrestre et avoir la joie de l'habiter, s'exposer à perdre la demeure du ciel et à endurer les supplices éternels ; aussi furent-ils enfermés dans une prison infecte nommée Newgate. Dix religieux furent donc arrêtés : trois prêtres, Richard Berer, Thomas Johnson et Thomas Grene ; un diacre, John Dawy ; et six convers, Guillaume Grenewod, Thomas Scryven, Robert Salter, Walter Peerson, Thomas Redingue, Guillaume Horne, tous profès de notre maison de Londres. Cela se passa en 1537, le 4 des calendes de juin. Tous en un rien de temps, sauf un convers, le fr. Guillaume Horne, ne tardèrent pas à passer à une vie meilleure, suffoqués par la puanteur de la prison. La nouvelle de cette mort contraria beaucoup Th. Cromwell, qui avait juré de leur faire endurer de plus affreux supplices.

20. — Pendant que ces événements avaient lieu chez nous, il y eut un mouvement populaire contre le roi. Quand cette effervescence fut calmée, un noble voisin de la Chartreuse de Hull alla trouver le vicaire du roi et lui dit que les deux des quatre frères de la Chartreuse de Londres dont nous avons parlé, qui y avaient été envoyés pour désobéissance, persévéraient dans leur obstination. A cette nouvelle, Cromwell lui donna le pouvoir de les traiter avec toute la rigueur de la loi. Heureux de cette autorisation, il les amena devant le duc de Norfolk, qui remplissait alors à York les fonctions de vice-roi dans cette ville, où leur fermeté les fit condamner à la potence. Ils furent exécutés. L'un s'appelait John Rochester, l'autre Jacques Walverke. Leur supplice eut lieu en dehors de la ville le 15 mai 1537 ; ils restèrent enchaînés au gibet jusqu'à la complète désagrégation de leurs os. Le 18e de cette sainte phalange, le 6e des frères convers qui n'était point mort comme les autres dans la prison, Guillaume Horne, ne perdit rien de sa constance et fut, par un ordre impie du roi, extrait de la geôle et subit le même supplice que le bienheureux Père Prieur et ses compagnons le 4 novembre 1540.

Les deux des quatre frères qui avaient été envoyés dans une autre partie du royaume revinrent à Londres après un an et demi d'exil. Ils avaient prêté le serment, pensant sauver par là le monastère. Cet espoir ne se réalisa pas.

Sans doute, on nous promettait la paix, la stabilité, l'intégrité de cette chère maison comme prix de notre serment ; mais nous fûmes dupes de l'iniquité. En effet, un an après notre soumission ils violèrent leur parole ; car ils nous chassèrent tous au nombre de 18, à savoir 12 prêtres et 6 convers, le 5 novembre 1538. Depuis lors, notre héritage et notre maison ont passé à des mains étrangères, celle-ci même est devenue une caverne de voleurs et un lieu de débauche. L'église servait à remiser les tentes royales.

Les autels servirent de tables de jeu ; l'église et nos cellules furent témoins d'inavouables turpitudes qu'il vaut mieux déplorer que raconter. En 1544 notre monastère fut donné en toute propriété à un soldat qui s'en fit un splendide palais, détruisant ici, construisant là et changeant la configuration des anciens bâtiments. Voilà dans quel état est aujourd'hui la Chartreuse de Londres.

