1. Le ciel jouit de la présence de
la Vierge féconde, la terre en vénère le souvenir, là-haut se trouvent tous les
biens, ici-bas n'en subsiste que le souvenir; au ciel la satiété, sur la terre à
peine un avant-goût des prémices; là-haut la chose, ici-bas le nom seulement. «
Seigneur, dit le Prophète, votre nom est éternel et la mémoire de votre nom
passe de race en race (Ps. CI, 13); » de race en race d'hommes sans doute, non
point d'anges. Voulez-vous vous convaincre que son nom et son souvenir seul est
en nous, et que sa présence est pour les cieux ? Le Sauveur vous dit : « Voici
comment vous prierez : Notre Père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit
sanctifié (Mt. VI, 9). » Voilà une prière digne d'un fidèle, son début nous
rappelle, en même temps, notre adoption de Dieu et notre pèlerinage sur la terre
; afin que nous sachions bien que, tant que nous ne sommes point au ciel, nous
sommes en exil loin de Dieu, et que nous gémissons au dedans de nous-mêmes, en
attendant l'effet de l'adoption des enfants, je veux dire le bonheur de jouir de
la présence de notre Père (Rm. VIII, 23). C'est donc particulièrement du Christ
que parle le Prophète quand il dit : « L'esprit, le Christ Notre-Seigneur est
devant notre face; c'est à son ombre que nous vivrons parmi les nations (Thren.
VI, 20); » car, au sein de la béatitude de cieux, ce n'est point à son ombre,
mais à sa splendeur que l'on vit, selon le mot de l'Apôtre : « C'est au milieu
de la splendeur des saints que je vous ai engendré aujourd'hui de mon propre
sein (Ps. CIX, 4). » Tel est le langage que tient son Père.
2. Mais sa mère ne l'a point
enfanté au sein de la splendeur, elle l'a enfanté à l'ombre, mais à l'ombre dont
la couvrit le Très-Haut. C'est donc avec raison que l'Église, non point l'Église
des saints qui est maintenant dans les cieux, et dans la splendeur, mais celle
qui se trouve actuellement en exil sur la terre, s'écrie « Je me suis assise à
l'ombre de celui qui était l'objet de tous mes désirs, et son fruit était doux à
mon palais (Ct. II, 3). » Elle s'était, en effet, avancée vers la lumière du
midi où l'Epoux fait paître son troupeau, mais elle s'est vue refoulée, et elle
n'a plus trouvé que l'ombre au lieu de la lumière, et un simple goût, à la place
de la satiété. Elle ne dit pas à l'ombre de celui qui était l'objet de tous nos
désirs, mais «Je me suis assise à l'ombre de celui qui faisait l'objet de tous
mes désirs. » Elle n'avait point recherché son ombre, mais l'éclat du midi, la
pleine lumière de la pleine lumière.
«Et son fruit, continue-t-elle,
était doux à mon palais. » Jusques à quand diffèrerez-vous de m'épargner, et de
me donner quelque relâche, afin que je puisse un peu respirer (Jb. VII, 19) ?
Jusques à quand sera-t-il dit, « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux (
Ps. XXXIII, 9)? » Oui il est doux au goût, et agréable au palais, et on comprend
après cela — que l'Épouse ait éclaté en paroles d'action de grâces et de
louange.
3. Mais quand sera-t-il dit :
«mangez, mes amis, buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés (Ct. V, 1) ? Que les
justes se réjouissent, » dit le prophète, « mais en la présence de Dieu (Ps.
LXVII, 3), » non point â Gon ombre. Ailleurs, le même prophète dit encore, en
parlant de lui «Je serai rassasié quand apparaîtra votre gloire (Ps. XVI, 15), »
et le Seigneur, en s'adressant à ses apôtres, dit également : « Pour vous qui
ôtes toujours demeurés fermes avec moi dans toutes mes épreuves, je vous prépare
le royaume céleste comme mon Père me l'a préparé, afin que vous mangiez et que
vous buviez à ma table. » Mais où cela ? « Dans mon royaume (Lc. XXII, 28 à 30),
» dit-il. Heureux certainement celui qui mangera son pain dans le royaume de
Dieu. Que votre nom soit donc sanctifié, Seigneur, votre nom, dis-je, qui fait
que vous êtes parai nous, Seigneur, que vous habitez en nous par la foi, car
votre nom a été invoqué sur nous. Que votre règne arrive. Oui, que ce qui est
parfait nous arrive, et que ce qui est imparfait soit aboli (1Co. XIII, 10).
L'Apôtre nous dit « le fruit que vous recueillez est pour la sanctification, et
la fin sera la vie éternelle (Rm. VI, 22). » La vie éternelle est une source
intarissable qui arrose, que dis-je qui arrose ? qui enivre le Paradis tout
entier. C'est la fontaine des jardins, et le puits des eaux vives qui coulent
avec impétuosité du Liban (Ct. IV, 15), c'est le fleuve qui réjouit la cité de
Dieu (Ps. XLV, 5). Mais qu'est-ce que cette fontaine de vie, si ce n'est le
Seigneur Jésus ? L'Apôtre nous dit, en effet : « Lorsque le Christ qui est votre
vie viendra à paraître, vous apparaîtrez aussi dans la gloire avec lui (Col.
