Pierre-Julien Eymard
Apôtre de l’Eucharistie,
Fobdateur, Saint
(4 février 1811-1er août 1868)
Introduction
Tous les Saints, de tous les temps, ont été fascinés par le
Don suprême de Jésus, son
Eucharistie. Les disciples d’Emmaüs, le soir même de la Résurrection de Jésus,
l’ont reconnu à la fraction du pain. Dès les premiers temps de l’Église, après
l’Ascension, les apôtres ont renouvelé le Geste de Jésus qui leur avait dit:
“Faîtes ceci en mémoire de Moi.” Très vite, les chrétiens prirent l’habitude
de se réunir pour participer à la Fraction du pain.
L’Eucharistie, c’est le Christ présent au milieu de nous.
C’est le Christ vivant. C’est toujours autour de l’Eucharistie que le Peuple de
Dieu, l’Église, se rassemble. L’Eucharistie c’est la vie de l’Église: si l’on
tue l’Eucharistie, on tue l’Église.
Tous les saints ont été fascinés par l’Eucharistie, mais, au
cours des âges, quelques-uns ont été plus particulièrement appelés à devenir les
apôtres de l’Eucharistie. Nous en présenterons ici quelques-uns. On aurait pu en
choisir davantage, mais l’Eucharistie: Dieu présent parmi nous, est infinie, et
le nombre de ceux qui ont vénéré l’Eucharistie est incalculable: comme Saint
Jean, on pourrait dire: “Pour raconter toutes les merveilles de
Jésus-Eucharistie, le monde entier ne suffirait pas.” Il fallut donc faire
des choix. On aurait pu choisir d’autres apôtres de l’Eucharistie: le lecteur
saura bien nous excuser si nos choix ne répondent pas tout à fait à ses désirs.
Mais, si son cœur est vraiment ouvert, alors, pénétrant dans le feu de l’amour
qui envahissait le cœur des saints présentés, il saura bien communier à l’amour
qui les animait. C’est le vœu que nous formons.
«« – »»
Saint
Pierre-Julien Eymard
Apôtre de l’Eucharistie
(4 février 1811-1er août 1868)
Sa vie
Saint Pierre-Julien Eymard naquit le 4 février 1811 à La Mure
d’Isère. Il y mourut, le 1er août
1868, à l’âge de 57 ans. Il fut
béatifié par Pie XI, le 12 juillet 1925, puis canonisé par Jean XXIII, le 9
décembre 1962, au terme de la première session du Concile Vatican II. Dans son
homélie de canonisation Jean XXIII précisait: “Sa note caractéristique,
l’idée directrice de toutes ses activités sacerdotales, on peut le dire, ce fut
l’Eucharistie: le culte et l’apostolat eucharistiques.”
Mis en contact avec toutes les classes de la société et tous
les états de vie, Pierre-Julien avait été providentiellement préparé à sa
mission eucharistique. Tour à tour vicaire, curé, religieux et provincial chez
les Frères Maristes, supérieur de collège et directeur du Tiers-ordre de Marie,
catéchiste des chiffonniers de Paris, et, enfin, fondateur des Prêtres du Très
Saint Sacrement, il a connu tous les besoins de toutes les catégories d’âmes et
a compris l’influence et la force, pour elles, de l’Eucharistie.
Pierre-Julien eut une vie débordante d’activité. Ce fut
cependant un grand mystique. En effet, dès l’âge de vingt six ans, alors qu’il
n’était encore que vicaire à la Chatte, il fut, au cours d’une méditation
devenue extase, favorisé d’une grâce mystique qui lui fit pénétrer la réalité de
l’amour et de la bonté du Père. Pendant longtemps il en parla avec
reconnaissance. Cette grâce fut le point de départ d’un apostolat dominé par une
pensée dominante: devenir l’apôtre infatigable de l’amour de Dieu et travailler
à la glorification du Sacrement de l’Amour du Fils: l’Eucharistie.
La jeunesse de Pierre-Julien
L’enfance et la jeunesse de Pierre-Julien Eymard furent
relativement tristes. Il était le dixième enfant de Julien Eymard, son père, et
quatrième de sa mère, deuxième femme de Julien devenu veuf. Un destin cruel
semble avoir marqué la famille Eymard. Successivement moururent ses frères et
sœurs aînés: Cécile, en 1805, François-Julien en 1807, Joseph-Justin-Julien en
1809. Du premier lit quatre enfants sur six étaient également morts. De ce qui
aurait pu être sa grande famille, Pierre-Julien, notre futur saint, ne connut
qu’Antoine et Marianne, respectivement âgés de dix-sept et de douze ans à sa
naissance en 1811. On croit savoir que la mère de Julien était très pieuse.
Quant à son père, Julien Eymard, coutelier de son état, il fut reçu dans la
Confrérie des Pénitents du Saint-Sacrement le 8 décembre 1817.
Dans ce milieu sérieux et fervent, il n’est pas étonnant que
la piété de Pierre-Julien ait été précoce. Un fait est dûment attesté: vers
l’âge de cinq ans, le petit garçon fait une fugue. On le cherche partout... On
le retrouve dans l’église, grimpé sur l’escabeau placé derrière l’autel:
– Que fais-tu là, demande sa sœur, impatiente.
– Je suis près de Jésus, et je l’écoute, répond naïvement le
petit garçon.
À mesure qu’il grandit, Pierre-Julien est de plus en plus
attiré par l’Eucharistie. Très jeune il désirera devenir prêtre. Son père,
meurtri par tant de deuils subis, refusa: il ne pouvait pas accepter de perdre
encore le dernier garçon qui lui restait et qui aurait dû prendre la succession
de son entreprise.
Pierre-Julien connut donc des difficultés énormes pour faire
ses études. Il apprit seul le latin, en cachette de son père. Le 5 août 1828, sa
mère mourait; le pauvre père restait seul avec sa fille Marianne et
Pierre-Julien. Pierre-Julien se devait d’aider son père.
Enfin la foi du papa l’emporta, et Pierre-Julien fut reçu
chez les Oblats de Marseille, le 7 juin 1829...
Les études et le séminaire
Pour rattraper son retard scolaire, Pierre-Julien
travaillait comme quatre. Il tomba rapidement malade; on crut qu’il allait
mourir. Mais il se rétablit lentement et, après la mort de son père, il entra au
grand séminaire. Il fut ordonné prêtre le 20 juillet 1834 et nommé vicaire à la
Chatte, dans l’Isère. Le 10 juin 1835 il était reçu tertiare de l’Ordre des
Capucins. C’est à la Chatte qu’il fut gratifié d’une grâce mystique
exceptionnelle qu’il garda lontemps secrète, mais qui nourrit toute sa vie
spirituelle.
Pierre-Julien crachait le sang. Il dut quitter la Chatte; on
le nomma curé de Monteynard où il resta deux ans. Fin 1839, il entra chez les
Frères Maristes de Lyon et fut nommé directeur du collège de Belley. En janvier
1845, on lui conféra la charge de provincial dans sa congrégation, charge qu’il
exerça pendant deux ans avant de devenir Visiteur Général.
En décembre 1845 le Père Eymard prit la direction de Tiers-Ordre
de Marie au sein duquel il fonda de nombreuses branches.
Les grâces spirituelles
Lyon, mai 1845
Au sujet de la cérémonie de la Fête-Dieu à Lyon, le 25 mai
1845, le Père Eymard écrit, entre autres: “Je sens dans moi un grand attrait
vers Notre-Seigneur; jamais je ne l’avais éprouvé si fort. Cet attrait m’inspire
dans mes prédications, conseils de piété, de porter tout le monde à la
connaissance et à l’amour de Notre-Seigneur, de ne prêcher que Jésus-Christ et
Jésus-Christ Eucharistique...” Cette grâce exceptionnelle est une grâce de
foi et d’amour envers le Christ-Eucharistique. L’amour de Dieu est premier, mais
il se concentre sur la contemplation du mystère de Jésus dans son Eucharistie.
Paris 1848
En juin 1848 le Père Eymard est vivement frappé par
l’intensité du culte eucharistique qui se déploie à Paris, grâce à l’adoration
nocturne des hommes et à la création, par Adeline Dubouché, d’un Tiers-Ordre qui
deviendra l’Adoration Réparatrice.
La grâce de
Fourvière, le 21 janvier 1851
C’est ce que le Père Eymard appellera une grâce de vocation.
Ému à la vue du délaissement de tant de prêtres séculiers, et par le manque de
direction spirituelle des hommes, le Père Eymard envisage la création “d’un
corps d’hommes comparable à l’Adoration Réparatrice en cours de création pour
les femmes.”
L’époque était rude alors: le décret du 13 mars 1848 avait
supprimé les congrégations religieuses en France, et de très nombreux religieux
vivaient dispersés. À Mme Tholin-Bost qui avait créé l’Association de
l’Adoration du Saint Sacrement à domicile, le Père Eymard écrivit, en octobre
1851: “ J’ai souvent réfléchi sur les remèdes à cette indifférence
universelle qui s’empare d’une manière effrayante de tant de catholiques, et je
n’en trouve qu’un: l’Eucharistie, l’amour à Jésus Eucharistique. La perte de la
foi vient de la perte de l’amour.”
Et en février 1852, à la même personne: “Maintenant il
faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes par la divine Eucharistie, et
réveiller la France et l’Europe engourdies dans un sommeil d’indifférence parce
qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu: Jésus, l’Emmanuel Eucharistique.
C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes fidèles et qui se
croient pieuses, et ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur centre
et leur vie dans Jésus au saint Tabernacle.”
La Seyne, 18 avril 1853
Enfin, voici pour Pierre-Julien, la grâce qui orientera
définitivement sa vie: ce fut une grâce de vocation exceptionnelle: créer
l’ORDRE DU TRÈS SAINT-SACREMENT.
La fondation
Les événements se succèdent, et en avril 1856, le Père Eymard
est relevé de ses vœux qui le liaient à l’Ordre des Maristes. Il allait pouvoir
travailler à la fondation d’une nouvelle congrégation. Le 13 mai 1956, il reçoit,
de l’Archevêque de Paris, Mgr Sibour, l’autorisation de fonder son œuvre, la
Société du Saint-Sacrement,. Mgr Sibour était, en effet, très désireux de voir
commencer une Œuvre de la Première communion des adultes. Le Père Eymard sera
assisté, pour cette fondation, par le Père de Cuers.