21. — Et maintenant quelques mots seulement, dans le but de perpétuer le souvenir de l'affection de ceux grâce auxquels la restauration de notre Ordre avait commencé en Angleterre. Nous, chartreux, comme tous les autres religieux, du reste, chassés de nos demeures, nous avons vécu dans cet exil, dans cette captivité, dans cette désolation, impuissants que nous étions de quitter le royaume. Plusieurs fois, bon nombre des nôtres l'ont tenté, mais toujours sans succès, tant était sévère la surveillance des ports maritimes, et ces tentatives ou occasions de fuite étaient toujours un danger de mort. Malgré cela, quelques-uns s'y exposèrent plutôt que de continuer à vivre dans ce pays schismatique et loin de leur Ordre, et grâce à la protection divine, ils purent s'échapper et arriver jusqu'à la Chartreuse de Bruges, en Flandre, où ils furent accueillis à bras ouverts et y vécurent jusqu'à la première année du règne de la très sereine et très noble dame la reine Marie, en 1553, mariée au très puissant et catholique roi d'Espagne. A cette époque, apprenant les bienfaits dont Dieu avait comblé ce royaume par l'entremise de ces très nobles et très pieux princes, notre R. Père primat de l'Ordre, de qui dépendent et à qui obéissent toutes nos maisons, ordonna d'envoyer en Angleterre quelques moines anglais du monastère de Bruges afin de faire des démarches pour le rétablissement de notre Ordre dans ce pays. Un religieux, P. Jean Fox et moi, ainsi qu'un frère convers dévoué, Hugues Taylor, profès tous les trois de la maison de Londres, nous fûmes envoyés en Angleterre où nous arrivâmes le 29 juin, pendant les négociations du légat de Sa Sainteté le Pape Jules III, Réginad Pole, homme d'une naissance, d'une sainteté, d'une force d'âme et d'un savoir également remarquables. Il était fort dévoué à toutes les familles religieuses, mais plus particulièrement à la nôtre, parce que dans son enfance il avait été élevé et instruit dans une de nos maisons. Il nous reçut le  1er juillet, grâce à l'influence et à l'appui d'un homme illustre et distingué entre tous, D. Robert Rochester, chevalier, alors intendant de la Cour, majordome de la très noble reine Marie, en quelque sorte son principal conseiller, et son serviteur depuis de longues années. C'est pour lui que fut notre première visite, attirés que nous étions par la confiance que sa bonté nous avait inspirée et aussi parce que le vénérable Jean Rochester, profès de la Chartreuse de Londres, qui avait été martyrisé comme nous l'avons déjà rapporté, était son frère utérin. Du reste, nous lui étions bien connus, car il avait souvent fréquenté notre maison.

22. — A cause de cela, nous venions à lui tout d'abord afin de lui exposer le motif de notre arrivée. Il nous reçut avec beaucoup de bonté, nous donna l'hospitalité dans sa propre demeure et, sans tarder, il annonça notre arrivée à la reine et au cardinal à qui il nous présenta le jour même et qui nous reçut avec bienveillance, car il était lui aussi le plus doux et le plus humble des hommes. Le lendemain, lui-même, accompagné de Rob. Rochester et d'autres principaux conseillers de la cour, il nous présenta à la reine.

Elle se montra tout heureuse de notre arrivée et, quand elle en connut le motif, elle chargea le seigneur Robert de prendre soin de nous et nous promit de traiter notre affaire avec le cardinal. C'est ainsi que nous sommes restés les hôtes du seigneur Rochester qui se chargea de faire face à tous nos besoins, tandis que nous attendions pleins d'espoir l'arrivée de la bonne nouvelle que la reine nous enverrait. Sur ces entrefaites, le religieux P. Fox, mon compagnon de route, fut pris de la fièvre, s'alita et mourut le lendemain de la fête de saint Jacques. Notre hôte illustre le fit ensevelir dans l'église de l'hôpital de Savoie où nous étions logés avec lui. Cela remplit mon âme de deuil ; mais pourtant, afin de ne pas laisser ma mission inachevée, j'envoyai en Flandre au Prieur de Bruges, lui demandant de m'envoyer un autre Anglais, le P. Richard Crostes, qui avait été vicaire dans la Chartreuse de Hollande. Il vint, mais nous ne passâmes pas deux semaines ensemble, les misères qui lui étaient survenues pendant le voyage l'avaient conduit au tombeau et il fut lui aussi enterré dans la même église de Savoie. Ainsi privé de la présence de ceux qui étaient bien plus aptes que moi à mener nos affaires à bonne fin, n'ayant plus avec moi qu'un frère convers et pénétré du sentiment de mon insuffisance, je me mis à songer à mon retour en Flandre. Le cardinal et le très illustre intendant devinèrent mes projets et me dissuadèrent complètement de les mettre à exécution, en me promettant une grande consolation.

23. — Pendant ces négociations, ceux des frères de notre Ordre qui étaient restés en Angleterre apprenaient qu'un des leurs était venu cherchant les intérêts d'Israël, et ils accouraient auprès de moi. Consolé par leur présence, j'étais heureux de rester. Voici leurs noms : le vénérable P. Jean Michael, qui dans les beaux jours de l'Angleterre fut Prieur de la Chartreuse de Wittham et covisiteur de la Province ; le vénérable Jean Wilson, Prieur du couvent du Mont-de-Grâce, et les autres Pères Thomas Fletcher, Robert Maashall, Thurstan Hickemans, Robert Abell, Jean Clyte, Thomas Synderton, Nicolas Balande, Thomas Lee, Robert Thurlbye, Nicolas Dogmer et Bernard Hall. Tous ces moines étaient prêtres et profès de diverses maisons d'Angleterre ; il y avait aussi des frères convers pleins de dévouement, Robert Skypely et Jean Sawnderson. Ils jetèrent les premiers fondements de notre seconde érection, et chacun d'eux, selon ses moyens, se dépensa pour la réédification de notre maison. Fort de leurs conseils et du secours divin, je poursuivais avec ténacité de mes supplications auprès du cardinal, de l'intendant et d'autres seigneurs, dont je connaissais l'affection pour nous, afin d'arriver à mener notre affaire à bonne fin. La reine et eux étaient animés des meilleures intentions à notre endroit ; aussi nos instances n'étaient-elles pas nécessaires pour eux, nous les faisions seulement parce qu'il y avait de grandes difficultés pour tout accommoder sans troubler la paix, car toutes nos maisons avaient été détruites et rasées et que leurs biens avaient passé dans des mains étrangères. Une seule restait à la reine dont elle pût librement disposer. Malheureusement, avant notre arrivée en Angleterre, elle l'avait abandonnée à une dame pour s'y loger.