III, 4). » Sans doute la plénitude s'est faite vide pour être notre justice,
notre sanctification, notre rémission; elle cessa de paraître une vie, une
gloire, une béatitude. Sa source s'est détournée vers nous, les eaux se sont
répandues sur les places publiques, bien que nul étranger ne puisse en boire (
Pr. V, 16). Ce filet d'eau du Ciel est descendu à nous par un aqueduc, il ne
prit point l'apparence d'une source abondante, mais, laissant tomber la grâce
goutte à goutte dans nos âmes arides, il a donné aux lins plus, aux autres
moins. L'aqueduc est rempli par ce filet, et on recevait de sa plénitude, mais
ou ne reçoit pas la plénitude elle-même.
4. Vous voyez déjà, si je ne me
trompe, de qui je veux parler par cet aqueduc : il a pris au cœur du Père, la
plénitude même de la source, et nous l'a donnée ensuite, sinon telle qu'il
l'avait reçue, du moins telle que nous pouvions la recevoir. Vous savez bien, en
effet, à qui s'adressaient ces paroles : « Je vous salue pleine de grâce. »
Faut-il nous étonner qu'on ait pu trouver comment faire un tel et si grand
aqueduc? car, à l'exemple de l'échelle que vit le patriarche Jacob (Gn. XXVIII,
12), par le haut il touche aux cieux, que dis-je, il perce les cieux mêmes, et
va prendre à sa source cette eau vive, qui se trouve au dessus des cieux.
Salomon, frappé d'étonnement, s'écriait avec une sorte de désespoir : « Qui
trouvera la femme forte (Pr. XXXI, 10)? » Sans doute, si le courant de la grâce
fut si longtemps desséché pour, le genre humain, c'est qu'il n'avait pas encore
cet, aqueduc si désirable, dont je vous parle. Et vous, rues frères, vous ne,
serez point surpris qu'on l'ait attendu longtemps, si vous vous rappelez combien
d'années le saint homme Noé a travaillé à la construction d'une arche où si peu
d'âmes, huit seulement, se sauvèrent et encore pour bien peu de temps.
5. Mais comment notre aqueduc
a-t-il pu aller prendre une source si élevée? Comment ? par la violence du
désir, par la ferveur de la dévotion, par la pureté de la prières, selon ce mot
: « La prière du juste pénètre les cieux. » Or qui est ce juste ? si ce n'est
Marie, la juste, dont nous est né le Soleil même de justice? Et comment
aurait-elle pu atteindre à cette inaccessible majesté, si; ce n'est eu frappant,
en demandant et en cherchant ? En effet, n'avait-elle point, trouvé ce qu'elle
cherchait quand il lui a été dit : « Vous avez trouvé grâce devant Dieu. » Mais
quoi, elle est pleine de grâce et elle trouve encore la grâce ? Elle. était bien
digne de trouver ce qu'elle cherchait, puisqu'elle n'était pas satisfaite encore
de. la plénitude, et ne pouvait se contenter du bien qu'elle avait, et qui,
selon ce mot de l’Écriture : « Celui qui me boit, aura soif encore (Ec. XXIV,
29), » demande d'être inondée pour contribuer au salut de l'univers. »
L'Esprit-Saint, dit l'ange, surviendra en vous,» et ce précieux baume coulera en
vous avec une telle abondance, et une telle plénitude, qu'il s'épanchera de tous
les côtés. C'est, en effet, ce qui est arrivé, ainsi que nous le sentons par
nous-mêmes, car notre face est inondée des parfums de la joie, et nous nous
écrions maintenant : « Votre nom est une huile parfumée qui se répand (Ct. I,
2), » et votre souvenir passe de génération en génération. Et ce n'est point, en
pure perte qu'il en est ainsi, car si cette huile se répand, elle n'est point
perdue pour cela; car elle est la cause pour laquelle les jeunes filles, je veux
dire nos pauvres petites âmes, aiment l'Époux et l'aiment beaucoup; ses parfums,
en descendant de sa tête n'embaument pas sa barbe seulement, mais embaument
jusqu'aux franges de ses vêtements.
6. O homme, considère le dessein de
Dieu , reconnais le dessein de sa sagesse, le dessein de sa bonté. Avant de
répandre la rosée du ciel sur la terre, il la fait tomber tout entière sur la
toiture ; avant de racheter le genre humain, il en dépose tout le prix en Marie.
Pourquoi agit-il ainsi? Peut-être n'est-ce que pour excuser Ève par sa fille, et
pour ne plus laisser à (homme un prétexte de, se plaindre désormais de la femme.
