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Les familles ont
besoin de s’appuyer sur la grâce de Dieu
Les
familles ont besoin de s’appuyer sur la grâce de Dieu Il est
de tradition, depuis la réforme récente du calendrier
liturgique, de consacrer à la Sainte Famille ce dimanche
après Noël.
Jésus,
Marie, Joseph : que de sainteté, dans ces trois personnages
!
On en a
dit ici quelque chose les années précédentes, et qui reste
d'actualité.
En cette
année "C", troisième du cycle liturgique, nous allons
essayer d’élever notre petite méditation à des
considérations plus profondes, plus essentielles, car nous
vivons une période où semblent se déchaîner des tendances de
plus en plus hostiles à la notion-même de famille.
Qu’est-ce
qu’une famille ? Une simple réunion de personnes diverses
qui se trouvent là, sous un même toit, par hasard ? Y a-t-il
une famille là où vivent dans l’immoralité deux hommes ou
deux femmes ? Peut-on construire une famille, y adopter un
enfant, là où il n’y a pas de désir d’avoir un enfant selon
les lois de Dieu et de la nature ? Une famille est-elle
digne de ce nom quand on donne la mort volontairement à un
enfant qui est “de trop” ? Est-ce protéger la famille, la
mettre à l’honneur, quand on pratique un stupéfiant commerce
de la vie, pour donner volontairement naissance à un enfant
qui ne sera pas le fils de sa mère, ni même le fils de son
père ? Est-ce exalter l’image de la famille, quand des époux
s’unissent et se séparent, laissant des enfants complètement
désorientés, qui ne savent plus qui sont leur père, leur
mère ou même leurs frères et sœurs ? Un gouvernement, même
laïc, peut-il raisonnablement instituer un ministère de la
famille, et favoriser en même temps le divorce, l’adultère,
la fornication ? Serait-ce que ces mots eux-mêmes auraient
disparu de notre langage ?
A ces
questions — qui auraient surpris nos parents il y a encore
peu de temps — nous, Chrétiens, devons résolument répondre
négativement. Dieu, dans sa création, a institué d’autres
lois, que même les bêtes respectent. Sauf accident
improbable, on ne voit pas deux mâles ou deux femelles vivre
en couple ; on ne voit pas une mère tuer délibérément son
petit ; encore moins une femelle s’approcher d’un mâle qui a
déjà sa compagne. Certes, la notion de “famille” n’existe
chez les bêtes que pour un temps assez bref, mais c’est là
leur loi de créatures inférieures à l’homme. Pour les
humains, dotés d’une intelligence et d’une conscience
morale, la famille est bien autre chose.
Il est
vrai qu’à la lecture de certains passages de la Sainte
Écriture, on pourra invoquer des exemples particuliers :
celui d’Abraham avec son épouse Sara et la servante Agar ;
ou celui de Jacob avec ses deux femmes et leurs servantes (Gn.
16 et 29-30). Il est vrai que Dieu, avec miséricorde, a agi
avec grande bonté envers les enfants de ces saints
patriarches, mais la Bible ne dit pas que ces derniers aient
bien agi en tout : avant la Loi de Moïse, il y avait
diverses coutumes, des déviations, des héritages païens, que
Dieu fera abolir par la Loi confiée à Moïse sur le Mont
Sinaï.
Le cas du
roi David nous pose un réel problème : on ne compte pas les
femmes de ce grand roi, ses concubines et ses enfants. Là
aussi, la Bible n’approuve pas expressément ce comportement
: simplement, la sincérité de l’auteur sacré prouve
indirectement l’authenticité de l’Ecriture, car un récit
historique n’est pas crédible s’il ne fait qu’exalter les
hauts-faits de son héros. David avait la mission de réunir
Juda et Israël, et même de préfigurer l’unique vrai Roi, le
Christ, mais l’homme David eut ses chutes, ses fautes, dont
il sut aussi demander pardon avec une humilité qui l’honore
dans l’éternité.
On
rappellera aussi le cas étrange du prophète Osée, à qui Dieu
Lui-même ordonne de prendre pour épouse “une femme de
prostitution”, dont les enfants porteront des noms
symboliques comme “Non-Aimée” et “Pas-mon-Peuple” : ici
aussi la mission prophétique d’Osée était (justement) de
montrer combien Dieu réprouvait l’adultère et la
prostitution, et réclamant à Israël de retourner à l’amour
exclusif de Dieu (Os 1).
A ces
rappels scripturaires vont maintenant s’ajouter d’autres
questions concernant les textes d’aujourd’hui : la
consécration du petit Samuel “pour toujours”, le précepte
johannique de “nous aimer les uns les autres”, et
l’apparente “fugue” de Jésus au Temple ne nous parlent pas à
proprement parler de l’unité et de la solidité de la
famille.
La
première lettre de saint Jean, reprenant le discours de
Jésus à la dernière Cène (Jn. 13:35), est précisément le
fondement de la famille : l’amour fraternel qui, dit aussi
saint Paul “est longanime, n’est pas envieux, ne fanfaronne
pas, ne se rengorge pas, ne fait rien d’inconvenant, ne
cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, excuse tout, croit
tout, espère tout, supporte tout” (1Co 13:4-7). C’est dans
l’amour fraternel que la stabilité de la famille trouve
toute son inspiration.
