Remacle de Tongres Évêque

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Remacle de Tongres
Évêque, Saint
598-675

La jeunesse et le rôle politique

Remacle était le fils de nobles personnages, Albutius et Matrinia, et naquit dans le Berry, à Bourges sans doute, en 598, sous le règne de Clotaire II. Il reçut une éducation soignée conduite par saint Sulpice, à cette époque archidiacre de la cathédrale de Bourges. Lorsque saint Sulpice devint évêque de Bourges, il ne put, faute de temps, continuer à se consacrer à l’éducation du jeune homme et le confia aux bons soins de saint Éloi, évêque de Noyon. Lorsque ses études furent assez avancées, Remacle accéda au diaconat puis à la prêtrise. En 628, saint Éloi, absorbé par ses multiples tâches ecclésiastiques autant que politiques – il était le conseiller du roi Clotaire – désigna Remacle pour lui succéder à la tête du monastère de Solignac, près de Limoges. Remacle fut ensuite désigné comme vicaire général du diocèse de Noyon. En 635, le roi Dagobert l’appela à la cour et lui confia les fonctions de principal conseiller. C’est donc lui, plutôt qu’Éloi, qui aurait pu chanter le fameux petit couplet du bon roi Dagobert…

L'évêché de Tongres

Au bout de quelques années d’intense activité politique, Remacle émit le désir de faire retraite. Quoique à grand regret, Dagobert l’y autorisa en 645 et lui accorda de pouvoir se retirer au monastère de Cugnon, sur la Semois, entre Bouillon et Chiny, non loin de Paliseul. Au cours de cette retraite, Remacle se rendait souvent dans une grotte des environs pour y méditer et y prier. On a mis en doute le fait que le monastère qu’avait fondé Remacle à Cugnon ait été un succès. D’aucuns pensent que, trop souvent sollicité par les grands qui venaient le consulter, Remacle crut devoir quitter Cugnon pour s’en aller plus au nord. Nous en sommes, sur ce point réduit aux conjectures.

Mais la réputation de sainteté de Remacle s’était répandue à travers tout le pays. Or, précisément, saint Amand, l’évêque de Tongres, désirait se retirer du monde et la rumeur universelle appelait Remacle à lui succéder. Le clergé et le peuple supplièrent le roi d’accepter que Remacle leur fût donné comme évêque, ce que le souverain accepta de bon gré. Il s’entremit personnellement pour persuader Remacle d’accepter cette charge, car Remacle n’entendait nullement quitter sa retraite. À force de persuasion, il finit pourtant par accepter en 650. Il exerça sa dignité avec détermination et sainteté et mit un zèle tout particulier à évangéliser les régions de son diocèse encore imparfaitement chrétiennes, le fond de l’Ardenne en particulier. A sa demande, le roi d’Austrasie, Sigebert III, lui accorda les moyens nécessaires à la fondation de deux abbayes : Stavelot et Malmedy.

Les abbayes de Stavelot et de Malmedy

Le fait est que selon Notger, à qui l’on attribue une Vita Sancti Remacli – due sans doute à Hériger – dit que le roi Sigebert donna dans la forêt d’Ardenne à Remacle une étendue de douze milles de diamètre (soit environ 50 km) autour de ce qui est maintenant Stavelot. Peu après il lui accordait le droit de tonlieu dans certains ports aquitains et la libre navigation sur la Loire. Le territoire ardennais concédé à Remacle était trop considérable pour pouvoir être efficacement exploité. Aussi, en 666, le saint demanda-t-il lui-même à Childéric II, successeur de Sigebert, de le réduire de moitié.