Ne dis plus maintenant ô Adam : « La femme que vous m'avez donnée m'a présenté
du fruit défendu (Gn. III, 12) : » dis plutôt, la femme que vous m'avez donnée
m'a nourri d'un fruit béni. C'est là déjà un très-pieux mystère ; mais peut-être
n'est-ce point tout, peut-être en est-il un autre caché dessous. Celui-là est
fondé, mais, si je ne me trompe, il ne suffit pas à vos désirs. Vous y trouverez
la douceur du lait, peut-être, en le pressant d'avantage, pourrons-nous en
exprimer le beurre. Reprenons donc les choses de plus haut, et voyons avec quels
sentiments dé piété et de dévotion celui qui a déposé la plénitude du bien en
Marie, veut que nous l'honorions, comme il veut que nous sachions bien que tout,
espérance, grâce, salut, tout, dis-je, déborde sur nous de celle qui monte à nos
yeux comblée de délices. Elle est un jardin de délices; que le divin Auster,
non-seulement a caressé de son souffle, en passant, mais qu'il a tout agité, en
fondant sur lui d'en haut, afin que ses odeurs parfumées, je veux dire l'onction
de ses grâces, s'écoulent et soient emportées au loin. Otez ce soleil qui
éclaire le monde, c'en est fait du jour. Enlevez Marie, cette étoile de la mer,
mais de notre grande et vaste mer à nous, que reste-t-il, sinon un voile de
ténèbres, une ombre de mort, une extrême obscurité.
7. C'est donc du plus intime de nos
cœurs, du fond même de nos entrailles et de tous nos vœux que nous devons
honorer la vierge Marie, c'est la volonté de celui qui a voulu que tout nous
vint par Marie. Oui, c'est ce qu'il a voulu, mais il ne l'a voulu que pour nous,
car en toutes choses et de mille manières, elle pourvoit à nos misères, elle
nous console dans nos appréhensions, elle excite notre foi, fortifie notre
espérance, chasse le désespoir, et relève notre courage. Vous craigniez de vous
approcher du père ; effrayé au seul son de sa voix, vous alliez vous cacher sous
les feuilles, il vous a donné Jésus pour médiateur. Qu'est-ce qu'un tel fils
n'obtiendra point d'un tel père? Il sera donc exaucé, ou égard à la déférence
dont il est digne, car le Père aime son Fils. Est-ce que vous craindriez aussi
de vous présenter devant le Fils ? Il est votre frère, il est de votre sang, il
a passé par toutes vos épreuves, sauf celle du péché, pour apprendre à devenir
miséricordieux. C'est Marie qui vous l'a donné pour frère. Mais peut-être est-ce
sa majesté divine que vous redoutez en lui, attendu que pour s'être fait homme,
il n'en est pas moins demeuré Dieu. Vous voulez avoir un avocat auprès de lui,
allez à Marie ; en elle, il n'y a rien que l'humanité toute pure ,
non.-seulement toute pure de toute souillure, mais toute pure de tout mélange
d'une autre nature. Or, je n'hésite point à le dire, elle aussi sera exaucée à
cause de la considération dont elle est digne. Oui, le fils exaucera sa mère, et
le Père exaucera son Fils. Mes petits enfants, voilà l'échelle des pécheurs, là
est ma plus grande confiance, là se trouvé toute la raison de nos espérances. Et
quoi, en effet, ce Fils peut-il faire entendre ou essuyer lui-même un refus?
Peut-il se montrer sourd ou ne se point faire écouter. Non, non mille fois. «
Vous avez trouvé grâce devant Dieu (Lc. 1, 30), » dit l'ange ; et c'est un
bonheur. Toujours elle trouvera grâce, et nous n'avons besoin que de la grâce.
Notre Vierge prudente ne demandait point la sagesse comme Salomon, elle ne
cherchait ni les richesses ni les honneurs, ni la puissance, elle ne cherchait
que la grâce, car il n'y a que la grâce qui nous sauve.
8. Pourquoi désirons-nous autre
chose, mes frères? Cherchons la grâce, mais cherchons-la par Marie, attendu
qu'elle trouve ce qu'elle cherche, et qu'elle ne peut être frustrée dans ses
désirs. Oui, cherchons la grâce, mais la grâce auprès de Dieu, car la grâce qui
n'existe qu'aux yeux des hommes est trompeuse. Que d'autres recherchent le
mérite, pour nous, mettons tous nos soins à trouver la grâce. Eh quoi, en effet,
n'est-ce pas à la grâce que nous devons d'être ici? On ne saurait douter que
c'est un effet de la miséricorde de Dieu que nous n'ayons point été consumés.