Le dénuement matériel des premiers temps sera extrême et les
vocations se firent longtemps attendre. Enfin, le 6 janvier 1857, l’Adoration du
Saint-Sacrement exposé était inaugurée dans l’Institut. Les épreuves de toutes
sortes se multiplièrent...
Parallèlement à la Société du Saint-Sacrement, une communauté
féminine se mettait en place: Les Servantes du Saint-Sacrement, et
l’Œuvre de la Première Communion des adultes était fondée dès 1858.
Le Père Eymard décrit la situation des jeunes ouvriers
parisiens de cette époque: “À peine capables de travailler, les enfants
pauvres de Paris sont placés dans les fabriques pour y gagner quelques sous
d’abord, puis dix, puis un franc; et cela aide à avoir un peu de pain pour sa
pauvre famille, et à payer les quarante sous de loyer par semaine. S’il n’y a
pas de place dans les fabriques de boutons, de papier, etc, l’enfant, avec sa
petite hotte, part le matin ou le soir, chiffonner dans la ville. Que de
centaines d’enfants en sont là dans Paris!...
Si du moins la vie religieuse compensait la misère de la
vie du corps! Mais, hélas! elle est encore plus déplorable. Le petit ouvrier ne
va pas à l’Église apprendre à connaître, à aimer et à servir Dieu; ses parents
ne lui en parlent pas. Ils ont été élevés ainsi, ou bien l’indigence les rend
honteux et les abrutit.
Car Paris a son côté de missions étrangères, sa population
nomade, sans autre religion que le culte des morts... Non, rien ne ressemble à
ce Paris de la misère et de l’indifférence!”
Malgré les difficultés l’œuvre se développe et essaime en
province. L’adoration du Saint-Sacrement est toujours la base de la vie de la
congrégation. Entre temps, au bord du découragement, le Père Eymard avait
consulté le Saint Curé d’Ars.[1] Le
Père A.Tesnières raconte la rencontre:“...Le Curé d’Ars éclata en sanglots et
répondit: “Mon bon ami, vous voulez que je prie le bon Maître pour vous? Mais
vous l’avez, vous, vous l’avez toujours devant vous!” Le Père touché des larmes
du Curé laissa jaillir les siennes à son tour, et il s’efforçait de le consoler
en lui disant: “Pardonnez-moi, Monsieur le Curé, je ne voulais pas vous faire de
peine, pardonnez-moi, je vous en prie. Et ils tombèrent dans les bras l’un de
l’autre.”
Le 10 juin 1863, Pierre-Julien Aymard recevait le décret
d’approbation de son institut, La Congrégation du Très Saint-Sacrement.
L’approbation avait été donnée par le pape Pie IX le 8 mai précédent. Le but
essentiel de cette congrégation était double:
– “rendre un culte solennel et perpétuel d’adoration à
Notre Seigneur Jésus-Christ, demeurant perpétuellement au Très-Saint-Sacrement
de l’autel, pour l’amour de l’homme.”
– ”se dévouer à l’amour et à la gloire de ce très auguste
Sacrement par l’apostolat de chacun de ses membres qui, sous les auspices et la
conduite de l’Immaculée Vierge Marie, doivent s’y appliquer dans la mesure de
leur grâce et de leurs vertus.”
Il convient d’ajouter que cette congrégation doit être, de
par la volonté de son fondateur, entièrement dévouée au Successeur de Pierre.
Parallèlement à la fondation de la Congrégation du Très
Saint-Sacrement, Pierre-Julien Eymard, de 1858 à 1865, œuvra activement à la
fondation d’une congrégation féminine: Les Servantes du Saint-Sacrement,
entièrement centrée sur l’Eucharistie, tout en étant au service des
pauvres. Les épreuves, là aussi, furent nombreuses et parfois très douloureuses...
La vocation eucharistique
En plus des activités liées au développement de ses
communautés religieuses, le Père Eymard prêche beaucoup: il veut faire connaître
l’Eucharistie, l’Amour qui institua l’Eucharistie, c’est-à-dire le Cœur de Jésus,
le Cœur Eucharistique. Il n’hésitait pas à dire, au cours des retraites
eucharistiques qu’il prêchait: “Quand on veut donner un mouvement plus
puissant, on double, on triple, on centuple la puissance du moteur. Le moteur
divin, c’est l’amour, l’amour eucharistique.”
Il écrivait aussi à des correspondants: “J’ai eu la
consolation de parler de Jésus au Très Saint Sacrement à Rouen et à Tours; on
est bien venu, on a écouté avec dévotion: ce sera la semence.”
“Le Cœur Eucharistique de Jésus a eu sa belle part à Rouen
et Tours. J’ai fait un sermon spécial à Tours. C’est la semence.”
“Je viens de prêcher la neuvaine solennelle du Sacré-Cœur.
Vous pensez bien que c’est surtout du Cœur Eucharistique de Notre Seigneur que
j’ai parlé; il n’est que là vivant, puis au ciel! J’ai parlé de son amour, de
l’ingratitude des hommes, du peu d’âmes fidèles et dévouées qui se donnent
entièrement à lui.”
Retraite de 1865
Au cours d’une retraite à Rome, en janvier 1865, le Père
Eymard fait retour sur lui-même et écrit: “J’ai vu comment je ne me suis
donné à Notre Seigneur au Très Saint-Sacrement que par le dévouement de l’amour,
que par le service, le culte, le zèle. La nature y trouvait son élément; la
vanité et l’activité de l’esprit aussi.”
Car la vie avec Jésus-Eucharistie doit être contemplation et
don du cœur:“Notre Seigneur m’a fait comprendre qu’il préfère le don de mon
cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand même je lui
donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien.”
Sur sa vocation eucharistique il s’émerveille: “Comme le
Bon Dieu m’a aimé! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement!
Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation, tous mes états, un noviciat!
Toujours le Saint-Sacrement a dominé. C’est la Très Sainte Vierge qui m’a
conduit à Notre-Seigneur: à la communion de tous les dimanches par le Laus à 12
ans; de la Société de Marie à celle du Très Saint Sacrement.”
À la messe d’action de grâce de cette longue retraite, le 21
mars 1865, P.J.Eymard écrit:
“...de même je dois être anéanti à tout désir, à tout
propre intérêt, et n’avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d’y
vivre pour son Père. Et c’est pour être ainsi en moi qu’il se donne dans la
Sainte Communion.
C’est comme si le Sauveur disait: ‘En m’envoyant par
l’Incarnation, le Père m’a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me
donnant pas la personne humaine, mais en m’unissant à une personne divine afin
de me faire vivre pour lui, ainsi par la communion tu vivras pour moi, car je
serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui
consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre; tellement que ce sera moi
qui vivrai et désirerai tout en moi, au lieu de toi. Et ainsi tu seras le corps
de mon cœur; ton âme, les facultés actives de mon âme; ton cœur, le réceptacle,
le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta
personnalité sera la vie de la mienne en toi.’”
Le Père Eymard, dès lors, fait un vœu qui le livre
définitivement au Christ Jésus dans une configuration au mystère de son
Incarnation, à l’exemple de Marie: “Oh! que je voudrais adorer Notre-Seigneur
comme l’adorait cette bonne Mère!... Je vais faire toutes mes adorations en
union avec cette Mère des adorateurs, cette Reine du Cénacle.”
Et, pensant à sa Congrégation: “Ne serait-il pas
nécessaire dans la Société d’avoir les contemplatifs et les apôtres? D’avoir des
adorateurs et des incendiaires, puisque Notre-Seigneur veut voir ce feu
eucharistique incendier le monde...”
Dans les constitutions de la Société du Saint-Sacrement,
P.J.Eymard avait clairement indiqué la raison suprême de l’Institut: “Afin
que le Seigneur Jésus soit toujours adoré dans son Sacrement et glorifié
socialement dans le monde entier.”
Voici quelques-unes de ses réflexions: “Le mal du temps,
c’est qu’on ne va pas à Jésus-Christ comme à son Sauveur et à son Dieu...
L’amour divin qui n’a pas de vie, son centre, dans le Sacrement de l’Eucharistie,
n’est point dans les vraies conditions de sa puissance: il s‘éteindra bientôt.
Que faire donc? Remonter à la source, à Jésus... et
surtout à Jésus dans l’Eucharistie.”
La mort du Père Eymard
Les forces du P.Eymard commencent à décliner; il sent la mort
approcher. À l’une de ses dirigées il écrit, le 26 avril 1868: “Plus les
années se multiplient, plus elles affaiblissent la nature: c’est la mort par
degrés, il faut s’y résigner! Mais heureusement que le cœur ne vieillit pas; il
se rajeunit, au contraire, en héritant de ce que les autres facultés perdent.
Aimez bien Notre Seigneur.”
C’était comme son testament. Il mourra le 1er août suivant, à
l’âge de 57 ans, après d’ultimes épreuves tant physiques que morales..
Les épreuves spirituelles
On connaît relativement peu la vie mystique de Pierre-Julien
Eymard, ni ses combats avec Satan. Seul le frère Tesnière qui le soignait a pu
apporter des témoignages. En voici un: “Trois semaines avant sa mort le Père
m’a dit avec l’accent de quelqu’un qui a besoin de se soulager d’un mauvais coup
reçu: ‘Oh! que le diable est mauvais quand il vous bat. Ses soufflets sont secs,
comme s’il frappait sur du marbre. Ah! c’est qu’il frappe vraiment et non pas
seulement d’une manière imaginaire.’”
P. J. Eymard connut aussi les terribles épreuves de la nuit
de l’esprit. C’est encore le Père Tesnière qui témoigne, lors lors du procès
ordinaire de Paris: “Il entra dans une voie d’oraison douloureuse: sécheresse
du cœur, impuissance de l’esprit à raisonner sur les vérités ou même à se
représenter les mystères: obscurité de la foi, insensibilité absolue, vains
efforts pour formuler une prière dans son cœur, vains appels à Dieu qui semblait
sourd à ses cris et s’éloignait à mesure qu’il le cherchait davantage... vues
très claires de l’inutilité de ses efforts dans la prière comme de toutes ses
actions dont il ne voyait que lacunes, défauts et fautes, et par suite
tentations de découragement et de désespoir qui le poussaient à abandonner au
moins la prière comme inutile ou même injurieuse à Dieu.
Telle fut la voie du Serviteur de Dieu durant ses
dernières années... C’était donc plusieurs heures par jour qu’il devait
affronter ce combat de la prière, mais il n’en abandonna jamais l’exercice ni
par fatigue, ni par dégoût, et surmonta ainsi cette longue et rude épreuve. Mais
aller à la prière équivalait pour lui à aller au sacrifice pour y immoler son
âme sur le plus cruel des bûchers.”
