L'Église
des
Goths
à
l'Église
de
Cappadoce,
et
à
tous
les
chrétiens
de
l'Église
catholique,
la
miséricorde,
la
paix
et
la
charité
de
Dieu,
le
Père,
et
de
son
Fils
Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Cette
parole
de
saint
Pierre
est
très
véritable De
quelque
nation
que
soit
un
homme,
s'il
craint
Dieu,
et
s'il
aime
la
justice,
il
est
agréable
à
Dieu.
Cette
parole,
disons-nous,
a
été
accomplie
en
la
personne
de
saint
Sabas,
illustre
par
sa
vertu,
plus
illustre
par
son
martyre.
Car
étant
Goth
de
nation,
né
dans
une
terre
barbare,
élevé
et
nourri
au
milieu
d'une
nation
perverse,
il
sut
toutefois
se
former
sur
les
plus
grands
saints,
et
il
cultiva
avec
tant
de
soin
et
d'application
toutes
les
vertus,
qu'il
brillait
parmi
ses
compatriotes
comme
une
étoile
dans
une
nuit
obscure.
Il
avait
embrassé
la
religion
chrétienne
dès
sa
première
jeunesse,
et
il
conçut
pour
la
piété
une
estime
si
sincère,
qu'il
s'étudia
toute
sa
vie
à
l'acquérir
dans
toute
sa
perfection,
se
formant
autant
qu'il
pouvait
sur
Jésus-Christ
même,
qu'il
se
proposa
toujours
pour
modèle.
Et
parce
que
toutes
choses
réussissent
par
un
effet
de
la
bonté
de
Dieu,
à
l'avantage
de
ceux
qui
l'aiment,
Sabas,
après
avoir
combattu
contre
les
puissances
de
l'enfer,
et
contre
les
maux
de
la
vie,
victorieux
des
uns
et
des
autres,
mérita
de
remporter
le
prix
dû
à
sa
valeur
et
à
sa
persévérance.
Ce
serait
donc
en
quelque
sorte
vouloir
dérober
à
Dieu
sa
propre
gloire,
que
de
supprimer
celle
de
son
serviteur;
et
envier
aux
siècles
à
venir
un
grand
sujet
d'éducation, que d'ensevelir
dans le silence la mémoire de Sabas et de ses vertus. C'est ce
qui nous a engagé à mettre par écrit celles qui ont le plus
éclaté durant sa vie, et qui ont le plus contribué à rendre sa
mort glorieuse. Sa foi fut pure sans aucun mélange d'erreur son
obéissance fut prompte sans précipitation sa douceur fut humble
sans bassesse. Il avait une éloquence naturelle, que l'art
n'avait ni cultivée ni polie son discours avait de la force,
quoique négligé et sans affectation sa science n'avait pas moins
de profondeur que d'étendue. Affable envers tout le monde, mais
avec dignité véritable, intrépide, et sans ménagements pour les
ennemis de sa religion modeste, parlant peu, d'une humeur
paisible, mais vif pour tout ce qui regardait les intérêts de
Dieu se plaisant à chanter ses louanges dans l'église, prenant
soin d'y maintenir l'ordre, et procurant de tout son pouvoir la
propreté des ornements et la décoration des autels. Sans attache
aux biens de la fortune, sobre, chaste, évitant d'avoir aucun
entretien avec des femmes, persuadé que tout commerce avec le
sexe, quelque innocent qu'il paraisse, peut avoir des suites
très dangereuses. Passant les jours et les nuits dans la prière,
et toute sa vie dans les exercices continuels d'une pénitence
sérieuse fuyant la vaine gloire, portant tout le monde à l'amour
de la vertu par ses paroles et par ses exemples s'acquittant
avec une grande fidélité des devoirs de son état; enfin,
joignant à tant de vertus un désir ardent de glorifier
Jésus-Christ, l'ayant confessé généreusement par trois fois, et
ayant scellé par son sang sa troisième confession.