Cette maison était connue sous le nom de Jésus de Bethléem, près de Shene ; elle n'était pas ruinée complètement, mais bien démolie, et ne donnait guère l'impression d'une Chartreuse ni comme proportions ni comme aspect, car elle avait été transformée en palais. — Cette très dévouée reine nous l'aurait remise volontiers, mais la dame qui la détenait, et qui tout d'abord était venue l'habiter par simple permission de la reine, prétendait maintenant qu'elle avait un titre pour la garder, car le roi Henri l'avait donnée à son :mari qui pour infraction aux lois du royaume avait été décapité avant l'avènement de Marie au pouvoir ; d'où d'après le droit elle faisait retour au trône. Mais la reine Marie, au début de son règne, était pleine de miséricorde et d'indulgence, elle compatissait à la désolation et au veuvage de cette dame et par pure bonté lui permit d'habiter quelque temps la maison de Shene ; mais, une fois entrée, comme je l'ai déjà dit, elle ne voulut ni la quitter ni la rendre.

Alors la très sainte reine, voyant l'obstination singulière de cette femme, aima mieux user de clémence que de rigueur, et d'autre part, comme elle ne voulait pas renoncer à une entreprise si charitable à cause de la méchanceté de cette femme, elle lui assigna une autre résidence plus belle et plus agréable choisie parmi ses propres palais, et donna l'ordre de nous restituer notre maison de Shene, ce que firent le cardinal et le très illustre intendant du palais le jour de la fête de saint Hugues de Lincoln. Je commençai à l'habiter avec quelques frères, et je me mis à détruire , à démolir et à rebâtir afin de préparer la place pour les autres.

Bien que l'appropriation fût à peine convenable, je les appelai tous le 25 novembre suivant et, comme nous n'avions pas fait de provisions de bouche et que d'autre part nous n'avions aucun revenu, le très noble intendant du palais pourvut à notre entretien de ses propres deniers, il nous bâtit encore le chapitre, car le premier avait été rasé. Cet homme généreux, tout dévoué à notre Ordre, ajouta à toutes ses autres générosités celle de réparer pour nous la seconde partie de l'église dont il ne restait que les murs ; il voulut y être enseveli ; et, sur le point de mourir, il nous laissa par testament une rente annuelle de plus de 300 pièces d'or. Qu'il le récompense de si grands et si nombreux bienfaits celui pour l'amour duquel il les a accomplis, celui qui loua la pauvre veuve d'avoir donné deux petites pièces de monnaie, celui qui a promis le ciel comme prix d'un verre d'eau froide donné en son nom ; celui qui paie avec tant de générosité et de prodigalité toutes les bonnes œuvres, Jésus-Christ Notre-Seigneur.

24. — Bien d'autres aussi, la reine, le cardinal et d'autres seigneurs vinrent à notre aide, si bien que dès le premier jour de notre arrivée, rien ne nous manqua. Tant que vécurent la reine et le cardinal, nos constructions prospéraient, grandissaient jusqu'à arriver à leur complet achèvement ; bon nombre de cellules et le cloître étaient terminés.

Deux ans après, le jour de la fête de saint Hugues, anniversaire de celui où ils nous avaient rendu notre maison de Shene, la mort les frappa tous les deux, comme pour les récompenser de la bonne action qu'ils avaient accomplie ce jour-là, et l'année suivante, le même jour, mourut également l'illustre intendant de la cour dont la protection et les secours m'avaient permis de ramener ici nos frères et de chanter la louange divine. Dieu l'appela pour lui donner la récompense que méritait une œuvre si exceptionnelle et si pleine de piété.