Ce texte très éclairant se passe de commentaires.
[1] Cette
rencontre eut lieu trois mois avant la mort de Jean-Marie Vianney
Textes de Pierre-Julien Eymard
sur l’Eucharistie
1-La Sainte
Eucharistie[1]
1-1-La
Sainte Messe et la Sainte communion

Le
Père Eymard, s’extasiant sur les merveilles de l’Eucharistie s’écrie:“L’institution
de la divine Eucharistie est, au dire de Saint Thomas d’Aquin, le plus grand des
miracles de Jésus-Christ: il les surpasse tous par son objet, il les domine par
la durée. C’est l’Incarnation permanente, c‘est le sacrifice perpétuel de
Jésus-Christ; c’est le buisson ardent qui brûle toujours sur l’autel; c’est la
manne, véritable pain de vie, qui descend tous les jours du Ciel... Celui qui,
du limon de la terre, a fait le corps de l’homme, peut bien changer le pain et
le vin en son Corps et en son Sang. D’ailleurs l’homme change bien,
naturellement, le pain qu’il mange et le vin qu’il boit, en sa chair et en son
sang.”
Pour le Père Eymard, l’Eucharistie c’est
Jésus passé, présent et futur. C’est la fin de sa vie mortelle, c’est
l’expression de son Amour. Dans l’Eucharistie, tous les mystères divins sont
glorifiés, et toutes les vertus sont présentes. “L’Eucharistie est le royal
mystère de la foi où toutes les vérités aboutissent comme les fleuves dans
l’océan. Dire l’Eucharistie, c’est tout dire.”
Le Père Eymard envisageait l’Eucharistie, Pain
de vie, sous tous ses aspects et, en particulier, sous celui de ses fruits et de
son efficacité dans les âmes. Il ne craignait pas de déclarer:
“C’est le
jansénisme qui, fermant les tabernacles, a préparé l’apostasie des peuples, dont
la Révolution a été la manifestation; c’est en ouvrant les tabernacles qu’on
ramènera les nations à Dieu.”
1-2-Les
circonstances de l’Eucharistie
C’est la veille de sa mort que Jésus institua ce
grand Sacrement, au moment où Judas le quitta après avoir reçu des mains du
Maître qu’il trahissait la bouchée de pain de l’amitié. Jésus avait ardemment
désiré cette Pâque, “sa Pâque”. Jésus livre son Corps à ses apôtres, en
utilisant le temps présent: “Ceci est mon Corps. Ceci est
mon Sang.” Il convient de remarquer que Jésus n’utilise pas le futur, -ce
n’est que demain que son Corps sera livré, que son Sang sera versé- mais son
Sacrifice est vivant tout au long des siècles.
“L’Eucharistie et le Calvaire
ne font qu’UN.”
“Àu Cénacle, comme sur le Calvaire, le Corps du
Christ est séparé de son Sang, et c’est la mort... À l’autel la consécration
séparée des deux espèces rappelle et signifie la mort du Christ... La Sainte
Messe n’est donc pas un simple mémorial, le souvenir vide et froid d’une chose
passée; elle est véritablement la représentation du Sacrifice du Calvaire,
représentation qui contient et nous offre celui-là même qu’elle figure:
Jésus-Christ s’immolant pour nous.”
“Si Jésus-Christ meurt sur le Calvaire, c’est
pour devenir la victime perpétuelle du sacrifice non sanglant de la sainte
Messe.
En conséquence, pendant le Saint Sacrifice de la
Messe[2] ,
nous avons quatre devoirs à remplir envers Jésus:
– Un
devoir latreurique, c’est-à-dire de souveraine adoration,
– Un
devoir eucharistique, c’est-à-dire d’action de grâces
– Un
devoir impétratoire, en le présentant au Père comme le gage qu’il nous a donné
de son amour,
– Un
devoir satisfactoire, en l’offrant pour l’expiation de tous nos péchés, et pour
la réparation de tant de crimes qui se commettent dans le monde.”
2-L’Eucharistie est le Don de Dieu
2-1-L’Eucharistie, Don de Dieu par excellence
L’Eucharistie est, par excellence, le Don de
Jésus qui “a réuni tous ses dons dans un seul Don, et trouvé le moyen, non
pas d’épuiser, mais de dilater sa bonté. La Sainte Eucharistie est la grâce des
grâces, le Don des dons, en elle l’amour de Notre Seigneur s’est multiplié pour
venir jusqu’à nous, par tous les effets d’une bonté qui a traversé toutes les
générations.” Le Père Eymard rappelle le Concile de Trente qui déclare:
l’Eucharistie “c’est l’antidote qui nous préserve des péchés mortels et nous
libère de nos fautes quotidiennes.”
“L’Eucharistie est un don perpétuel fait au
monde par Jésus-Christ, son amour le demande, sa gloire le réclame. L’amour a
deux grands ennemis: l’absence et la mort. C’est comme une flamme sans foyer;
rien ne résiste à cette épreuve. Notre-Seigneur le savait. Aussi son mémorial
est-il le signe et la réalité signifiée. C’est lui-même, voilé sans doute, mais
plein de vie.”
Au milieu de nous il y a quelqu’un que nous ne
connaissons pas. Préparons-nous à la rencontre du Seigneur, là où vit l’Agneau
de Dieu. N’oublions jamais que c’est l’Eucharistie qui fait l’Église.
2-2-L’Eucharistie,
Présence de Jésus
La présence de l’être aimé est nécessaire à
l’amour. “Avec l’Eucharistie nous savons que Notre-Seigneur nous aime
actuellement et personnellement. Chacun de nous peut se dire: “Il m’aime, il
m’aime personnellement.”
Au Saint Sacrement Jésus est présent et nous
pouvons Le servir comme Il le désire: “L’adorer comme Dieu en Lui offrant
l’hommage parfait de tout notre être, et L’aimer comme homme, de tout notre
amour. Par l’Eucharistie une union parfaite s’établit entre Notre Seigneur et
nous.”
2-3-L‘Eucharistie, Don du Cœur de Jésus
“Jésus est arrivé au terme de sa vie mortelle...
Mais son Cœur ne peut se résoudre à laisser sa nouvelle famille, les enfants
qu’il engendrera dans son sang par le Sacrifice du Calvaire... Il ne veut pas
les laisser seuls au milieu de leurs ennemis... Jésus-Christ aura donc deux
trônes: un trône de gloire, au Ciel; un trône de grâce, sur la terre...
Le Cœur de Jésus estime que ce qui suffit à
l’œuvre de la Rédemption, ne satisfait pas son amour... Son amour fera encore
plus pour ses enfants de la Croix, que la mère la plus tendre pour les enfants
de sa chair...”
2-3-1-Comment faire?
“Le Cœur de Jésus résidera au milieu des siens
sous la forme d’un sacrement qui voilera même son humanité...
Ainsi, Jésus choisit l’Eucharistie, “pour que tous puissent venir à
lui sans difficulté et en toute confiance.” Les hommes comprendront mieux
ses paroles: “Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur.”
2-3-2-L’Eucharistie est le sacrement de l’amour
La tradition catholique appelle l’Eucharistie le
Sacrement de l’Amour. ”Les autres sacrements produisent la grâce sanctifiante;
l’Eucharistie contient et donne l’Auteur même de la grâce... L’Eucharistie est
le soleil de justice et d’amour, le foyer incandescent de ce feu divin dont
Jésus-Christ a dit: “Je suis venu apporter le feu sur la terre, et quel est mon
désir sinon de le voir incendier tous les cœurs...”
C’est l’amour qui a établi l’Eucharistie et
c’est l’amour qui se donne dans l’Eucharistie. L’amour veut être aimé dans son
Eucharistie. “L’Eucharistie est l’aliment et l’école de l’amour envers Jésus-Christ...
L’Eucharistie vient du Cœur de Jésus-Christ; elle est par excellence son don
d’amour; elle attend notre amour comme un droit, mais aussi comme une
compensation réparatrice.”
3-L’Eucharistie, Sacrifice
perpétuel de l’Agneau immolé
3-1-Jésus est l’Agneau
de Dieu.
L’Agneau ¨Pascal est une figure de l’Eucharistie;
selon Pierre-Julien Eymard, il y a trois aspects principaux de l’Agneau Pascal:
l’Agneau immolé, l’Agneau mangé et l’Agneau Sauveur.
3-1-1-L’Agneau immolé
“Jésus-Christ est le véritable Agneau de Dieu:
Isaïe parle expressément de l’agneau dont l’offrande apaisera le roi de Juda.”
[3] C’est l’agneau que l’on mène à la boucherie et qui se soumet à la
souffrance sans proférer une plainte. “Jean, le précurseur, ne désigne pas
Jésus comme le prince de la paix, mais il dit: “Voici l’Agneau de Dieu, celui
qui ôte le péché du monde.” Jean l’Évangéliste décrit sa vision du ciel
comme “le triomphe de l’Agneau Immolé.”
Sur la Croix, Jésus-Christ est l’Agneau Immolé.
L’Eucharistie, “c’est Jésus présent sous les saintes espèces, comme Il était
sur la Croix, en état de Victime.”
3-1-2-L’Agneau mangé
Dans tous les sacrifices, on consomme la victime
immolée. La manducation de la victime était un gage sacré pour ceux qui s’en
nourrissaient. “Par la communion, la Victime est consommée. Jésus perd, dans
le fidèle qui Le reçoit, sa vie sacramentelle: tombeau de résurrection dans
l’âme du juste, tombeau de mort, et de mort éternelle, pour l’âme coupable. Dans
le communiant bien disposé, Jésus-Christ ressuscite... Le chrétien devient ainsi
un porte-Christ, christophorus, ou même un autre Christ”
Par le sacrifice de l’autel, Jésus nous donne
notre part personnelle des fruits de la Rédemption. “Ô admirable invention de
l’amour de Dieu!”
L’Eucharistie, c’est l’extension, le
prolongement de l’Incarnation, c’est Jésus toujours présent parmi nous et pour
tous les hommes. “Le chrétien ne doit donc s’approcher de la sainte Table,
pour manger l’Agneau divin, qu’avec des sentiments de charité fraternelle, pour
réaliser l’union des cœurs...”
3-1-3-L’Agneau Sauveur
L’Agneau pascal était, pour les Hébreux, un gage
de vie et l’annonce de leur libération. Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu, est, par
l’Eucharistie, la vie du monde.