Mais de qui parlé-je ainsi? De nous qui sommes parjures, adultères, homicides et
ravisseurs; de nous, enfin, vrais rebuts du monde. Rentrez dans vos consciences,
mes frères, et reconnaissez que la grâce a surabondé là où l'iniquité a été
abondante. Marie n'a point mis en avant son mérite, mais elle a cherché la
grâce. En un mot, elle mit tellement sa confiance dans la grâce, elle eut si peu
une haute estime d'elle-même, qu'elle se montra effrayée du salut qu'un ange lui
adressa. En effet, l'Évangéliste nous dit : « Marie songeait quelle pouvait être
cette salutation. » Elle se regardait comme indigne d'être saluée par un ange,
et peut-être se disait-elle en elle-même. D'où me vient cet honneur, qu'un ange
du Seigneur vienne à moi ? O Marie, ne craignez rien, ne soyez point étonnée de
la visite de cet ange, car il en est un plus grand que lui qui vient aussi à
vous. Après tout, pourquoi ne recevriez-vous point la visite d'un ange, puisque
vous menez la vie des anges; pourquoi un des anges ne rendrait-il point visite à
celle qui partage leur genre de vie? Pourquoi ne saluerait-il point une
concitoyenne des saints, une domestique de Dieu? La virginité n'est point autre
chose que la vie des anges, car ceux qui n'ont ni femmes, ni maris, seront comme
les anges de Dieu.
9. Voyez-vous que c'est ainsi que
notre aqueduc monte jusqu'à la source, mais il ne pénètre pas les cieux
seulement par la prière, il y entre aussi par l'absence de toute corruption : or
la parfaite pureté approche l'homme de Dieu (Sg. VI, 20). » Oui, elle était
sainte de corps et d'esprit, ne doutez point qu'en cela il ait rien manqué à cet
aqueduc. Il était fort élevé, j'en conviens, mais il n'en était pas moins
parfaitement entier. Elle est donc, en même temps, un jardin fermé, une source
scellée, le temple du Seigneur, le sanctuaire même du Saint-Esprit, car on ne
saurait la prendre pour une vierge folle, puisqu'elle avait non-seulement de
l'huile, mais toute l'huile renfermée dans sa lampe. Elle a disposé des degrés
dans son cœur, où elle s'élève en même temps, comme je l'ai déjà dit, par son
genre de vie, et par la prière. Enfin elle s'en va par les montagnes en toute
hâte, salue Élisabeth, à qui elle prodigue ses services pendant trois mois
environ, de manière à pouvoir, elle la mère de Dieu, emprunter, en parlant à
cette autre mère, le langage que son fils doit, un jour, faire entendre au fils
d'Elisabeth, quand il lui dira : « Laissez-moi faire pour cette heure; car c'est
ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute justice (Matt. III, 15). » On
peut bien dire qu'elle s'est, en effet, élevée sur la montagne, cette vierge
dont la justice est élevée au dessus des montagnes mêmes de Dieu. La vierge
s'élèvera par un troisième degré, c'est comme le triple lien qui se rompt
difficilement (Ec. IV, 12). Si les ardeurs de la charité se faisaient sentir
dans sa recherche de la grâce, sa virginité éclatait dans son corps, et son
humilité s'élevait dans ses services à Élisabeth, car s'il est vrai que
quiconque s'abaisse doit être élevé, que peut-on voir de plus élevé que cette
humilité? Élisabeth s'étonnait de voir que Marie vint à elle, et s'écriait : «
D'où me vient cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne à moi (Lc. I, 43) ?
» Mais ce qui doit l'étonner bien davantage, c'est que Marie, ainsi que son fils
le fera un jour, soit venue pour servir, non pour être servie. Aussi, est-ce
avec raison qu'un chantre divin disait à son sujet, dans son admiration
prophétique : « Quelle est cette femme qui monte comme l'aurore à son lever;
belle comme la lune, éclatante comme le soleil, et terrible comme une armée
rangée en bataille (Ct. VI, 8)? » Elle s'élève, en effet, bien au dessus du
genre humain, elle monte jusques aux anges, elle les dépasse même et s'avance
plus haut que toute créature. Il faut d'ailleurs qu'elle aille puiser au dessus
des anges cette eau vive qu'elle doit répandre sur les hommes.
10. « Comment cela se fera-t-il,
dit-elle, car je ne connais point d'homme? » Non-seulement cette femme, sainte
de corps et d'esprit, avait conservé sa chair vierge, mais elle avait formé le
dessein de la conserver toujours ainsi. L'ange, en lui répondant : « Le
Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son
ombre, » semble dire, ne m'interrogez point sur ce sujet, il est trop au dessus
de moi, et je ne saurais vous répondre. L'Esprit-Saint, non point un esprit
angélique, surviendra cri vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son
ombre, ce n'est pas moi qui ferai cela. Ne vous arrêtez point parmi les anges.
