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Que la Paix du Seigneur soit
toujours avec vous!
Il est très
difficile de suivre Jésus Ressuscité dans tous les récits
des apparitions de ce premier jour de la semaine, tant les
événements se suivent à cadence soutenue, et tant les
détails précis compliquent la tâche d’un historien soucieux
de chronologie précise. A Jérusalem ? En Galilée ? Les Onze
? Les disciples ? Les Apôtres ? Les Sainte femmes ?
La réponse la
plus simple à donner n’est pas une sorte d’échappatoire pour
renoncer à la difficulté, mais c’est la vérité : ressuscité,
avec Son corps glorieux, Jésus-Christ échappe à la loi
humaine. D'un côté, Il apparaît avec les traits d’un homme,
il se fait toucher, il mange, pour bien faire comprendre à
Ses témoins qu’il n’est pas un fantôme, ni une sorte
d’apparition désincarnée, mais bien Lui-même, Jésus de
Nazareth, souffrant la passion il y a deux jours, crucifié,
mort et mis au tombeau. En même temps, son corps est
maintenant glorieux, il n’appartient plus à la terre, aux
lois de laquelle il n’est plus sujet. Durant la vie
publique, Jésus a pu se dérober aux mains de ses opposants,
exceptionnellement, comme par miracle, car “son heure
n’était pas venue” ; maintenant, après la résurrection, son
état est continuellement en-dehors des lois physiques
naturelles.
Ce Corps
ressuscité et glorifié apparaît donc ici et là, aux uns et
aux autres, dans des moments à la fois extrêmement rapides
et intenses, durant lesquels nos concepts d’espace, de durée
et de temps ne comptent plus. On le sait, lors
d’apparitions, les protagonistes (sainte Catherine Labouré à
Paris, sainte Bernadette à Lourdes…) ne savent pas combien
de temps dure l’apparition : parfois beaucoup de choses se
succèdent en un laps de temps qui se révèle très bref,
parfois une apparition se prolonge des heures sans qu’ils
n’y ressentent la moindre fatigue ou le moindre dérangement
dans leurs occupations journalières.
Ainsi,
l’apparition de Jésus aux Onze racontée aujourd’hui,
est-elle la même que celle de dimanche dernier, où Jésus
arrivait au milieu d’eux (en l’absence de Thomas) et leur
souhaitant “La paix soit avec vous” ? Sans doute pas :
dimanche dernier, saint Jean parle de l’insufflation de
l’Esprit que fait Jésus sur les Apôtres ; aujourd’hui, il
leur fait voir ses mains et ses pieds. Donc, il y aurait eu
deux apparitions de Jésus en ce premier jour de la semaine,
aux Onze, séparées par celle aux pèlerins d’Emmaüs ?
Ou alors, les
témoins de ces apparitions se sont trouvés dans un tel
transport, qu’ils n’ont pas pu retenir précisément tout ce
qui est arrivé : quand, comment, de quelle façon, d’où
peut-être quelques petites inexactitudes. Tous les mystiques
ont connu (subi…) ce phénomène. Et il est fort possible
aussi que, durant la même apparition, Jésus ait dit et fait
quelque chose de différent devant tel Apôtre et devant tel
autre, en fonction de la réaction diverse des uns et des
autres.
On pourra
maintenant remarquer une similitude entre l’entretien de
Jésus avec les disciples d’Emmaüs, et son apparition au
Cénacle : aux premiers “en partant de Moïse et de tous les
prophètes, il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui
le concernait” ; aux seconds : “Il fallait que s’accomplît
tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les
Prophètes et les Psaumes”. C’est le même saint Luc qui le
rapporte, dans ce même chapitre 24 de son évangile.
Jésus salue,
on l’a vu, en souhaitant la Paix. Lui seul fait cela, ou
ceux qui agissent en Son Nom (la Vierge Marie, les Anges,
les Saints) : c’est une garantie d’authenticité de
l’apparition. Quand une manifestation quelconque de l’
“au-delà” laisse quelque trouble, quelque doute, elle n’est
certainement pas bonne ; rien de plus doux, de plus
réconfortant, que ce salut de la Paix.
On pourra ici
faire une remarque sur la Liturgie de la Messe. Quand le
prêtre dit : “Que la paix du Seigneur soit toujours avec
vous”, il a désormais célébré les rites de la Consécration
et de la Doxologie finale de la Prière Eucharistique, rites
par lesquels s’actualisent la Passion, la Mort, la
Résurrection de Jésus dans la gloire : après ces rites, et
avant la communion de tous au Corps (et au Sang) du Christ,
le Prêtre fait partager la Paix, comme Jésus le fit juste
après la Résurrection, soit qu’Il s’adressât aux saintes
Femmes, soit aux Apôtres. C’est encore cette paix qu’évoque
le psaume 4 aujourd’hui : Dans la paix je me couche et je
dors.
Que la Paix
du Seigneur soit toujours avec vous.
Abbé Charles Marie de Roussy
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