3-2-Jésus est le Pain vivant
3-2-1-L’Eucharistie annoncée dans l’Ancien Testament
“L’Eucharistie est force et douceur. C’est ainsi
qu’elle est figurée dans l’Ancien Testament. Le pain d’Élie, apporté par un ange
au prophète exténué, lui a permis de marcher jusqu’au but qu’il s’était proposé.
La nuée du désert était une ombre pendant le jour et une lumière durant la nuit.
La manne avait toute suavité selon le goût de chacun. Telle est l’Eucharistie:
elle est lumineuse, douce, rafraîchissante, selon les besoins de l’âme qui la
reçoit. Nous aider dans les difficultés, nous consoler dans nos ennuis, tel est
son but.”
3-2-2-Pierre-Julien Eymard cite quelques paroles de Jésus:
“Je suis le Pain vivant descendu du Ciel... Ma
chair est vraiment une nourriture et mon sang est véritablement un breuvage.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui... Celui
qui mange de ce pain vivra éternellement.”
Pour le Père Eymard, en effet,
“la communion
a pour but, pour effet particulier, d’assurer, de rendre plus étroite et plus
féconde, l’union entre Jésus-Christ et ses membres; par elle une véritable
société de vie s’établira entre eux et lui; ils seront comme deux cires fondues
ensemble, ils deviendront, en quelque manière, corporels et consanguins avec lui.”
3-2-3-L’Eucharistie est notre nourriture
“L’homme transforme en sa substance la
nourriture ordinaire parce qu’il lui est supérieur: il est vivant, elle est
morte. En l’Eucharistie, Jésus-Christ est un pain vivant, d’une vie divine:
c’est lui qui assimile l’homme à sa propre vie.”
“Parlant d’avance du rôle qui achèverait son
œuvre rédemptrice, Jésus disait: “Je suis le Pain de vie.”... Pain de vie! Voilà
bien le nom qui dit tout Jésus-Christ. Comme le grain de froment est broyé, puis
blutté pour devenir de la farine, ainsi, pouvons-nous dire, en fut-il de Jésus-Christ
pendant sa Passion. Après sa Résurrection il aura, pour nos âmes, les mêmes
propriétés que le pain pour nos corps...
L’Eucharistie, c’est la merveille des merveilles...
parce qu’elle est cette nourriture que le Seigneur, clément et miséricordieux,
donne à ceux qui le craignent.”
3-2-4-L’Eucharistie est l’aliment de notre âme
Selon Pierre-Julien Eymard, notre âme possède
une vie physiquement indéfectible; elle est de sa nature, immortelle. Mais il y
a en elle une vie surnaturelle, inaugurée par le Baptême. Cette vie surnaturelle
doit être alimentée, et son aliment, c’est Jésus-Christ dans l’Eucharistie:
“Notre-Seigneur a dit: celui qui me mange a, lui
aussi, la vie. Mais quelle vie? Celle de Jésus... Jésus, Pain vivant, ne se
changera pas en nous, il nous fera vivre de lui, il nous donne sa propre vie.”
S’adressant à des personnes du monde, P.J.
Eymard insiste: “Un Maître nourrit sa servante: communiez tous les jours.
Quel sera votre travail si vous ne mangez pas le pain de la vie? Mangez pour
pouvoir travailler... La communion vous est nécessaire comme la respiration aux
poumons... Abandonner la sainte Communion quotidienne, ce serait abandonner
votre place au festin des enfants de Dieu...
Allez toujours, pourvu que vous puissiez vous
traîner, même en souffrant, à la sainte Table: on vous y attend...”
3-2-5-Nécessité de la communion
P. J. Eymard écrit:
“Je pose en principe que
plus on doit être pur, plus on doit être saint, et plus on a besoin de communier...
Plus la vie que vous menez est sainte et difficile, plus vous devez vous
approcher de la Table sainte.”
Pour être fort, il faut communier, il faut avoir
faim. “Vous dites: donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Désirez donc
le pain de votre âme, et alors, venez le chercher.
Communiez donc, mais en regardant le Cœur de
Notre-Seigneur qui vous appelle... Sans doute, lorsque la Communion
sacramentelle ne vous sera pas possible, Dieu la remplacera par la communion de
sa présence de grâce et d’amour; il faut cependant désirer la première, parce
que Jésus et l’Église la veulent.”
3-2-6-L’Eucharistie, Sacrement de vie
Le Père Eymard insiste:
“Ni le Baptême qui donne la vie de la grâce, ni
la Confirmation qui l’augmente, ni la Pénitence qui la restaure, ne suffisent.
Tous ces sacrements sont une préparation à l’Eucharistie qui les complète et les
couronne...
Jésus a dit: Celui qui demeure en moi porte
beaucoup de fruits. Mais “Comment demeurer en Jésus? Il l’a bien précisé:
celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.“
“L’Eucharistie est le pain des faibles, et elle
est aussi le pain des forts. Elle est nécessaire aux uns comme aux autres. Aux
faibles, c’est évident. Aux forts car l’Apôtre les avertit: ”Que celui qui a
l’impression d’être debout prenne garde de tomber.” Ils portent leur trésor dans
des vases d’argile; leur route est entourée
de brigands.”
3-3-L’Eucharistie est le gage de notre résurrection
3-3-1-L’Eucharistie, c’est le Testament de Jésus
L’Eucharistie, c’est le Testament de Jésus,
c’est le but de la mort du Sauveur. L’Eucharistie prolonge en nous l’immolation
et la mort de Jésus-Christ. Écoutons le Père Eymard:
“Le prêtre consacre séparément le pain et le vin
en disant sur l’un ceci est mon corps; sur l’autre: ceci est mon sang. Par la
vertu précise de ces paroles, le corps devrait être séparé du sang. Si la mort
ne se produit pas, c’est que l’état glorieux de Jésus ressuscité s’y oppose: la
mort ne peut plus l’atteindre...”
L’Eucharistie
“est le testament d’amour,
l’alliance qu’Il a scellée avec nous dans sa mort... L’Eucharistie est le
Testament de Jésus-Christ.”
3-3-2-Et
pour nous?
“L’Eucharistie prolonge en nous la mort du
Christ... afin de nous faire mourir au péché... afin de nous faire mourir au
monde qui a servi d’instrument au péché et qui reste son puissant instrument en
nous. C’est afin de nous faire mourir à nous-mêmes... et à nous revêtir de Jésus
ressuscité... La communion est donc le gage d’une résurrection glorieuse.”
4-L’Eucharistie, c’est Dieu caché
Jésus s’est fait homme, pauvre, humble et
obéissant. Il est mort sur une Croix. Cela étonne le Père Eymard, mais, à la
limite, il peut le comprendre. Mais, dit-il,
“ce que l’on ne comprend plus,
ce qui épouvante la foi de l’homme, c’est que Jésus-Christ ressuscité, glorieux,
triomphant, ait choisi, pour rester au milieu de nous, un état plus humble que
dans l’Incarnation, plus soumis qu’à Nazareth, plus anéanti que dans la Passion.
Mais...
1°Par son état voilé, Jésus-Christ
continue, au milieu de nous sa mission de Sauveur à la gloire de son Père et
pour notre amour. L’orgueil a perdu l’homme. C’est par l’humilité que Jésus le
relève, le réhabilite, le rétablit dans sa première dignité.
Quelle est belle son humilité
eucharistique!
Quelle est riche sa pauvreté eucharistique!
Quelle est ravissante son obéissance sacramentelle!
Qui refusera d’obéir à Dieu quand Dieu lui-même
obéit ici à l’homme?
2°Jésus-Christ voilé encourage ma
faiblesse. Il voile sa gloire afin que j’ose m’approcher de lui, le regarder,
lui parler...
Jésus voile sa puissance; elle effrayerait, elle
épouvanterait la faiblesse de l’homme.
Jésus voile sa sainteté; elle est si haute, si
sublime, qu’elle découragerait nos faibles vertus.
Jésus voile son amour; il est si grand, si
ardent, si infini, qu’il nous consumerait s’il n’était tempéré par le voile
sacramentel.
3°Le voile eucharistique
perfectionne la foi du chrétien... En l’Eucharistie surtout, les sens ne servent
de rien. C’est le seul mystère de Jésus-Christ où il en est ainsi... Il faut
croire sur la parole de Jésus-Christ, en faisant le sacrifice de nos sens et de
notre esprit, de notre raison... Cette foi ainsi libre et dégagée des sens, pure
dans son action, nous unit simplement à la vérité de Jésus-Christ au Très Saint
Sacrement... L’âme entre alors dans l’admirable contemplation de cette divine
présence, assez voilée pour en tempérer l’éclat, mais assez transparente à la
vue de la foi. Ce voile eucharistique est un aiguillon pour la foi plutôt qu’une
épreuve.
4°Le voile eucharistique
perfectionne l’amour du fidèle. Il purifie cet amour et le dégage des sens... Le
voile eucharistique spiritualise notre amour pour Jésus-Christ. L’union se fait
alors d’esprit à esprit, de cœur à cœur... L’état caché favorise admirablement
la contemplation... Cependant le voile eucharistique conserve le respect chez
les fidèles, auxquels il inspire une sainte crainte de cette Majesté cachée, en
même temps qu’il est une miséricorde pour les incrédules, en ne les exposant pas
à braver, comme les démons, cette Majesté divine. D’ailleurs, l’amour de
Notre-Seigneur a besoin du mystère, parce qu’il est infini en puissance.”
Et le Père Eymard de
conclure:
“Jésus-Christ ne se cache dans ce mystère que
par égard pour la faiblesse de l’homme, pour se manifester graduellement à lui,
à mesure qu’il grandit dans l’amour...
Ainsi en l’Eucharistie l’âme n’épuise jamais
Jésus. À mesure qu’elle entre dans les profondeurs insondables de sa bonté, elle
y découvre toujours des trésors nouveaux. Jésus est toujours plus aimable à ses
yeux. “Celui qui m’aime, dit-il, sera aimé de mon Père, et moi aussi je
l’aimerai et je me manifesterai à lui.
Qu’est-ce que cette manifestation de Jésus?
C’est le mystère de son amour qui devient lumière, douceur, force, joie, bonheur:
le Ciel dans l’âme.”
5-La Sainte
Communion
L’acte de recevoir l’Eucharistie, c’est la
Communion. Au temps du Père Eymard, au XIXe siècle, on utilisait
davantage le mot de Communion que celui d’Eucharistie. L’Eucharistie, c’est
Jésus présent dans son Don suprême; la Communion, c’est l’acte qui conduit le
fidèle au Don de Jésus.