L’hagiographie s’étend longuement sur les multiples difficultés qu’eut à rencontrer Remacle pour arriver à fonder ces monastères : nature hostile et sauvagerie des habitants. Arrivé à Malmedy, il rencontre des signes « très manifestes de l’idolâtrie et du paganisme, tels qu’on y voyait des pierres taillées à l’honneur de Diane et d’autres faux dieux et déesses. Il y trouva des fontaines fort propres à l’usage des hommes, mais corrompues par les superstitions des païens, et pour cela sujette à l’infection des démons, ce qui fit résoudre le saint à avoir recours aux prières de l’Eglise et au signe de la Croix, et par ce moyen, il purifia le lieu, et il en chassa le démon, en signe de quoi l’eau sortit incontinent goutte à goutte de sa source et tarit subitement. A cette vue, le saint se prépara à opérer une autre œuvre merveilleuse, en faisant revenir une eau plus pure et plus salutaire. Il posa sur la source de la fontaine une grosse pierre ; il y grava le signe de la Croix, puis il y répandit du plomb fondu, et enfin il y donna sa sainte bénédiction, laquelle fut suivie d’une grande abondance d’eaux, qui en découlèrent à l’instant et en découlent encore aujourd’hui. » Gageons que personne ne pense à cela en buvant un verre d’eau de Spa…

Quittant Malmedy, Remacle se rendit à Challes, à environ un kilomètre de Stavelot, sur les bords de l’Eau Rouge. Le charme de l’endroit le séduisit mais l’étroitesse du lieu le força à descendre un peu en aval de l’Amblève pour y fonder l’Abbaye de Stavelot.

Naturellement, Remacle ne se contente pas de s’occuper de ces deux abbayes, étrangement situées à cheval sur la frontière de son diocèse (Stavelot est à Tongres et Malmedy à Cologne), mais continua de vaquer à ses occupations pastorales dans l’évêché de Tongres. Il choisit donc un certain Théodard pour diriger les communautés jumelles de Stavelot et Malmedy. Théodard était un disciple de l’ancien évêque Jean de Hermalle.

Remacle continua à parcourir son diocèse et, notamment, l’aride Campine. Vers 655, alors qu’il était à Zepperen, non loin de Tongres, il reçut la visite de Trudon qui venait d’être ordonné prêtre à Metz, mais qui avait été son disciple et qui était l’héritier d’une richissime famille. A l’instigation de l’évêque, Trudon fonda une abbaye qui devint le cœur de la ville de Saint-Trond. Saint Remacle fit de Trudon son auxiliaire dans la direction des affaires de son diocèse. Mais le rêve de Remacle était toujours de se retirer du monde. Lorsque cette intention finit par être connue du peuple diocésain, ce fut un concert de protestations : il n’était pas question de se priver d’un aussi excellent pasteur. Remacle proposa alors de se faire remplacer par Théodard qui dirigeait les communautés de Stavelot et Malmedy. Si bien que, sur proposition de Remacle, du peuple et du roi, Théodard fut désigné par le pape pour assumer la charge d’évêque de Tongres. Quant à saint Remacle, il reprit la direction des abbayes de Stavelot-Malmedy. On raconte que la quiétude de Stavelot était troublée par les hurlements des loups, dans lesquels les esprits simples de l’époque voyaient une manifestation diabolique. Saint Remacle ne manqua pas d’éloigner miraculeusement les loups – dont un exemplaire reste pourtant dans les armes de Stavelot – et l’on put vivre en sûreté sous l’autorité du saint abbé. Stavelot et Malmedy devinrent de hauts lieux d’études qui attirèrent nombre des meilleurs esprits de l’époque. Les territoires gérés par les abbayes jumelles de Stavelot et de Malmedy constituèrent plus tard une principauté totalement indépendante sur laquelle régnait leur abbé.

Entre-temps, Remacle continuait à convertir les populations ardennaises, laissant son empreinte un peu partout. Ce n’est pas une métaphore : il existe encore à Spa, au lieu dit « La Sauvenière », un Pas de saint Remacle au bord d’une source célèbre. C’est sans doute à saint Remacle que Spa doit la naissance de sa renommée comme ville d’eau, encore que certains prétendent faire remonter cette réputation à l’époque romaine.