Les
principaux d'entre les Goths et leurs magistrats étaient païens
ils entreprirent de détruire la religion chrétienne dans la
Gothie. La persécution commença par obliger les fidèles à manger
des viandes offertes aux idoles. Quelques Gentils, qui avaient
des parents chrétiens, les voulant sauver, leur faisaient
présenter, par les ministres des faux dieux qu'ils avaient
gagnés, des viandes communes et qui n'avaient point été
immolées. Sabas, ayant appris la chose, non seulement refusa de
toucher aux viandes offertes, mais, paraissant en public, il
protesta hautement que si quelque chrétien mangeait de ces
viandes supposées, il n'était plus chrétien. Et il empêcha par
ce moyen plusieurs chrétiens de donner imprudemment dans les
piéges du démon. Cela ne plut pas à ceux qui avaient inventé
cette tromperie qu'ils croyaient innocente ils trouvaient Sabas
trop sévère et trop scrupuleux ils le chassèrent du bourg où il
demeurait, mais quelque temps après ils le rappelèrent.
La
persécution ayant recommencé et un commissaire du roi étant venu
au bourg de Sabas pour y faire une perquisition des chrétiens,
quelques habitants offrirent de jurer sur les victimes, que dans
tout le bourg il n'y avait pas un seul chrétien. Mais Sabas se
montrant une seconde fois, et s'approchant de ceux qui voulaient
faire ce serment « Que personne, dit-il, «ne jure pour moi, car
je suis chrétien'); le commissaire d'Athanaric ne laissa pas
d'ordonner que le serment serait fait. Sur quoi les principaux
habitants ayant fait cacher leurs parents qui faisaient
profession du christianisme, jurèrent que dans tout le bourg il
n'y avait qu'un seul chrétien. Le commissaire ordonna que ce
chrétien comparût, et Sabas se présenta hardiment. Le
commissaire demanda à ceux qui l'environnaient ce que cet homme
pouvait avoir de bien on lui répondit qu'il ne possédait autre
chose que l'habit qu'il portait ce qu'entendant, le commissaire
ne fit pas grand cas de lui, disant qu'un homme de cette sorte
était sans importance, et qu'il ne pouvait nuire. Il le laissa
aller sans lui dire autre chose. La persécution s'étant rallumée
pour la troisième fois vers la fête de Pâques, Sabas songea
comment et en quel lieu il pourrait célébrer ce saint jour. Il
lui vint en pensée d'aller trouver un prêtre de sa connaissance,
nommé Guttica, qui demeurait dans une autre ville. Mais s'étant
mis en chemin, il rencontra un homme d'une taille extraordinaire
et d'un aspect vénérable, qui l'arrêta et lui dit « Retournez
d'où vous êtes parti, et célébrez la fête avec le prêtre Sansale
». Sabas répondit « Le prêtre dont vous parlez n'est pas au
bourg où il demeure ordinairement a. Il est vrai que Sansale en
était sorti et s'était réfugié dans la Romanie, pour s'y mettre
à couvert de la persécution mais il y était retourné depuis à
cause de la fête de Pâques; et c'est ce que Sabas ignorait.
Ainsi, sans vouloir déférer à l'avis de cet inconnu, il se
mettait en devoir de poursuivre son chemin, lorsque tout à coup
il tomba une si grande quantité de neige du côté où il voulait
aller, quoique l'air n'y eût aucune disposition, que la terre en
fut couverte à une telle hauteur, qu'il fut impossible à Sabas
de passer outre. Ce prodige lui ouvrit les yeux, et lui fit
connaître que la volonté de Dieu était qu'il retournât chez lui,
et qu'il y fit la pâque avec le prêtre Sansale. Il retourna en
même temps sur ses pas, en rendant grâces à Dieu. Et étant venu
plein de joie trouver Sansale, il lui raconta, et à plusieurs
autres fidèles, ce qui venait de lui arriver. Ils célébrèrent
tous ensemble la grande fête de Pâques. Mais trois jours après
la fête, Atharide, fils de Rotheste, qui avait en ces
quartiers-là une petite souveraineté, entra à l'improviste avec
une troupe de brigands dans le bourg où demeurait saint Sabas.