vierge sainte, la terre altérée de soif attend de vous, pour se désaltérer, une
eau qui vienne de plus haut; à peine les aurez-vous dépassés que votre âme
trouvera son bien aimé ; si je dis : vous les aurez à peine dépassés, que vous
le trouverez, ce n'est pas que votre Bien-aimé ne soit à une hauteur infinie au
dessus d'eux, mais c'est parce que vous ne trouverez plus aucun être entre eux
et lui. Passez donc les vertus, les dominations, les chérubins même et les
séraphins, et vous arriverez ensuite à Celui dont ils parlent quand ils se
disent les uns aux autres : « Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu de
Sabaoth (Is. VI, 3). Le fruit saint qui doit naître de vous sera appelé le Fils
de Dieu (Luc. I, 35). » C'est la fontaine de sagesse, le verbe du Père, au plus
haut des cieux.. Par votre moyen, ce Verbe se fera chair, et Celui qui dit : «
Je suis en mon Père, et mon Père est en moi (Jn. XIV, 10), » dira aussi : « Je
suis sorti de Dieu, et je viens de lui. Dans le principe, est-il dit, le Verbe
était (Jn. I, 1. » Dès lors, la source avait jailli, mais, jusqu'à présent, elle
n'a jailli qu'en elle-même. Enfin « le Verbe était eu Dieu, » où il habitait une
lumière inaccessible, et le Seigneur disait depuis le commencement : « Les
pensées que j'ai sont des pensées de paix, non point des pensées d'affliction
(Jr. XIX, 11). » Mais votre pensée est en vous, et nous ne la connaissons point.
Qui connaissait, en effet, la pensée de Dieu, et qui était son conseiller? La
pensée de paix est donc descendue dans une œuvre de paix; le Verbe s'est fait
chair, et il habite parmi nous. Oui, il habite, en effet, par la foi, dans nos
cœurs, il habite dans notre mémoire, il habite dans notre pensée, il est même
descendu jusque dans notre imagination. En effet, quelle idée l'homme se
faisait-il de Dieu auparavant? Ne se le représentait-il point dans son cœur sous
la forme d'une idole? Il. Il était incompréhensible et inaccessible, invisible
et tout à fait insaisissable à la pensée; mais maintenant il a voulu être saisi,
vu et pensé. Comment cela, me direz-vous? On le verra placé dans une crèche,
couché sur le sein d'une vierge, prêchant sur une montagne, passant des nuits en
prière, attaché à la croix, dans les pâleurs de la mort, entre les morts, et
commandant aux enfers, puis ressuscitant le troisième jour, montrant à ses
apôtres les marques de ses clous, en signe de sa. victoire, et enfin s'élevant,
devant eux, au plus haut des cieux. Auquel de ces faits ne peut-on penser avec
vérité, avec piété, avec sainteté même? Toutes les fois que je songé à l'un
d'eux, c'est à Dieu que je songe, et, dans tous ces faits, il est toujours mon
Dieu. Méditer sur ces choses, c'est pour moi la sagesse, en annoncer le
souvenir, dont la douceur est comme l'amande du fruit abondant produit par la
verge sacerdotale que Marie est allée cueillir dans les hauteurs des cieux, pour
le répandre à profusion sur nous, c'est, à nos yeux, de la prudence. Oui, c'est
bien au plus haut des cieux qu'elle est allée le prendre, et par delà les anges,
quand elle a reçu le Verbe du sein de Dieu même, selon ce qui est écrit : « Le
jour l'annonce au jour (Ps. XVIII, 2). » Or, par ce mot le jour, il faut
entendre le Père, puisque le jour du jour signifie le salut de Dieu. Mais ne
peut-on entendre aussi la Vierge, par le même mot ? Oui certes, et elle est même
un bien beau jour. Oui, elle est un jour plein de vives clartés; elle s'avance
comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, élevée comme le soleil.
12. Considérez donc comment elle
s'est élevée jusques aux anges par la plénitude de la grâce, et par delà les
anges, par la plénitude du Saint-Esprit qui est survenu en elle. On trouve dans
les anges charité, pureté, humilité. Laquelle de ces vertus a fait défaut en
Marie? D'ailleurs, je vous en ai parlé tout à l'heure du mieux que j'ai pu;
élevons-nous maintenant jusqu'à sa suréminente. Or, à qui, parmi les anges,
a-t-il jamais été dit : « L'Esprit-Saint surviendra cri vous, et la vertu du
Très-Haut vous couvrira. Voilà pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous, sera
appelé le Fils de Dieu? » Après tout, c'est de la terre, non des anges que la
vérité est née; elle n'a pas fait choix des anges, mais de la race d'Abraham. La
grandeur de l'ange, c'est d'être le serviteur du Seigneur; Marie a obtenu
quelque chose de bien plus élevé, elle a mérité d'être sa mère. La fécondité de
la Vierge fait, donc toute, la suréminence de sa gloire, et, par ce privilège
unique, elle s'est trouvée placée bien plus haut que les anges, d'autant plus
haut qu'elle a reçu un nom bien préférable à celui de simples ministres, dans le
nom de mère. Voilà la grâce qu'a trouvée celle qui est déjà pleine de grâce,
elle a eu le bonheur dans sa fervente charité, dans sa virginité, et dans sa
pieuse humilité, de devenir grosse sans connaître l'homme, et mère sans
connaître les douleurs de l'enfantement, C'est peu encore, le fruit qui est né
d'elle est appelé saint, et est le Fils de Dieu (Lc. I, 35).
