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“Ce qui fait la gloire de mon Père,
c’est que vous donniez beaucoup de fruit”
“Mon Dieu,
mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”, cria Jésus en
croix. Ce cri de détresse est le premier verset du psaume
21, dont le choix pourra nous sembler étrange comme psaume
de méditation en ce cinquième dimanche de Pâques.
C’est que ce
psaume est vraiment un psaume de “passage” (Pascha =
Passage) : commençant par les souffrances et les sentiments
de la Passion, peu à peu le psalmiste exprime sa foi en Dieu
sauveur, son espérance d’être sauvé, et finalement achève sa
prière par un véritable chant de victoire, d’action de grâce
pour tout ce que Dieu a fait : “Voilà son œuvre”.
Notre foi doit
nous aider, à tout moment, à “passer” du mal au bien, de la
détresse à l’espérance, de la chute au relèvement. “Le juste
tombe sept fois et se relève”, lit-on au livre des Proverbes
(Prov 24:16).
Un mois déjà
est passé depuis la fête de Pâques. Avec le temps, très
souvent on perd de bonnes habitudes : peut-être la solennité
de Pâques s’est-elle déjà estompée dans notre esprit, et en
même temps nos résolutions d’être “renouvelés” et
ressuscités avec Christ… C’est là la faiblesse humaine, et
cela arriva chez les chrétiens du premier siècle, où des
dissensions naquirent ici et là, des troubles plus ou moins
grands, qu’il fallut examiner et résoudre.
On le voit dans
la première lecture d’aujourd’hui : Paul ne fut pas reçu
très facilement par tous après sa conversion, pourtant
bouleversante, à Damas : c’est Barnabé qui fraternellement
dut se charger de le présenter aux Apôtres, pour les
rassurer ; et parmi la communauté de Jérusalem, certaines
veuves trouvaient qu’on ne s’occupait pas assez d’elles, ce
qui donna lieu à l’institution des Diacres (Ac 6). La
“solution” de saint Jean (2e lecture) est et reste
fondamentale pour tout conflit : l’amour fraternel, le
pardon, la patience, le sourire, la bonne humeur,
l’humilité, l’entr’aide, les petits services quotidiens
qu’on sait se rendre les uns aux autres pour se faciliter la
vie, etc.
Jean appelle
même cela “Son commandement” (de Dieu), parce qu’il est
fondamental : “avoir foi en Son Fils Jésus Christ, et
nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé”.
Rester dans l’amour, c’est vraiment garder la vie de Dieu en
nous, c’est imiter Jésus, et c’est être ouvert à l’Esprit
d’amour à chaque instant.
On est bien
souvent tenté de renoncer à l’amour total, par esprit de
vengeance pour un affront reçu, par souci de “justice” pour
un dû, pour une injuste inégalité de traitement, pour un
professeur trop sévère, pour un dirigeant trop (ou
insuffisamment) exigeant ; facilement on se croit vaincu,
humilié, perdant, parce que les autres ne nous considèrent
pas à notre juste niveau. Cela est très courant chaque jour.
Jésus s’est
toujours tu devant ses agresseurs : “Si l’on te frappe
sur la joue droite, tends l’autre aussi” (Mt 5:39) ; un
pasteur protestant roumain, certain Richard Wurmbrand, fut
tellement patient et doux envers son geôlier qui le
torturait, qu’il l’amena à la conversion ; une femme
malgache, maintenant canonisée, supporta très patiemment la
dureté de son pauvre mari, par fidélité au lien sacré du
mariage et par amour de Jésus-Christ : c’est sainte Victoire
Rasoamanarivo, qui vivait au XIXe siècle, fut proclamée
sainte en 1989 et dont la fête est au 21 août. Il y a tant
et tant d’exemples de ce genre dans la vie de l’Eglise
depuis les origines : qu’on ne dise pas que ça n’existe pas
ou que ce soit impossible. Avec la grâce de Dieu, tout est
possible.
Chacun se
plaint que les voisins de l’immeuble lui sont inconnus. Mais
a-t-on au moins essayé d’inviter l’un ou l’autre à venir
prendre une tasse de thé, histoire de faire connaissance ?
Or Jésus va
encore plus loin : non seulement il demande instamment qu’on
“demeure en lui”, mais il y ajoute cette promesse
incommensurable : “Si vous demeurez en moi, et que mes
paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous
voudrez, et vous l’obtiendrez”.
Quelle grande
promesse ! Mais écoutons bien les mots de Jésus : “Si” vous
demeurez en moi… Tant de fois nous sommes étonnés de ne pas
être exaucés et nous nous en décourageons : Ma prière ne
sert à rien… Dieu ne m’écoute pas… Dieu nous a abandonnés…
Mais sommes-nous bien “demeurés en Lui” ? Avons-nous bien
commencé notre prière en confessant notre misère et en
adorant humblement notre Créateur ? Il faut bien observer
que, dans toutes les neuvaines ou diverses dévotions qui
nous sont proposées, les premiers mots sont pour exprimer
d’abord notre humble condition de pécheurs, notre
repentance, notre désir de sanctification ; vient ensuite
l’expression de la grâce implorée de la bonté de Dieu, par
l’intercession de tel(le) Saint(e)…
Les Saints ont
été tellement humbles, tellement perdus dans l’Amour de
Dieu, que leur volonté adhérait totalement à celle de Dieu :
ce n’était pour ainsi dire pas étonnant qu’ils obtenaient de
Dieu “tout ce qu’ils voulaient” : saint François d’Assise
commanda au loup de Gubbio de ne plus tracasser la vie des
habitants ; saint Martino de Porrès (XVIIe siècle)
commandait aux rats d’aller au fond du jardin et de laisser
tranquilles les moines du couvent ; saint Rieul (IIIe
siècle), évêque à Senlis, fit taire les grenouilles dont le
coassement couvrait sa voix lors d’une prédication. Des
milliers de cas semblables illustrent vingt siècles de
christianisme.
Jésus le dit :
“Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous
donniez beaucoup de fruit”, pourvu que nous demeurions
toujours dans l’Amour les uns pour les autres.
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