Us allèrent d'abord au logis du prêtre Sansale, le surprirent
comme il dormait sans se douter de rien, et l'ayant lié, ils le
jetèrent dans un chariot. A l'égard de Sabas, l'ayant arraché de
son lit, ils le traînèrent tout nu parmi des épines, où ils
avaient mis le feu, le frappant sans cesse et lui meurtrissant
tout le corps à coups de fouet et de bâton, tant était grande la
rage dont ces hommes impitoyables étaient animés contre les
serviteurs de Dieu. Mais elle exerça la foi et la patience de
Sabas d'une manière extraordinaire car le jour ayant paru, et le
Saint voulant glorifier Dieu, parla de cette sorte à ses
persécuteurs « Ne m'avez-vous pas fait marcher les pieds nus par
des lieux tout couverts de ronces et tout semés d'épines voyez
si mes pieds ont la moindre égratignure; venez, touchez mon
corps, y trouvez-vous une seule contusion, après tous les coups
que vous m'avez donnés ? Eux, n'apercevant en effet sur sa chair
aucune marque de leur cruauté, bien loin d'être touchés d'un
miracle si évident, n'en furent que plus envenimés contre notre
Saint. Ils lui mirent sur les épaules un des essieux du chariot
ils y attachèrent ses deux mains. Ils prirent ensuite l'autre
essieu, où ils lui lièrent les pieds, les écartant avec violence
et les tirant de toute leur force pour les faire aller jusqu'aux
extrémités de l'essieu. En cet état ils le poussèrent rudement,
et le renversèrent sur la place, où ils le tourmentèrent une
partie de la nuit.
Mais ses
bourreaux s'étant endormis, une femme survint, qui le détacha il
ne songea point à se sauver mais, restant au même lieu, il
aidait cette femme à préparer le déjeuner pour quelques
domestiques. Le cruel Atharide, s'étant réveillé au point du
jour, lui fit lier les mains derrière le dos, et ordonna de le
suspendre ainsi à une poutre du logis. Il y était depuis peu de
temps, lorsque des gens d'Atharide arrivèrent, portant des
viandes qui avaient été immolées aux idoles. « Voici, dirent-ils
à saint Sabas et au prêtre, « ce que le grand Atharide vous
envoie, afin que vous en mangiez, et que par là vous mettiez
votre vie à couvert ». Le prêtre répondit « Nous ne mangerons
point de ces viandes cela ne nous est pas permis. Vous pouvez
donc dire à Atharide qu'il peut nous faire attacher à une croix,
ou nous faire mourir par tel autre genre de supplice qu'il
voudra ». Le bienheureux Sabas ajouta « Qui est celui qui nous
envoie ces viandes? » Ces hommes répondirent a C'est le seigneur
Atharide ». « Il n'y a que Dieu », répliqua Sabas, « qui doive
être appelé proprement Seigneur, car il l'est du ciel et de la
terre. A l'égard de ces viandes que vous nous présentez, elles
sont impures et profanes comme celui qui nous les envoie ». Ce
discours de Sabas mit si fort en colère un des esclaves d'Atharide,
qu'il lui porta en même temps la pointe de son javelot dans le
corps. Tous ceux qui étaient là crurent que le coup avait percé
de part en part mais le Saint, surmontant par sa vertu la
douleur que lui- devait causer sa blessure, s'adressant à celui
qui la lui avait faite « Vous avez cru », lui dit-il, « m'avoir
tué je vous assure que je n'ai pas senti plus de mal que si vous
m'aviez jeté un flocon de laine contre la poitrine » Et il y a
de l'apparence qu'il n'exagérait pas, puisqu'on effet il ne jeta
aucun cri lorsqu'il fut frappé, et, ce qui est plus merveilleux,
c'est qu'il ne parut point que son corps eût été entamé en aucun
endroit, le javelot, quoique lancé avec raideur, ne lui ayant
pas même effleuré la peau.