13. Après cela, mes frères, nous
devons particulièrement veiller à ce que le Verbe de Dieu, qui est sorti de la
bouche de son père pour venir à nous, par le moyen de la Vierge, ne s'en
retourne point vide, et que, par l'intercession de la même Vierge, nous rendions
grâce pour grâce. Célébrons son souvenir tant que nous soupirons après sa
présence. Faisons ainsi remonter à leur source les courants de la grâce, afin
qu'ils nous reviennent encore plus abondants. Autrement s'ils ne retournent vers
leur source, ils se dessécheront, et trouvés infidèles en de moindres grâces,
nous ne mériterons point d'en recevoir de plus grandes. Or, c'est bien peu que
le simple souvenir dans le présent, c'est peu en comparaison de ce que nous
espérons, mais c'est beaucoup par rapport à ce que nous méritons. Oui, le
souvenir est bien au dessous du désir, niais il faut avouer qu'il est bien au
dessus du mérite. Aussi, est-ce avec sagesse que l'Épouse se félicite beaucoup
d'avoir obtenu ce peu. En effet, après avoir dit : « Dites-moi où vous faites
paître vos troupeaux, où vous vous reposez durant le midi (Ct. I, 6), » ne
recevant que bien peu, en comparaison de ce qu'elle avait demandé, car au lieu
du pâturage de midi, elle ne goûte qu'au sacrifice du soir, au lieu d'éclater en
murmures ou de se laisser aller à la tristesse, comme cela ne se voit que trop
souvent, elle rend grâces à son bien-aimé, et se montre en tout plus dévouée
encore qu'auparavant. Elle savait bien que si elle se montrait reconnaissante à
l'ombre du simple souvenir, elle obtiendrait certainement la lumière de sa
présence. Ne demeurez donc point en silence, ô vous qui vous souvenez du
Seigneur, ne restez point muets. Il est certain que ceux qui jouissent de la
présence de Dieu n'ont pas besoin d'exhortation, et ces paroles du Prophète, «
Jérusalem loue le Seigneur, Sion célèbre les louanges de ton Dieu (Ps. CXLVII,
1), » sont des paroles de félicitation, plutôt que des mots d'exhortation; mais
ceux qui vivent encore dans la foi ont besoin qu'on les engage à ne point
demeurer muets et à ne pas répondre à Dieu par le silence. Car pour lui, il fait
entendre sa voix, il a des paroles de paix sur son peuple, sur ses saints, sur
tous ceux qui se convertissent du fond du cœur. Après tout, il est dit : « Vous
serez saint, Seigneur, avec les saints, et innocent avec l'innocent (Ps. XVII,
26). » Dieu écoutera donc ceux qui l'écoutent et adressera fa parole à ceux qui
lui parlent. Si vous gardez le silence, vous le forcez donc à le garder aussi
lui-même. Mais de. quel silence parlé-je? Du silence que gardent ceux qui ne
parlent point de sa gloire. Il est dit, en effet. « Ne vous taisez point, et ne
demeurez point en silence devant lui, jusqu'à ce qu'il ait affermi Jérusalem et
qu'il l'ait rendue un objet de louanges sur la terre (Is. LXII, 7). » Les
louanges de Jérusalem sont des louanges aussi douces que belles (Ps. CXLVI, 1).
A moins peut-être que nous ne pensions que les anges, qui sont les citoyens de
la Jérusalem céleste, s'enivrent les uns les autres de leurs louanges, et se
trompent mutuellement dans leurs vains compliments (Ps. LXII, 10).
14. Que votre volonté, ô notre
Père, se fasse donc sur la terre comme dans les cieux, pour que Jérusalem soit
affermie sur la terre. Mais quoi, l'ange ne désire-t-il point recueillir de la
gloire de la bouche de l'ange dans la Jérusalem céleste, et sur la terre l'homme
ne brûle-t-il point du désir d'être loué par l'homme? O perversité exécrable !