5-1-La Sainte Communion
est une force
“La Sainte Communion est plus qu’un remède,
c’est une force. Elle nous aide à devenir bons, vertueux et saints.”
Par son amour, Jésus notre bienfaiteur,
“éveille en nous l’amour pour lui, le désir de lui ressembler, l’attrait vers ce
bonheur qui consiste à l’imiter et à vivre de sa propre vie...”
5-2-La
Sainte Communion est une source de bonheur
“La Sainte Communion est une source de bonheur...
Elle est la possession réelle de Jésus-Christ; la possession des trois Personnes
divines est son fruit ineffable. Elle est aussi la paix, car Jésus est le Dieu
de la paix. Elle est encore la douceur, le parfum céleste de la vraie manne du
désert... Comme nous sommes heureux sur la poitrine de Jésus!”
Car nous avons besoin de sentir de temps en
temps la douceur de l’amour:
“Il
le savait bien, ce bon Maître, que nous avons besoin, de temps en temps, de
ressentir la douceur de l’amour; on ne peut pas toujours être sur le Calvaire,
ni sur le champ de bataille. L’enfant repose sur le sein de sa mère; le chrétien,
sur le Cœur de Jésus... Après tout, c’est l’amour qui fait le bonheur de l’homme...
Notre Seigneur a promis à celui qui communie, non seulement une joie céleste sur
la terre, mais de plus il lui a garanti la vie éternelle.”
À des personnes du monde le Père Eymard
conseillait: “Regardez la sainte communion comme un pur don de la
miséricordieuse bonté de Dieu, une invitation à sa table de grâce, parce que
vous êtes pauvre, faible et souffrante; alors vous irez avec joie... Partez de
ce principe: plus je suis pauvre, plus j’ai besoin de Dieu; c’est votre carte
d’entrée vers ce bon Maître. C’est la Communion des saints. C’est la communion
de l’infirme.
La sainte Communion est un grand feu qui dévore
en un instant toutes les pailles de nos imperfections quotidiennes... Cherchez,
en Jésus seul, force, joie et consolation...
Communiez pour aimer, communiez en aimant,
communiez pour aimer davantage... Communiez en pauvre, communiez en mendiante,
en infirme, en malade, mais toujours avec humilité et confiance, avec le désir
de mieux faire et de bien aimer Notre-Seigneur.”
5-3-L’unique nécessaire
“Une seule chose est nécessaire ici-bas: aimer
Dieu et le servir, et c’est la sainte Communion qui, en nous faisant vivre de
Notre-Seigneur, alimente en nous cet amour et nous fait avancer dans la voie de
la sainteté... La sainte Communion est la fin de la vie et sa perfection, elle
est la dévotion royale et qui remplace tout. Elle est pour vous le grand
exercice des vertus chrétiennes, l’acte souverain de l’amour, la pluie du matin.”
5-4-Les richesses de la
Communion
S’adressant à des enfants préparant leur
communion solennelle, le Père Eymard affirme que la visite personnelle de Notre
Seigneur Jésus-Christ leur apportera toutes les grâces, tous les trésors du Ciel.
“Le Roi du ciel et de la terre, Notre Seigneur Jésus-Christ, descend de son
trône de gloire et vient nous visiter; il vient visiter votre corps et votre âme,
il vient y demeurer avec amour, en un mot, il vient vous communier de son Corps,
de son Sang, de son âme et de sa divinité... Il vient en vous pour vous faire
part de toutes ses grâces, de tous ses mérites de la Rédemption...”
Par son Eucharistie, Jésus nous apporte le
bonheur. “Celui-là seul est heureux qui a le cœur content, la conscience en
paix, l’esprit du bien, Dieu pour lui, Jésus-Christ avec lui. Tout dans l’homme
est content et satisfait... On est toujours heureux quand on peut se dire: Jésus
m’aime et je l’aime; nous sommes unis, rien ne me séparera de son amour, de son
service, de sa sainte loi.”
Jésus règne dans les âmes qui le reçoivent dans
l’Eucharistie.”Il y imprime les stigmates de son amour crucifié pour la
rendre plus heureuse au ciel.”
6-La
grandeur de l’Eucharistie
6-1-La préparation
6-1-1-Préparation
lointaine
“Dieu le Père a, pendant quatre mille ans,
préparé les hommes à la venue de Jésus-Christ... Il les a aussi préparés au don
de l’Eucharistie par des prophéties mystérieuses et des réalités figuratives.
David chante la nourriture, la manne nouvelle, que, dans sa bonté, Dieu donnera
à ceux qui le craignent. Malachie annonce l’offrande d’une victime pure qui, en
tout lieu, remplacera les autres sacrifices et glorifiera le nom de Seigneur.
L’agneau Pascal, la manne tombant dans le désert,
le pain apporté par un Ange à Élie persécuté, figuraient l’Eucharistie, et, plus
encore, les miracles du changement de l’eau en vin aux noces de Cana et la
multitude des pains en faveur des auditeurs de Jésus.”
6-1-2-Jésus prépare ses disciples
L’Eucharistie, c’est si grand, que le Seigneur a
voulu préparer ses disciples à la recevoir, et Il a accompli Lui-même cette
grande tâche. “Personne autre que Notre-Seigneur lui-même n’a eu la mission
d’annoncer l’Eucharistie, pas plus que de la donner. Un ange a annoncé
l’Incarnation; ici, Jésus-Christ traite son affaire, il promet, il pose ses
conditions. Et pour l’annoncer, Notre Sauveur n’a pas attendu la fin de sa
mission évangélique...
Jésus a lancé l’idée eucharistique. On l’a
d’abord repoussée, puis on a dit: peut-être est-ce bon. Jésus savait que ses
disciples et le peuple juif allaient se soulever contre cette révélation. Mais
il n’a pas reculé.”
Notre-Seigneur promet l’Eucharistie et prépare
les âmes à la recevoir: “C’est pourquoi, avant la promesse, il a opéré un
miracle qui faciliterait l’acceptation. Il n’a rien voulu brusquer, mais amener
doucement les esprits à se laisser persuader... Ce miracle, c’est la
multiplication des pains.”
6-1-3-Et pour nous? L’Éducation divine
Le Père Eymard écrit:
“Notre préparation doit
s’inspirer de celle de Jésus; elle doit être faite de désir, d’humilité, de
pureté.”
Jésus nous apprend lui-même
à nous préparer
Dans une de ses paraboles, Jésus parle du repas
de noces du fils d’un Roi. Pour y assister, il n’était pas besoin d’être riche:
tout le monde était appelé... mais, tous les invités devaient, pour entrer dans
la salle des noces, avoir revêtu la robe nuptiale. Un homme, on ne sait pas
pourquoi, avait réussi à entrer sans avoir revêtu cette robe. “Le roi le vit,
et le fit mettre dehors... Les autres, quoique pauvres et estropiés purent
rester, parce qu’ils portaient le manteau blanc, la tenue de circonstance.”
Notre Seigneur n’exige pas grand’chose pour nous
admettre à sa table: il demande seulement que nous ayons faim...”
et que nous soyons revêtus de la robe de pureté et d’humilité. “Car
rien ne remplace la pureté de l’âme... Plus l’âme et pure, plus elle devient un
paradis de délices pour le Dieu de l’Eucharistie.”
D’où un conseil, peut-être difficile à mettre en
œuvre de nos jours: “La confession de chaque semaine reste la règle ordinaire
du chrétien admis à la communion fréquente; l’Église la lui conseille vivement.
Mais le moyen quotidien de se purifier de ses fautes de fragilité humaine, c’est
l’amour de Dieu.”
6-2-La foi en l’Eucharistie
La foi en l’Eucharistie n’est pas seulement une
croyance qui échappe à notre raison. Sous l’action de l’Eucharistie elle-même
qui la développe, notre foi devient forte conviction de la présence réelle de
Jésus, et sentiment surnaturel de la vérité de l’Eucharistie.
“Cette foi plus vive en l’Eucharistie ne peut
manquer de produire dans l’âme un plus grand amour pour Jésus-Christ. Impossible
de mieux le connaître sans l’aimer davantage. Cet amour est d’abord un amour de
raison, puis... si on est fidèle, cet amour devient un centre de vie, une
activité de retour d’amour qui occupe le cœur tout entier. La foi elle-même
s’élève à être l’adoration et l’amour de la souveraine volonté de Dieu dans le
don de l’Eucharistie. La raison est venue jusqu’à la porte du tabernacle;
l’amour seul y entre, mais pur et libre, affranchi de toute servitude des sens...
Alors commence la contemplation de Jésus-Christ
qui communique sa science et fait entrer dans les profondeurs de l’amour divin.
“Cette action de Jésus-Christ requiert la sainte Communion; c’est là que se
trouve sa source. Elle se poursuit dans l’adoration eucharistique. L’âme goûte
alors un profond repos. Elle a trouvé son centre et sa fin en la divine
Eucharistie... Elle goûte Jésus-Christ avec tous les mystères de sa vie mortelle
et de son état glorieux... L’âme n’épuisera jamais l’objet, toujours nouveau
pour elle, de l’amour et de la bonté de Jésus-Christ dans l’Eucharistie.”
L’Eucharistie est un très grand mystère.
L’eucharistie n’existe que si Jésus-Christ est vraiment Dieu, et s’Il est
vraiment ressuscité. Aussi Jésus s’est-il souvent efforcé de donner les signes
qui permettront, plus tard, de Le reconnaître comme Dieu, Fils de Dieu. À ceux
qui Lui demandaient ce qu’il fallait faire pour faire les œuvres de Dieu, Jésus
dit: “C’est de croire en Celui qu’Il a envoyé... C’est Lui, le Fils de l’Homme,
qui vous donnera la nourriture qui demeure éternellement...
Notre Seigneur fait appel au témoignage de son
Père, pour obtenir un acte de foi à sa propre divinité: au Jourdain, le Père a
marqué, a sacré son Fils incarné; il a montré ainsi qu’il a communiqué à
l’humanité du Sauveur, le droit de faire des miracles. Avant de réclamer la foi
à l’Eucharistie, Jésus affirme sa puissance divine qui le rend capable de faire
un pareil prodige... Avant de croire à l’œuvre du Cœur de Jésus-Christ, il faut
croire à sa divinité et dire: Seigneur, vous pouvez faire plus que je ne puis
comprendre.”