Il semble que Remacle se rendit à Rome en 668. Ce voyage est contesté par d’aucuns mais il est vraisemblable et l’hagiographie le conte par le menu. C’est au retour de ce voyage qu’il fut conquis par les hautes vertus de son disciple et compagnon, saint Hadelin, lequel il chargea de fonder le monastère de Celles, à quelques pas de Dinant. Les restes de saint Hadelin sont vénérés à Visé où le prince-évêque Adolphe de La Marck les fit transférer en 1338. Quant à Remacle, il regagna Stavelot où il reprit sa vie de prières et de méditations, comptant parmi ses élèves un certain Lambertdont nous reparlerons d’abondance. En 675, Remacle qui avait atteint un âge avancé eut le présage de sa fin prochaine et se mit en ordre avant de rendre le dernier soupir. Il fut inhumé à l’abbaye de Stavelot dans l’oratoire dédié à saint Martin de Tours. Sa tombe fut immédiatement l’objet de la vénération générale et de nombreux miracles s’y produisirent.

Les sources de la vie de saint Remacle

Comme toujours pour les saints de cette époque, somme toute assez reculée, l’hagiographie mêle intimement la légende et la réalité. Cependant la vie que nous venons de raconter est exacte dans sa plus grande partie. Les origines du saint, son éducation, son épiscopat, la fondation des abbayes jumelles, voilà toutes choses qui sont avérées. Il y a sans doute quelques contestations à propos des dates : sa mort date-t-elle de 669 ou de 675 ? Mais la date de son accession au trône épiscopal et celle de sa résignation ne font aucun doute quoi qu’en disent certains qui vont même jusqu’à contester le fait que Remacle ait jamais été évêque de Tongres.

Il n’est peut-être pas totalement inutile de citer les sources qui nous permettent d’en savoir autant sur saint Remacle. Une première vie de saint Remacle a été écrite dans la première moitié du IX° siècle. Elle est l’œuvre d’un moine de Stavelot dont la langue est assez rude, pour ne pas dire « barbare ». La Vita Secunda Sancti Remacli a longtemps été attribuée à Notger, le premier prince-évêque de Liège. Il s’agit d’un remaniement de la Vita prima que l’on peut dater d'entre 972 et 980, et c’est sans doute l’œuvre d’Hériger dont on sait qu’il était très proche de Notger. Un autre manuscrit, Miracula Sancti Remacli, est une œuvre collective des moines de Stavelot qui l’entamèrent entre 851 et 861 et le terminèrent en tout cas avant 1008. Si tout ce qui est raconté dans ce dernier ouvrage ne doit pas être pris au pied de la lettre, il s’agit d’un témoignage du plus haut intérêt sur les mœurs des IXe et Xe siècles, infiniment riche de détails passionnants. Dernière remarque : la tête de saint Remacle est conservée dans un admirable reliquaire d’argent du XIII° siècle qui fait partie des collections des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles.

Michel Damiens

Eléments de bibliographie

Notker – Vita S. Remacli, chap.12 – cité par A. Courtejoie – Les Illustrations de Stavelot – Liège – J.-G. Lardinois, Éditeur, 1848.
Hériger – 
Gesta episcoporum Tungrensium, Trajectensium et Leodiensium.
Henri Pirenne – Histoire de Belgique, vol 1, 2° édition – Bruxelles, Henri Lamertin, 1902.
Missel et Vespéral – Anvers, V. Van Dieren & Cie, 1933.
Rodolphe de Warsage – Calendrier populaire wallon ; Reprint de l’édition de 1920 – Bruxelles, Editions Libro-Sciences, 1988.
Bibliotheca sanctorum (direttori : Filippo Caraffa, Giuseppe Morelli ; presentazione Pietro Ciriaci) – Roma : Istituto Giovanni XXIII nella Pontificia Universita Lateranense, 1961 …
Biographie nationale, publiée par l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique.

http://www.larousse.fr/encyclopedie/auteur/Michel_Damiens/55793

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