Que ce soit le partage de ceux qui ne connaissent point Dieu et qui ont oublié
le Seigneur, mais pour vous, qui vous souvenez du Seigneur, ne vous taisez point
et ne demeurez point en silence devant lui (Is. LXII, 6), jusqu'à ce qu'il ait
affermi Jérusalem, et qu'il l'ait rendue parfaite sur la terre. Il y a un
silence irrépréhensible, il y en a même un qui est louable, de même qu'il y a
des paroles qui sont bonnes. Autrement le Prophète ne dirait pas : « Il est bon
d'entendre en silence le salut de Dieu (Thren. III, 27). » Il est bon que la
jactance fasse silence, que le blasphème se taise, que le murmure et la
détraction demeurent silencieux. Celui-ci, sous la grandeur de sa tâche et sous
le poids du jour, murmure dans son âme, et juge ceux qui sont établis pour
veiller à son salut, et qui rendront, compte de son âme. Ce murmure est un cri,
et ce cri d'un cœur endurci fait taire. plus que tous les silences possibles, la
voix de Dieu qu'elle ne permet plus d'entendre. Celui-là, dans la pusillanimité
de son âme, se fatigue d'attendre, sa défaillance est un affreux blasphème, qui
ne sera remis ni en cette vie ni en l'autre. Un troisième s'élève dans ses
pensées orgueilleuses au dessus de lui (Ps. CXXX, 1), en disant : ma main est
puissante (Dt. XXXII, 27), il se croit quelque chose, et n'est rien. Que
pourrait lui dire celui qui ne parle que de paix? En effet, il dit, je suis
riche, je n'ai besoin de rien; or la vérité a dit : « malheur à vous qui êtes
riches, parce que vous avez reçu votre consolation ici bas (Lc. VI, 24), » et
encore : » Heureux au contraire ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés
(Mt. V, 5). » Que la voix de la médisance, que celle du blasphème et celle de
l'orgueil fassent donc silence en nous, car il est bon d'entendre dans ce triple
silence les paroles de salut du Seigneur, et de pouvoir lui dire: « Parlez, mou
Dieu, votre serviteur écoute (1R. III, 10). » Ces trois voix, en effet, ne
s'élèvent point vers Dieu, mais contre Dieu, selon ce que le législateur disait
aux murmurateurs : « Ce n'est pas nous, que vos murmures attaquent, c'est le
Seigneur (Ex. XVI, 8). »
15. Si vous devez imposer silence à
ces trois voix, vous ne devez pourtant point demeurer muets vous-mêmes, et ne
parler à Dieu que par le silence. Parlez-lui contre la jactance dans la
confession, afin d'obtenir ainsi le pardon du passé. Parlez-lui dans l'action de
grâces contre le murmure, afin d'obtenir des grâces plus abondantes en cette
vie, Parlez lui, enfin, dans l'oraison contre le découragement, si vous voulez
obtenir la gloire dans l'autre monde. Oui, confessez-vous, dis-je, pour le
passé, rendez grâces, pour le présent, et priez avec plus de ferveur pour
l'avenir, si vous voulez qu'il ne garde point le silence lui-même sur la
rémission, sur le pardon et sur la promesse. Non, non, ne demeurez pas muets,
vous dis-je, et ne restez point en silence devant lui; parlez-lui, et il vous
parlera, et il vous dira : « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui (Ct.
II, 16). » C'est là un mot bien agréable, une parole bien douce; on ne peut pas
dire que c'est un murmure, à moins que ce ne soit le murmure même de la
tourterelle. Ne me dites pas : «Comment pourrions-nous chanter un cantique sur
la terre étrangère (Ps. CXXXVI, 5)? » Car on ne saurait appeler ainsi la terre
dont l'Époux a dit : « La voix de la tourterelle s'est fait entendre dans notre
terre (Ct. II, 12). » Elle l'avait entendu dire « prenez-nous ces petits renards
(Ibidem, 15), » et peut-être, est-ce là ce qui la fit éclater en paroles
d'allégresse et s'écrier : « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis tout à lui.
» Assurément, c'est bien la voix de la tourterelle que celle qui continue à se
faire entendre avec une admirable pureté, auprès de son compagnon, soit vivant,
soit mort; et c'est bien la tourterelle qui ne peut se séparer de la charité de
Jésus-Christ, ni par la vie ni par la mort. Regardez, en effet, s'il est quelque
chose qui puisse éloigner ce bien-aimé de celle qu'il aime, quand on voit qu'il
lui demeure encore attaché, même quand elle l'offense et l'abandonne. Des nuages
amoncelés allaient offusquer ses rayons, et nos iniquités creusaient un abîme
entre Dieu et nous; mais le soleil a pris de la chaleur, et il a fondu toutes
nos glaces. Autrement, quand seriez-vous revenu à lui, mon frère, s'il n'était
demeuré constamment auprès de vous, et s'il n'avait continué à vous dire : «
Revenez, revenez, Sunamite, revenez, revenez, que je vous revoie (Ct. VI, 12)? »
Demeurez lui donc, vous aussi, constamment attaché, et que ni les fatigues, ni
le fouet même ne vous éloignent de lui.