6-3-L’enseignement de Jésus sur l’Eucharistie
Après la multiplication des pains,
“Notre-Seigneur leur dit: je suis moi-même le pain de vie... le pain vivant
descendu du ciel afin qu’on en mange et qu’on ne meure point... Le pain que je
donnerai, c’est ma chair, celle-là même que je donnerai pour le salut du monde.”
Mais l’objection revient sans cesse contre la
divinité de Jésus: “Les juifs murmurent: n’est-ce pas là Jésus, le fils de
Joseph, dont nous connaissons le père et la mère?... Comment cet homme peut-il
nous donner sa chair à manger? Notre-Seigneur a beau insister sur son origine et
sa mission divines... cela ne les remet pas. Ils sont scandalisés, et non
seulement la foule, mais beaucoup de ses disciples se retirent disant: ce
langage est trop dur, et qui peut l’accepter?”
Beaucoup s’en vont et Jésus ne fait rien pour
les retenir... “Jésus avait toujours recherché et accueilli les pécheurs. Ici
non. Il était même prêt à renvoyer les douze... Mais Pierre s’écrie: “Seigneur,
à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle!” Jésus ne relève pas
la profession de foi de Pierre; sans doute est-il triste à cause de Judas, car
“Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui
était celui qui le trahirait... Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote,
car c’était lui qui devait le trahir.”
Le Père Eymard conclut: “Croire à l’amour, tout
est là; il ne suffit pas de croire à la vérité, il faut croire à l’amour. Et
l’amour, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ au Très Saint Sacrement. Voilà la foi
qui fait aimer Notre-Seigneur.
7-Le
Sacerdoce
7-1-Comment le Sacrifice de Jésus-Christ se perpétue-t-il dans l’Eucharistie?
Par les prêtres, consacrés et consécrateurs de l’Eucharistie.
Comment Jésus remonté au Ciel sera-t-il présent
sur la terre? Ce sera par l’homme devenu son prêtre. Jésus dit:
“J’aimerai l’homme jusqu’à lui être soumis en
tout et toujours. À la voix du prêtre, je serai présent dans l’Hostie...L’honneur
de l’amour est dans son amour même, dans ses dons, dans ses sacrifices. À la vue
de ma condescendance, l’homme comprendra mon amour... Mon amour est sans réserve,
sans condition; je multiplierai mon sacerdoce comme les étoiles du ciel; mes
ministres couvriront le monde de temples et d’autels, afin que partout on
m’offre à mon Père en oblation pure. Mes prêtres seront les incendiaires de ce
feu divin que j’ai apporté du ciel et qu’ils trouveront allumé au saint
Tabernacle. Il faut que l’univers soit incendié par ce feu d’amour...”
”Pour se faire homme, Jésus a voulu avoir une
mère, fille d’Adam... Marie est le fruit de quatre mille ans de préparation, la
fleur de Jessé... Pour inaugurer sa vie dans l’Eucharistie, Jésus se sert d’un
homme dont il fait son prêtre... Jésus fait du prêtre un autre lui-même, et
c’est par le prêtre qu’il sauve les hommes et règne ans le monde. Le prêtre a
donc été la fin du ministère évangélique de Jésus...”
Jésus devait former ses prêtres: “Voilà pourquoi
il a vécu en communauté de vie, pendant trois années consécutives, avec ceux qui
seraient un jour les premiers prêtres. Il devait leur apprendre la miséricorde
envers les pécheurs...”
7-2-Être
prêtre
“Pour être prêtre, dit P.J.Eymard, il faut avoir
le pouvoir d’offrir le sacrifice, qui est essentiel à la religion et au
sacerdoce... C’est à la Cène que le Sauveur a consacré les premiers prêtres, lui,
le souverain Prêtre selon l’ordre de Melchisédech...”
P.J.Eymard précise: Jésus donne une victime à
ses prêtres: Lui-même: “L’autel, ce sont les mains de Jésus-Christ; ce seront
les mains des apôtres et, bientôt, les corps des martyrs sur lesquels on
célébrera la sainte Messe. Le temple, c’est le Cénacle et toutes les églises
catholiques de l’avenir. Jésus ajoute alors ces paroles effrayantes par leur
puissance, adorables dans leurs effets: “Faites ceci en mémoire de moi.” Faites
ceci. Voilà l’ordre qui donne le pouvoir et imprime le caractère sacerdotal.
Oh! comme Jésus fut heureux quand il eut fait,
de ses apôtres, ses prêtres! Comme son Cœur tressaillit de joie!... À peine
eut-il institué l’Eucharistie et le sacerdoce... Jésus s’écria: Maintenant le
Fils de l’Homme a été glorifié...”
7-3-La
condition humaine du prêtre
7-3-1-L’humanité pécheresse du prêtre
Ce qui frappe P.J.Eymard, c‘est la condition
humaine du prêtre revêtu d’un tel pouvoir. Il écrit: “Quand je regarde le prêtre,
que vois-je? Jésus lui a laissé toutes les conséquences du péché originel dont
il était souillé en naissant. Aussi puis-je trouver un prêtre pécheur, esclave
de Satan, tout en gardant sa dignité et sa puissance. Quel contraste! Quel
déshonneur pour Jésus-Christ! Le sacerdoce ne rend donc pas impeccable.
Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il laissé au prêtre
une humanité d’origine pécheresse?
Par miséricorde pour lui, et par
amour pour les fidèles...
Pour le tenir
–
dans l’humilité: il se perdrait par orgueil, comme le séraphin Lucifer;
–
dans la vigilance: il se perdrait au milieu du monde; il a besoin de ce voile de
la pauvre humanité pour lui rappeler qu’il est homme, même au pied de l’autel.
Par égard pour les âmes et pour que
leur foi soit simple et forte; car si la validité de la consécration était
attachée à la perfection du consécrateur, qui oserait monter à l’autel? Les
prêtres les plus saints seraient les premiers à s’en croire indignes...
L’amour de Jésus-Christ a tranché la difficulté.
Le pouvoir consécrateur est attaché au caractère de l’Ordre et à la volonté du
prêtre. C’est un acte humain et divin du prêtre.
7-3-2-Les mauvais prêtres
Et que dire du mauvais prêtre, publiquement
pécheur? Consacrera-t-il l’Eucharistie? Offrira-t-il Jésus en oblation au Père
céleste? Pourra-t-il donner Jésus comme pain de vie aux foules affamées? Jésus
répond:“Oui, j’obéirai à un Judas comme à un saint, à un ennemi de mon amour
comme au disciple de ma dilection... Comme j’ai obéi à mes bourreaux sur la
Croix pour être la victime du salut du monde, j’obéirai de même au sacrificateur
de mon Corps sur l’autel pour être un holocauste d’amour...”
La Passion sera renouvelée par le divin
Sacrement, tous les jours et partout dans le monde. Cela, Jésus le sait et il
“se voit trahi par l’apostasie, vendu par l’intérêt, crucifié par le vice qui le
recevra dans un cœur coupable.”
7-3-3-Mais tout prêtre est sacré
Les chrétiens ne doivent donc pas s’arrêter à
l’homme faible et même pécheur. Aussi le père Eymard a-t-il soin de les mettre
en garde: “Que les chrétiens se gardent de mépriser ce Jésus-Christ humilié;
leur plus grande punition serait de perdre la foi dans le sacerdoce; qu’ils se
gardent de naturaliser cet être divin; ils épuiseraient pour eux les bienfaits
de son ministère sacré. En voyant un prêtre, il faut se dire: que Jésus-Christ
est bon, qu’il est grand!...
Pour avoir foi en l’Eucharistie, il faut d’abord
avoir foi au sacerdoce. Le prêtre peut se présenter à nous comme un homme
ordinaire, simple, pauvre, pécheur même. Le monde s’en montre scandalisé. Et
cependant c’est le prêtre qui est le ministre consécrateur de l’Eucharistie.
Pour croire à l’Eucharistie, il faut avant tout, croire à ce pouvoir du prêtre...
C’est un pouvoir de glorification, car une messe rend plus de gloire à Dieu que
les hommages de tous les êtres créés réunis, sur la terre et dans le ciel... Et
ce pouvoir est attaché au caractère sacerdotal et non à la sainteté du prêtre.”
8-La vie
d’union à Dieu
8-1-L’adoration du Très Saint Sacrement
‘Il faut adorer Jésus-Christ: le Père céleste le
commande. Il veut que tout genou fléchisse devant le Verbe incarné, au ciel, sur
la terre et dans les enfers. Au ciel, toute la cours céleste l’adore.”
L’Apocalypse en parle: “À l’Agneau qui a été immolé, louange, honneur, gloire et
puissance dans les siècles des siècles!”
Sur la terre, Jésus-Christ a été adoré “à sa
naissance, dans ses courses évangéliques, sur la Croix, et après sa mort.
Maintenant il doit être adoré au Très Saint-Sacrement.”
8-1-1-Qu’est-ce qu’adorer?[4]
Adorer, selon le Père Eymard “c’est confesser la
divinité de Jésus-Christ, sa souveraineté, sa puissance dans la sainte Hostie;
c’est une profession de foi.
Adorer, c’est faire acte de soumission à la
parole de Jésus-Christ, de dépendance à l’égard de son autorité. C’est faire
acte d’action de grâce à sa bonté, d’amour de son amour; de louange et de
bénédiction de son infinie miséricorde. L’adoration est l’acte souverain du
chrétien: il renferme tout... Mais il ne faut pas se contenter de l’adoration
intérieure, il faut adorer Jésus-Christ par un culte extérieur de respect et
d’hommages... Jésus-Christ est encore trop peu adoré dans l’Église catholique,
même par les siens... En combien d’endroits, et combien de temps, Jésus-Christ
reste seul!”
8-1-2-Pourquoi l’adoration?
Dans l’Eucharistie, Jésus est vivant: “Il y est
vivant; il veut que nous lui parlions, et il nous parle... Et ce colloque qui
s’établit entre l’âme et Notre-Seigneur, c’est la vraie méditation eucharistique,
c’est l’adoration.”
Il faut aller naturellement à Notre-Seigneur,
même si l’on se sent très pauvre. Le Père Eymard nous dit: “Aimez le livre
inépuisable de l’humilité de l’amour... notre bon Maître préfère la pauvreté de
notre cœur aux plus sublimes pensées et affections des autres... Offrez-lui
votre pauvreté pour qu’il l’enrichisse; c’est un chef-d’œuvre digne de sa gloire.”