Atharide
apprit ce miracle sans en être touché il résolut, au contraire,
de se défaire du Saint sans différer davantage. Il renvoya le
prêtre Sansale, et fit conduire Sabas sur le bord du fleuve
Mussée pour y être jeté. Le Martyr ne voyant point Sansale, et
se souvenant du précepte du Seigneur, qui veut que nous aimions
notre prochain comme nous-mêmes, demanda aux soldats où était le
prêtre. Et quel péché a-t-il commis, ajouta-t-il, pour ne pas
mourir avec moi ? Ils lui répondirent : « Ce n'est pas là votre
affaire ! ». Alors il s'écria dans un saint transport « Soyez
béni, Seigneur, et que le nom de votre Fils, Jésus-Christ, soit
béni aussi dans tous les siècles. Amen. Vous permettez, ô mon
Dieu, que l'infortuné Atharide se condamne lui-même à une mort
éternelle, pendant qu'il me procure une vie qui ne finira
jamais. C'est ainsi, Seigneur, qu'il vous plaît d'en user avec
vos serviteurs ». Cependant les soldats qui le conduisaient se
disaient l'un à l'autre « Ferons-nous mourir cet homme ? Il est
innocent laissons-le aller Atharide n'en saura rien ». Mais le
bienheureux Sabas leur dit « A quoi sert tout ce badinage ?
Faites ce qui vous est ordonné. Vous ne voyez pas ce que je vois
Voilà ceux qui doivent recevoir mon âme et la conduire au séjour
de la gloire, qui n'attendent pour cela que le moment qu'elle
sortira de mon corps a. Les soldats le prirent donc et le
précipitèrent dans le fleuve. Lorsqu'il fut au fond, ils lui
enfoncèrent dans l'estomac l'essieu qu'ils lui avaient attaché
au cou. Ainsi, mourant par l'eau et par le bois, il exprima, par
ce double genre de supplice, le véritable symbole du salut des
hommes, la Croix et le Baptême. Il n'était âgé que de 38 ans.
Son martyre arriva le cinquième jour de la première semaine
après Pâques, et le jour de devant les Ides d'avril, sous
l'empire de Valentinien et de Valens, et le consulat de Modeste
et d'Arinthée (12 avril 372).
On retira le
corps de l'eau, et on le laissa sur le rivage sans sépulture,
mais sans que les bêtes osassent toutefois en approcher, les
frères le gardant nuit et jour, jusqu'à ce que l'illustre Junius
Soranus, duc de Scythie et grand
serviteur de
Dieu,
l'eût
fait
enlever
par
des
personnes
fidèles
qu'il
envoya
exprès
sur
les
lieux
pour
le
lui
apporter
dans
la
Romanie.
Depuis,
voulant
gratifier
son
pays
d'un
don
si
précieux,
il
l'envoya
à
l'église
de
Cappadoce,
du
consentement
de
celle
de
la
Romanie,
et
par
une
disposition
particulière
de
la
providence
de
Dieu,
qui
répand
ses
grâces
et
ses
bienfaits
sur
ceux
qui
le
craignent
et
qui
espèrent
en
lui.
«
Ne
manquez
donc
pas,
nos
très chers
frères,
de
lui
offrir
le
divin
sacrifice
le
jour
que
le
saint
Martyr
a
été
couronne
faites-le
savoir
aux
autres
fidèles,
afin
que
tous
ceux
qui
composent
l'Église
catholique
et
apostolique,
se
réjouissant
saintement
dans
le
Seigneur,
unissent
leurs
voix
pour
le
louer
et
le
bénir.
Saluez
de
notre
part
tous
les
Saints.
Ceux
qui
souffrent
avec
nous
pour
la
foi
vous
saluent.
Gloire,
honneur,
puissance,
majesté
soient
à
celui
qui,
par
sa
bonté
et
le
secours
de
sa
grâce,
peut
nous
couronner
dans
le
ciel,
où
il
règne
avec
son
Fils
unique
et
le
Saint-Esprit,
dans
les
siècles
des
siècles. Amen.
SOURCE : P. Giry : Les
petits Bollandistes : vies des saints. T. IV. Source :
http://gallica.bnf.fr/ Bibliothè-que nationale de
France. |