16. Luttez contre l'ange, et ne
faiblissez point; car le royaume des cieux souffre violence, et il n'y a que les
violents qui s'en rendent maîtres. N'est-ce point une lutte, « mon bien-aimé est
à moi et moi je suis à lui? » Il vous a fait connaître son amour (Mt. XI, 12),
il lui reste à recevoir des preuves du vôtre. Le Seigneur votre Dieu, vous
soumet à bien des épreuves; souvent il s'éloigne un peu, il détourne son visage,
mais ce n'est point dans un mouvement de colère. C'est pour vous éprouver, non
pour vous réprouver. Votre bien-aimé vous a attendu avec patience, attendez-le à
votre tour, attendez le Seigneur, agissez en homme. Vos péchés ne l'ont point
vaincu, que le fouet dont il s'arme, ne vous éloigne pas non plus, et vous
finirez par être béni. Mais quand sera-ce ? Au lever de l'aurore, quand le jour
commencera à poindre, quand il aura établi fermement Jérusalem dans la gloire
sur la terre. « Et un homme, dit l'historien sacré, lutta contre lui jusqu'au
matin (Gn. XXXII, 25). » Mais au matin, Seigneur, faites moi entendre un mot de
miséricorde, parce que j'ai mis en vous mon espérance. Je ne garderai point le
silence, je ne demeurerai pas muet devant vous jusqu'au matin. Fasse le ciel que
je ne demeure pas non plus à jeun. Vous daignez me faire paître, et même au
milieu des lis. « Mon bien-aimé est à moi, et moi je suis à lui, parce qu'il se
nourrit parmi les lis (Ct. II, 16). » Vous vous rappelez, je pense, que dans le
même cantique il est marqué d'une tisanière expresse, que l'apparition des
fleurs accompagne le chant des tourterelles {Carat. II, 11). Mais remarquez bien
qu'il ne parle que de l'endroit où il est, non de la nourriture qu'il y trouve,
car il ne dit point ce qu'il mange, il dit seulement au milieu de quelles fleurs
il se nourrit. Peut-être ne se nourrit-il point des lis en les mangeant, mais
seulement en jouissant de leur entourage car il n'est pas dit qu'il s'en
nourrit, mais seulement qu'il se trouve au milieu d'eux. d'est donc le parfum
plutôt que le goût des lis qui lui plaît, et s'il s'en nourrit c'est plutôt par
la vue que par le goût.
17. Aussi il paît au milieu des
lis; jusqu'à ce que le jour commence à poindre, et que la richesse des fruits
succède à là beauté des fleurs. Mais, en attendant, comme c'est le temps des
fleurs, non celui des fruits, puisque nous ne sommes encore que dans l'attente,
non dans la réalité, que nous ne marchons que par la foi, non point encore par
une claire vue (1Co. V, 7), et que nous nous félicitons plutôt de l'espérance,
que de la possession; considérez combien ces fleurs sont tendres encore, et
rappelez-vous l'observation de l'Apôtre : « C'est dans des vases bien fragiles
que nous portons notre trésor (2Co. IV, 7). » A combien de périls, en effet, ne
sont point exposées des fleurs ? Avec quelle facilité les épines déchirent la
tige des lis ! combien le bien-aimé a-t-il raison de dire : « Mon amie est comme
les lis au milieu des épines (Ct. II, 2) ? » N'était-ce pas aussi un lis au
milieu des épines celui qui disait « Pour moi je gardais un esprit de paix avec
ceux qui haïssaient la paix (Ps. CXIX, 6) ? » D'ailleurs, si le juste germe
comme un lis, ce n'est pourtant point de lis que se nourrit l'Époux, et de plus
il n'aime point la singularité. Entendez-le parler celui qui demeure au milieu
des lis : « En quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées
en mon nom, je m'y trouve au milieu d'elles (Mt. XVIII, 20). » Toujours Jésus a
aimé le milieu, toujours le Fils de l'homme, le médiateur entre Dieu et lés
hommes, a réprouvé les lieux écartés, les endroits solitaires. « Mon bien-aimé
est à moi, et moi je suis à lui, qui paît entre les lis. » Ayons soin de
cultiver des lis; mes frères, arrachons les ronces et les épines, et plantons
des lis à la place. Peut-être un jour le bien-aimé daignera-t-il descendre chez
nous, pour y prendre sa nourriture.
18. Il la trouvait chez Marie, il
la trouvait même là en une abondance extraordinaire, eu égard au nombre des lis.
Ne sont-ce point des lis, que la gloire de la virginité, que les insignes de
l'humilité; que la suréminence de la charité ? Nous pouvons aussi avoir nos lis
quoique beaucoup moins beaux, mais quels qu'ils soient, l'Époux ne dédaignera
certainement pas de venir se nourrir au milieu d'eux, si la gaieté de dévotion
fait fleurir les actions de grâce, ont je vous ai parlé, si le pureté
d'intention blanchit notre prière, et l’indulgence de notre confession, selon ce
qui est écrit : « Quand même vos péchés seraient comme l'écarlate, ils
deviendraient blancs comme de la neige, et quand ils seraient rouges comme du
vermillon, ils seront blancs comme la laine la plus blanche (Is. I, 18). »
D'ailleurs, recommandez à Marie tout ce que vous offrez à Dieu, afin que la
grâce retourne à celui qui nous l'a donnée, par le même lit qu'elle a coulé vers
nous. Dieu n'était pas hors d'état de nous verser la grâce; sans faire passer
par ce conduit, s'il l'avait voulu, mais il a voulu nous donner un moyen de la
faire descendre jusqu'à nous. Peut-être vos mains sont-elles pleines de sang,
eau gâtées par des présents, parce que vous ne les en avez pas encore
complètement débarrassées ; ayez donc soin de lui présenter le peu que vous avez
à lui offrir par les mains parfaitement pures, et dignes de Marie, si vous
voulez ne point essuyer un refus. Les mains de Marie sont des lis d'une
éclatante blancheur, et le Dieu qui aime les lis, ne se plaindra pas que ce que
vous aurez placé entre les mains de Marie; ne se trouve point au milieu des lis.
Ainsi soit-il.
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