Face à l’inutilité de nos efforts pour méditer,
la tentation arrive vite de quitter l’adoration pour faire quelque chose de plus
utile. Il faut rester fidèle coûte que coûte: “Notre Maître attend de nous
l’hommage de la persévérance jusqu’à la dernière minute du temps que nous
devions lui consacrer... Le vrai amour ne regarde pas ce qu’il donne, mais ce
que mérite son bien-aimé.”
8-1-3-Pierre-Julien Eymard était-il prophète?
Dans ses notes personnelles, le Père Eymard
écrivait:“Jamais siècle[5]
n’a attaqué plus violemment Notre-Seigneur Jésus-Christ; c’est le grand scandale
de notre époque... Les moyens ordinaires ne suffisent plus à raviver l’esprit
chrétien... La religion a été attaquée dans sa base: la divinité de Jésus-Christ
même. Il faut comme une nouvelle prédication, une nouvelle manifestation de
Jésus-Christ pour renouveler la foi qui va en s’éteignant.
Il faut ranimer la foi par l’amour, et l’amour,
par son foyer divin.... Il faut le Soleil divin aux âmes engourdies, gelées par
l’incrédulité négative ou par l’indifférence pratique: on guérit la tête par le
cœur. L’adoration eucharistique est une protestation nécessaire contre
l’incrédulité actuelle... L’adoration du Très saint Sacrement est donc aussi une
réparation, combien nécessaire, pour ceux qui se rendent coupables de
lèse-majesté, de lèse-divinité envers Jésus-Christ dans l’Eucharistie.”
Hymne à l’Eucharistie
Contemplons Jésus dans son Eucharistie, et
adorons-le avec les paroles de Pierre-Julien Eymard:
“L’Eucharistie est comme un
fleuve de vie sortant du Cénacle et serpentant à travers tous les peuples, puis
allant se perdre dans l’océan de l’éternité. C’est un soleil d’amour inépuisable,
toujours beau qui précède, accompagne et suit toutes les générations. C’est la
colonne de feu et de nuée dans le désert de la vie; la manne pour le voyage vers
l’au-delà; le tabernacle ambulant avec le peuple de Dieu; la source d’eau vive
qui jaillit jusqu’à la vie éternelle.”
8-2-L’Eucharistie conduit à la vie d’union à Dieu
“La Communion est une union
d’amour, elle est le Sacrement de l’amour. Mais l’amour veut l’unité de
sentiments, de pensées, de joies et de peines, en un mot: l’unité de vie...”
8-2-1-La communion établit en nous la vie d’union à Dieu.
“Dans l’Eucharistie, Jésus
est substantiellement, et c’est par sa substance qu’il vient s’unir à nous.
L’Eucharistie étend, en quelque sorte, l’Incarnation à chaque homme en
particulier... Quelle merveille d’amour que cette union eucharistique! Notre
corps est uni à celui de Jésus, notre âme à son âme; sa divinité les sanctifie
aussi, l’un et l’autre... Notre corps acquiert peu à peu, la grâce, la
délicatesse, les mœurs de celui de Jésus-Christ, il vit par cette sève
surnaturelle, il se spiritualise...”
Mais Jésus ne fait que
passer dans notre corps. “C’est l’âme qui reçoit vraiment Jésus et entre en
communication avec sa vie divine... Et Notre Seigneur, avant de rien demander à
l’âme, commence par lui donner un sentiment de sa bonté qui la pénètre... Cette
grâce de douceur, ce sentiment de bonheur est immédiat... Mais il faut que l’âme,
assidue à la sainte Table, aime Jésus pour lui-même... Car Jésus ne cherche pas
son intérêt dans l’amour qu’il a pour nous; il veut bien plutôt nous rendre
heureux. S’il nous demande tout, c’est pour que nous puissions prouver que nous
l’aimons véritablement comme il nous a aimés.”
Ce n’est plus moi qui vis,
c’est le Christ qui vit en moi.” disait St Paul. L’Eucharistie “c’est vraiment,
selon Pierre-Julien Eymard, une extension mystérieuse de l’Incarnation.”
8-2-2-L’Union à l’Esprit-Saint
“On ne s’unit pas assez au
Saint-Esprit, on le recherche trop peu... Pensons que l’Esprit Saint est en nous,
tout disposé, si nous recourons à lui, à nous suggérer la manière de bien
recevoir Notre-Seigneur. Rappelons-nous seulement que la disposition qui lui
plaît le plus en nous, est l’humilité... Laissons l’Esprit-Saint travailler en
nous et y former Notre-Seigneur... Que chacune de nos communions soit comme une
pentecôte personnelle.”
8-2-3-Le désir de la communion
“L’homme vit de désirs; il
ne cherche rien, ne va à rien, que d’abord il ne l’ait désiré. Un désir divin
nous pousse à la communion au point de nous donner le courage de faire, sans
trembler, de Jésus-Christ, juge du ciel et de la terre, notre nourriture... La
faim de Dieu excuse notre témérité... La faim d’amour est l’apanage des âmes
toutes pures et avides de perfection.”
Comme un cerf soupire après les eaux vives,
ainsi mon âme a soif de Toi, Seigneur![6] “L’amour
devrait nous rendre toujours prêts à communier: l’amour soupire, languit après
le Bien-aimé...” D’où le conseil de P.J. Eymard: “Exaltez l’amour immense qui le
fait (Jésus-Christ) en l’Eucharistie, devenir la victime perpétuelle de votre
salut, l’aliment divin de votre vie, l’ami si tendre et si constant de votre
exil... Demandez de saints prêtres pour les peuples, de fervents religieux dans
l’Église, de bons adorateurs pour son divin Sacrement: priez pour le règne
eucharistique de Jésus.”
8-2-4-L’état de grâce[7]
”L’Eucharistie est un
nourriture, un pain de délices. Pour s’en nourrir et le goûter, la première
condition, c’est d’être vivant, c’est-à-dire en état de grâce. C’est la seule
condition essentielle: être exempt de péché mortel... La loi indispensable de la
Communion, celle qui regarde tout le monde, c’est d’être exempt de péché mortel...
J’appuie bien sur ce point: on doit être exempt de péché mortel; autrement le
pain de vie deviendrait pour vous un pain de mort.
La Communion est un banquet
céleste, le repas nuptial de l’Agneau où lui-même est celui qui invite et celui
qui nourrit. La convenance ne demande-t-elle pas, dans le monde, qu’on soit
honorable en pareille circonstance? C’est un grand honneur d’être invité par un
supérieur. Qui oserait se présenter avec des vêtements malpropres? Personne.
Faites donc pour Jésus-Christ ce que vous feriez pour un homme...
Quand l’âme est pure, même
des péchés véniels volontaires, Notre-Seigneur agit avec force et sans entrave:
il illumine l’esprit, excite la volonté, enflamme le cœur. Jésus entre dans
l’intimité de cette âme comme dans une chambre d’amitié où il n’y a rien qui lui
déplaise, savourant le parfum des bons désirs qu’elle y a répandus pour lui. Il
se passe alors entre lui et l’âme pure des choses ineffables. L’âme devient
d’une délicatesse inouïe; elle ne se compte plus, ne fait plus qu’un avec Jésus-Christ:
prenez tout, lui dit-elle, régnez sur tout; soyez à jamais mon amour, je serai
votre servante pour l’éternité".
9-L’éducation
divine
9-1-La
joie de l’esprit - L’éducation divine
La communion, plus que tout autre moyen, ouvre
l’intelligence aux choses spirituelles. “La foi peut mener loin dans la
connaissance de Dieu, cependant elle n’est en définitive, qu’une lumière; la
communion est une lumière aussi, mais, de plus, elle est une union avec Dieu.”
La grâce et le triomphe de l’Eucharistie, c’est
de former Jésus-Christ en nous.”Toute éducation chrétienne, sous peine de rester
incomplète, doit être soumise à l’influence de l’Eucharistie; or sur quoi porte
cette éducation qui vient directement de Notre-Seigneur dans la communion? Sur
deux points: la vérité divine et l’amour divin.”
Saint Pierre-Julien Eymard a, chaque fois qu’il
parle du goût de l’Eucharistie, des expressions très fortes qui peuvent
dérouter nos mentalités encore imprégnées de jansénisme et de la crainte des
grâces sensibles. Il revient souvent sur cette question primordiale: “Celui qui
ne communie pas n’a guère qu’une science religieuse spéculative; il sait des
termes, des mots, mais il ignore leur signification profonde... Il ne sait pas
Notre-Seigneur... Jésus ne se fait bien connaître que par lui-même; c’est
l’apprentissage de la vérité par la vérité elle-même...”
9-2-L’Eucharistie conduit à l’amour
“Cette révélation intime
pousse ensuite l’esprit et le cœur à rechercher les raisons profondes des
mystères, à sonder la bonté de Notre-Seigneur qui les a inspirés; elle mène à
aimer, car c’est peu de savoir, il faut embraser et agir...
Voilà pourquoi l’adoration,
faite dans la Communion et sous son influence, non seulement médite, voit et
contemple, mais elle aime. Comme au ciel, on va alors de clarté en clarté, car
le Sauveur est toujours nouveau: on n’a jamais fini de le connaître. C’est
l’apathie, la paresse, qui se contentent des données extérieures; l’amour, lui,
veut aller toujours de l’avant, il pénètre, il sonde son objet. Ah! si on osait
sonder Notre-Seigneur, comme on l’aimerait!
La communion forme aussi
notre cœur à l’amour divin... L’Eucharistie est le Sacrement d’amour où Jésus-Christ
épuise son amour pour nous... Mais pour apprendre comment l’aimer, il faut se
sentir aimé. Notre-Seigneur s’est réservé cette mission.
C’est Notre-Seigneur qui
opère cette œuvre dans la communion; il y donne d’abord le sentiment de l’amour,
puis il fait saisir les raisons de cet amour, enfin il conduit jusqu’à
l’héroïsme dans l’amour... À la Communion, c’est le bonheur pur, sans mélange;
là seulement on voit, on pèse les sacrifices de Jésus-Christ pour arriver
jusqu’à nous; on finit par éclater en transports de joie et par dire: comment
pouvez-vous tant m’aimer? Et l’on se lève de la Table sainte comme jetant des
flammes d’amour: tanquam ignem spirantes?... L’amour ainsi senti produit
toujours le dévouement de correspondance. Voyez Zachée: touché de la miséricorde
de Jésus, non seulement il veut réparer tous ses torts, mais il va jusqu’à la
plus large générosité.
Ce qu’en pratique il y a à
faire, l’amour l’indique. Il porte à sortir de soi pour s’élever jusqu’aux
vertus de Notre-Seigneur, et l’éducation, ainsi commencée par lui, va loin et
vite".