Sous ce règne d'Elizabeth il y eut un renouveau de méchanceté et un affaiblissement de charité ; toutes les œuvres pieuses qui s'épanouissaient sous Marie commencèrent à périr; les hérésies pullulèrent, et les hérétiques, sortant de leur retraite, prirent de l'assurance. Elizabeth elle-même, immédiatement après son couronnement, convoqua le Parlement et publia un édit qui, rejetant l'usage de l'Eglise, obligeait à n'employer dorénavant que la langue ordinaire- pour le service divin, tant pour la messe que pour les heures ; ainsi elle ressemblerait davantage à son père, tous la reconnaîtraient pour chef de l'Eglise et rejetteraient l'autorité du Pape, sans quoi on serait puni d'emprisonnement, de la confiscation des biens. Les religieux que sa sœur avait fait rentrer devaient être chassés à nouveau et perdre leur avoir. Elle y ajouta d'autres décrets également pervers et diaboliques.

25. — Notre refus d'y souscrire fut suivi d'une troisième expulsion le 8 juillet 1559, la Ire année de son gouvernement.

Elle aurait pu nous traiter avec plus d'inhumanité, mais elle ne voulut pas appliquer selon toute sa rigueur l'injuste loi qu'elle avait portée. Nous en pouvons attribuer la cause au Sérénissime Seigneur Philippe, roi d'Espagne, et aux bons offices du très illustre comte de Feria, qui défendait alors en Angleterre les intérêts de son maître. Sur ses instances, elle nous accorda un sauf-conduit et nous permit de nous retirer sur le continent.

Grâce par conséquent à la protection divine et à la piété du roi catholique, du consentement de notre Révérend Père, et enfin sur la demande spontanée du Prieur et du couvent de Bruges, nous nous dirigeâmes de ce côté pour y fixer notre demeure. La charité et la clémence du roi pourvoit à notre subsistance. Tous les ans, pour que notre présence ne soit pas trop onéreuse à cette maison, il paie pour nous sur sa cassette la somme de 100 livres de Flandre.

Voilà pourquoi nous sommes ici depuis cinq ans, espérant toujours voir des temps meilleurs. Quand je reprenais le chemin de l'Angleterre pour y rétablir notre Ordre, quelques-uns de nos Pères me disaient que je faisais très bien, que c'était mon devoir de remettre en mémoire à l'Angleterre un Ordre dont elle avait en quelque sorte perdu le souvenir; mais ils ajoutaient que l'heure n'était point venue de s'y établir d'une façon définitive. Une autre expulsion est proche, disaient-ils, et l'événement a prouvé qu'ils ne se trompaient pas. Cependant, ajoutaient-ils, ne perdez pas courage, car encore un peu, et vous serez rappelés pour n'en être plus chassés et pour y rester toujours dans la joie du Seigneur.

Que le Très-Haut, le très miséricordieux Jésus-Christ Notre-Seigneur qui console les affligés nous accorde bientôt l'accomplissement de cette prophétie, lui qui est béni dans les siècles des siècles. Et il n'y a pas de quoi pour nos ennemis nous dire d'un ton de triomphe : « Toute plantation que le Père céleste n'a point faite sera déracinée » ; car Isaïe avait prédit que le roi des Perses, Cyrus, rétablirait, élèverait le temple du Seigneur à Jérusalem ; car de même que cette œuvre, grâce à la méchanceté des ennemis, avait été entravée dès le début, et qu'elle ne put être menée à bonne fin que la 2e année du règne de Darius, de même nous espérons obtenir une faveur pareille de la miséricorde divine, qui ne repousse pas pour toujours, qui même dans sa colère est toujours compatissante, car elle veut être reconnue juste dans ses paroles et sortir victorieuse dans les jugements qu'on fera d'elle.


[1] « D'après Dom Doreau, s'appuyant sur Chauncy, les BB. Middlemore, Exmew et Newdigate, debout et solidement rivés au mur du cachot, le cou garni d'un collier de fer, les bras chargés de chaînes et des entraves aux pieds, subirent l'horrible tourment de cette position verticale pendant quinze jours (p. 183). S'il faut croire un autre contemporain, W. Rastoll, auteur d'une Vie perdue de Thomas More, mais dont il nous reste trois extraits, ce supplice aurait duré dix-sept jours. Pour la date exacte du martyre du B. Guillaume Horn (4 août 1540), nous avons le précieux témoignage de l'ambassadeur français M. de Marillac, qui se trouvait alors à Londres. Il écrivait de là à son roi, le 6 août 1540, qu'on avait fait mourir mercredi dernier un chartreux. Or cette année-là le mercredi qui précède le 6 août était le 4. » Annal. bolland.,1892, t. XI, p. 201.

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