L’Évangile présente une autre “difficulté” si on le lit bien
: imagine-t-on un saint adolescent de douze ans tromper la
vigilance de ses parents, les laisser repartir en voyage, et
les obliger à marcher pendant trois jours pour le retrouver
? Est-ce là de l'obéissance, quand il est dit qu'à Nazareth
l'enfant “leur était soumis” ? Oui l’Enfant leur était
soumis, justement, à Nazareth, là où vit la famille, là où
Jésus a grandi dans la soumission à sa sainte Mère et à
saint Joseph. Mais à Jérusalem, il se passe autre chose :
Jérusalem est la Ville du Temple, le centre de culte divin
et sera l’aboutissement de la mission du Sauveur. Quand
Jésus est au Temple, il est véritablement “chez Lui”, et
cela, ses saints parents terrestres l’ont un peu oublié :
depuis douze ans que Jésus grandit avec eux, ils Le
protègent, L’aident à grandir, à se nourrir et, ne sachant
pas précisément quand viendra le temps de la “Mission”, ils
s’habituent un peu à la vie quotidienne avec leur divin
Enfant. A Jérusalem, Jésus profite de la situation
pour — déjà — préparer Ses chers parents : leur mission est
de Le protéger, de L’aider, mais Sa mission à Lui est divine
et Il ne leur appartient pas. C’est une leçon de détachement
qu’Il leur offre ; et une anticipation aussi de
l’accomplissement de Sa mission : il sera “caché” trois
jours dans le tombeau, avant de ressusciter.
On a
parfois avancé que les saints parents de Jésus ne savaient
pas encore (ou n’avaient pas encore compris) que Jésus était
véritablement le Fils de Dieu. Rien de plus absurde : tous
les épisodes qui ont accompagné l’avènement de Jésus étaient
on ne peut plus clairs pour tous ceux qui attendaient
sincèrement le Sauveur. D’ailleurs l’évangéliste ne dit pas
qu’à la question de Jésus ils soient restés “bouche bée” à
se demander ce que signifiait ce “Père” dans la maison de
qui Jésus doit se trouver. Simplement, Jésus leur rappelle
que c’est bien évidemment dans le Temple qu’ils doivent Le
rechercher en priorité, comme s’Il nous disait aujourd’hui :
Si vous voulez me trouver et me parler, venez près du
Saint-Sacrement, où je vous attends.
Quand
saint Thomas d’Aquin cherchait à résoudre une difficulté
théologique, il allait à l’autel et portait sa tête le plus
près possible du tabernacle, comme pour “écouter” la voix du
la Vérité éternelle.
L’attitude de la pieuse Anne, qui se détache de son petit
garçon en l’offrant dès que possible à Dieu et en le
confiant au prêtre Eli au Temple, anticipe l’attitude de
Marie et Joseph qui offrent à Dieu ce Fils unique. En outre,
on pourra lire le cantique d’Anne qui suit immédiatement le
récit d’aujourd’hui : ce cantique est déjà le Magnificat de
Marie. Enfin, l’Écriture mentionne aussi quelle bénédiction
Dieu accordera par la suite à Anne, qui aura cinq autres
enfants (1Sa 2:21) : une belle famille !
On
imagine quelle affection reconnaissante Jésus pouvait avoir
envers ses parents terrestres, durant ces trente années de
vie à Nazareth, quelle harmonie pouvait régner entre eux
trois chaque jour, au gré des événements de leur existence
quotidienne. L’Écriture ne dit pas que Marie ait eu d’autres
enfants ; cela n’a jamais été dit, et toute la Tradition
retient que Jésus est resté fils unique de Marie, comme Il
est Fils Unique de Dieu : les “frères et sœurs” de Jésus sur
terre furent sa parenté, au sens où on l’entendait à cette
époque ; on dit ainsi de l’apôtre Jacques qu’il était le
“frère” du Seigneur (Ga. 1:19), un proche cousin. Si Jésus
avait eu d’autres frère(s) et sœur(s), très tôt on en aurait
parlé, y compris dans l’Evangile, ne serait-ce que pour
entourer Marie au moment de la passion, et après. Or sur la
Croix, Jésus dit à Marie : “Voici ton fils” en montrant
l’apôtre Jean (Jn. 19:26) : il aurait probablement dit autre
chose s’il avait eu d’autres frères selon la chair.
Les époux
qui, pour une raison que parfois Dieu seul connaît, ne
reçoivent pas la joie de la paternité (une joie qui, bien
souvent, est surchargée de nombreux soucis), ne sont pas
pour autant privés d’une fécondité spirituelle, qu’ils
peuvent exercer en se donnant à de saintes occupations, en
tournant leur attention charitable vers ceux qui ont besoin
d’aide. On trouvera là une réelle paternité spirituelle dont
la société a bien besoin là où justement des enfants auront
été privés de leurs parents, suite à un accident, à une
guerre, à une maladie. L’adoption est une démarche très
grave, très difficile aussi, qui exige un don total de soi,
une grande abnégation, et de gros sacrifices.
Pour
l’exemple, on fête le 23 février la bienheureuse Rafaela
Ybarra de Arambarri de Villalonga, espagnole, mère de six
enfants et mère adoptive des cinq orphelins de sa sœur et
des six enfants de sa bru, toutes deux décédées ; elle fonda
à Bilbao le Collège des Anges Gardiens, pour les petites
filles abandonnées, et fut récemment béatifiée en 1984.
On
comprendra peut-être mieux maintenant, combien les familles
ont besoin de s’appuyer sur la grâce de Dieu — sur le saint
mariage en premier lieu — pour maintenir cette nécessaire
unité dans l’amour, qui est le ciment de la famille, et en
même temps la garantie d’une société meilleure. Demandons à
Dieu cette grâce, qu’il nous aide à “pratiquer les vertus
familiales” dont parle la Prière du jour. A ceux et à
celles qui, comme les apôtres, se poseront la question :
“Mais alors qui peut être sauvé”, rappelons que la
réponse de Jésus fut (Mc 10:27) :
“Pour les hommes, c’est
impossible ; mais non pour Dieu, car tout est possible pour
Dieu.”
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