9-3-Le
goût de Dieu
“Le goût de Dieu, c’est le
sentiment de famille qui nous introduit dans l’intimité de son esprit, dans la
tendresse de son cœur. Ce goût nous le fait connaître plus par impression que
par raison; il nous donne en particulier, un attrait plus marqué pour
l’Eucharistie et tout ce qui s’y rattache, il nous fait pénétrer sans peine en
Jésus-Christ. C’est presque un mystère que cette facilité, que cette aptitude:
c’est la grâce spéciale de la Communion... Par la communion nous entrons dans
l’amour, dans le Cœur de Jésus-Christ, nous prenons l’esprit de son amour, son
propre sens, son propre jugement.”
Le raisonnement paralyse
souvent l’effet de la communion: ”Écoutez donc un peu Notre-Seigneur. Ce n’est
pas le moment de chercher, mais de goûter; c’est le temps où Jésus-Christ se
fait connaître par lui-même... L’âme qui a connu Notre-Seigneur et a joui de lui,
ne sait plus se complaire en rien de créé; rien en effet ne peut être mis en
parallèle avec Jésus. Notre-Seigneur a déposé dans cette âme un besoin de lui
que personne, que rien autre, ne pourra satisfaire. Et parce que l’amour vit de
désir, l’âme sainte qui a communié éprouve un désir continuel de s’unir à
Notre-Seigneur... Jésus-Christ répond à son désir, il la mène de clarté en
clarté; et comme il est inépuisable, jamais elle ne sera rassasiée...
Craignez l’abus, dira-t-on.
Est-ce que les élus abusent de Dieu dans le Ciel, parce que chaque jour ils le
connaissent mieux et trouvent en lui un bonheur plus grand? Vous aussi communiez
et vous goûterez, vous verrez combien le Seigneur est bon. Quel malheur de
n’être pas cru sur ce point! "
9-4-La
sainteté
Pour mieux se faire comprendre, le Père Eymard
cite des saints: “Il existe deux sortes de gens qui doivent communier souvent:
les parfaits, parce qu’étant bien disposés, ils auraient grand tort de ne point
s’approcher de la source et fontaine de perfection, et les imparfaits, afin de
pouvoir justement prétendre à la perfection.”[8]
Saint Pierre-Julien Eymard ira encore plus loin:
“La Sainte Communion est le remède le plus puissant contre les trois maladies
qui peuvent atteindre notre âme: le péché véniel, les ardeurs de la
concupiscence dont se sert le démon pour nous tenter, le découragement dans le
combat spirituel, causé par la vue de nos imperfections. Elle nous purifie du
péché véniel, elle nous prémunit contre notre concupiscence et les tentations du
démon, elle nous encourage dans les efforts vers le bien.”
Le Père Eymard donne aussi l’exemple de l’Église
qui “avant de laisser partir les confesseurs de la foi pour le lieu du supplice,
avait soin de les fortifier par la réception du Corps et du Sang de Jésus-Christ.”
Nous sommes en mars 1867. Pierre-Julien Eymard,
dans une de ses homélies, fait une curieuse remarque: “On demande comment
l’Europe a perdu la foi. C’est qu’on ne communie plus ou presque plus... Les
fidèles sont engourdis et paralysés. Comment les ranimer? Rendez-leur le pain
qui seul les réconfortera; mettez-les sous les rayons du soleil vivificateur de
l’amour divin... Ensuite, incorporés au Corps mystique de Jésus-Christ, les
justes sont peu à peu changés spirituellement en lui... En recevant le Corps et
le Sang du Sauveur et en les recevant souvent, la sainteté de Jésus-Christ
pénètre toujours davantage dans le cœur des justes et leur donne la vigueur
nécessaire pour aller sans cesse en progressant dans le chemin de la
perfection.”
De nos jours, en 2003, ceux qui vont encore à la
messe communient beaucoup, mais ils ne se confessent plus jamais. Et ils
n’adorent plus le Saint Sacrement exposé. Ne faudrait-il pas redonner aux
Chrétiens du XXIème siècle les ingrédients: confession et adoration qui seuls
permettent l’assimilation de l’aliment eucharistique, et conduisent à la
sainteté véritable?...
“La sainteté, sur cette terre, n’est autre chose
qu’une ascension continuelle vers Dieu, une aspiration de l’âme vers lui, une
tendance à ne chercher que lui, sa volonté, sa plus grande gloire.”
10-La Gloire
du Père et de l’Église
10-1-La
Gloire du Père
La raison suprême de l’Eucharistie, c’est la
gloire du Père. Sur la terre, dans l’Eucharistie, Jésus, Fils et Verbe de Dieu,
“continue son office d’adorateur, de glorificateur de son Père. Il est
Eucharistie, sacrifice et sacrement.” Jésus là, présent dans le tabernacle,
“adore son Père et lui rend grâces; il continue son office d’intercesseur pour
les hommes; il se fait victime de réparation, de propitiation, offerte à la
gloire de Dieu outragée. L’autel est son calvaire mystique, et là il redit: Père,
pardonnez-leur, je vous offre mes plaies, je vous offre mon sang.”
Dans l’Eucharistie, le Père reçoit un hommage
nouveau, l’offrande de la gloire de son Fils ressuscité et glorieux, mais
gloire cachée dans la plus grande humilité: “Le voilà encore pauvre comme à
Bethléem, lui, le Roi du ciel et de la terre; humble et humilié comme à
Nazareth; obéissant non seulement jusqu’à la Croix, mais subissant avec
mansuétude les profanations et les communions sacrilèges.
Doux Agneau qui ne se plaint jamais.
Tendre Victime qui ne profère jamais de menace.
Bon Sauveur qui n’exerce jamais de vengeance.”
Tout cela pour glorifier son Père... Spectacle
digne d’admiration pour les anges; condamnation pour les démons. “Dans le Ciel,
Lucifer et ses milices angéliques péchèrent par orgueil. Jésus-Christ, glorieux
dans le Ciel, s’humilie, sur la terre, dans l’Eucharistie, pour honorer le Père
céleste et restaurer sa gloire,en contrebalançant et en expiant l’orgueil de
l’homme.”
10-2-La
gloire de l’Église
Jésus-Christ aime son Église, son épouse. Dans
l’Eucharistie, il reste avec elle pour être sa vie, sa puissance et sa gloire.
L’Eucharistie est le centre du Cœur de l’Église; elle en est aussi l’âme. “La
vie d’une épouse privée de son époux n’est plus une vie, c’est le deuil, c’est
l’agonie. À côté de son époux, elle est forte et heureuse de le servir...
C’est par l’Eucharistie que l’Église est féconde,
puisque c’est l’extension de l’Incarnation. Par l’Eucharistie, Pain de vie avec
lequel elle nourrit divinement les âmes, elle fait grandir en elles Jésus-Christ...
L’Époux est la gloire de l’épouse... L’Église,
devant l’Eucharistie, est belle aux jours de fête de son divin Époux et Sauveur...
Elle est heureuse dans les chants d’amour et de gloire qu’elle fait monter vers
son Roi et son Dieu... L’Église est triomphante par son service eucharistique...
Reine-mère, elle est alors à la tête de ses enfants dans un même hommage, un
même amour: c’est le règne de l’Eucharistie et de l’Église.”
11-Conclusion
“Jésus, par l’Eucharistie, répand d’abord dans
notre âme, et, par elle dans nos sens, la grâce et l’onction de son amour...
C’est une attraction délicieuse vers Jésus, qui nous fait désirer de le mieux
connaître...
La Communion, voilà aussi le grand triomphe de
Jésus-Christ en l’homme; par elle, il l’unit à son corps et à son sang. C’est
une fusion par l’amour et dans l’amour; c’est un foyer d’amour divin qui
s’allume dans l’homme et dont les étincelles embraseront toutes ses facultés
pour le bien".
Le Sacrement de l’amour
L’Eucharistie est, par excellence, le Sacrement
d’amour... L’Eucharistie, seule nous donne Jésus-Christ en personne, avec tout
ce qu’il a et tout ce qu’il est. Aussi constitue-t-elle la plus grande preuve de
l’amour de Dieu pour nous. C’est le Sacrement des sacrements...
“Demeurez dans mon amour” a
dit Jésus... “Par l’Eucharistie, Jésus dépose dans nos cœurs une grâce d’amour,
il met en nous le foyer de l’incendie, il l’allume, il l’entretient par ses
fréquentes venues, il fait l’expansion de cette flamme... Et ce feu, si nous le
voulons, ne s’éteindra pas, car son foyer c’est Jésus-Christ lui-même qui
l’entretient en nous; il brûlera avec l’aide de la grâce de Dieu, tant que nous
le voudrons, tant que le péché ne viendra pas l’étouffer.”
Paulette Leblanc
[1] Le
recueil de texte intitulé “La Sainte
Eucharistie” est une compilation d’écrits du
Père Eymard, traitant de la Présence réelle, de la Sainte Messe et de la
Sainte Communion. Les livres dont nous les avons extraits ont été
publiés en 1953, par la Librairie Eucharistique (23 Avenue de Friedland
à Paris, VIIIè)
[2] Saint
Pierre-Julien Eymard rappelle ici la signification des vêtements
liturgiques revêtus par le prêtre qui va célébrer la Messe.
-L’amict est l’image du voile jeté par les
soldats sur la face adorable de Jésus.
-L’aube symbolise la robe blanche dont, par
dérision, Hérode fit revêtir Jésus.
-Le cordon rappelle les liens imposés à
Jésus pour le conduire de Gethsémani au tribunal de Caïphe.
-Le manipule, les chaînes qui le lièrent à
la colonne de la flagellation.
-L’étole, les cordes avec lesquelles il fut
traîné jusqu’au Calvaire.
-La chasuble figure le manteau d’écarlate
dont on affubla Jésus au prétoire, ou encore la croix dont il fut
chargé.
[3] Extraits
de conférences ou de sermons du Père Eymard
[4] Extrait
des notes de Pierre-Julien Eymard
[5] Il
ne faut pas oublier que les lignes qui suivent ont été écrites au XIXè
siècle, malgré leur actualité brûlante.
[7] Extraits
d’une homélie prêchée à Paris le 9 mai 1867
[8] Nous
pouvons confirmer: en effet, ainsi que le dira bien plus tard la
Constitution Apostolique Christus Dominus du 6 janvier 1953, la
sainte Communion est le grand moyen de sainteté que Jésus-Christ nous
donne dans son amour.
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