Si difficile à comprendre
que soit le mystère de la Très Sainte Trinité, il “est le mystère
central de la foi et de la vie chrétienne” (Catéchisme de l’Eglise
Catholique, 234).
Ce n’est pas parce qu’il
est difficile à expliquer qu’on peut se permettre de s’en moquer, comme
fit un de nos auteurs français du “siècle des lumières” (Montesquieu,
Lettres Persanes). Ce n’est pas non plus parce qu’il est difficile à
expliquer qu’il faut éviter d’en parler.
Apparemment, les textes
d’aujourd’hui ne nous apportent pas beaucoup d’éléments pour avancer
dans la compréhension de ce mystère, tant il est vrai que le mot
“Trinité” ne s’y trouve jamais. D’ailleurs, ce mot apparaîtra seulement
à partir du IIe siècle avec Tertullien, et ne s’imposera
qu’avec l’illustre saint Athanase d’Alexandrie (IVe siècle, concile de
Nicée en 325).
Mais la Sainte Ecriture
contient tous les éléments sur lesquels s’est appuyée la doctrine de la
Sainte Trinité, telle que l’Eglise l’enseigne depuis toujours, et que
nous professons dans notre Credo. Il y a même beaucoup de textes
bibliques qui annoncent cette divine Réalité. Lisons bien les textes de
la fête d’aujourd’hui.
Dans le livre du
Deutéronome, Moïse synthétise aux yeux de tout Israël leur longue marche
de quarante années, en leur rappelant qu’en tous ces événements c’est le
Dieu tout-puissant qui les guidait : Dieu-Père, comme “origine
première de tout et autorité transcendante” et “bonté et
sollicitude aimante pour tous ses enfants” (Catéchisme, 239).
C’est dans le même passage,
un peu plus loin, que Moïse adresse à Israël le fameux “Shema”, qui est
resté si cher à la piété juive, et que nous répétons chaque samedi soir
à l’heure de Complies :
“Ecoute, Israël ! Yahvé
notre Dieu est le seul Yahvé. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton
cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te
dicte aujourd’hui restent gravées dans ton cœur ! Tu les répéteras à tes
fils, tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur
la route, couché aussi bien que debout ; tu les attacheras à ta main
comme un signe, sur ton front comme un bandeau ; tu les écriras sur les
poteaux de ta maison et sur tes portes” (Dt 6,4-9). Ce respect pour
la Parole de Dieu exprime bien tout l’amour filial que Moïse et Israël
doivent à Celui qui s’est montré leur Père en toute occasion.
Passons maintenant au
psaume 32, dont nous lisons quelques versets. Ce psaume est toute une
acclamation au Dieu vainqueur, au Dieu Créateur, Roi, Sauveur et Juge :
La terre est remplie de son amour…
Le Seigneur a fait les cieux… l’univers…
Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son
amour…
Le Seigneur est pour nous un appui, un bouclier…
Le texte latin de la
Vulgate écrit “miséricorde” pour “amour”, nous rappelant ainsi combien
Dieu est “riche en miséricorde” (Ep. 2:4), tant son amour est infini.
Ainsi ces deux textes du Deutéronome et du Psaume nous montrent
l’identité-même de Dieu : Père, Créateur, Amour, comme le redit saint
Jean dans son épître : “Dieu est amour” (1Jn 4:16).
Quand Jésus commence sa
prière sacerdotale au terme de la dernière Cène, son premier mot est
celui par lequel un fils s’adresse à son père : “Père, l’heure est
venue” (Jn 17:1), et quel fils pouvait le dire plus pleinement que
le Fils de Dieu ? Mais ce n’est pas tout : Jésus a voulu que nous aussi,
nous pussions nous adresser à Dieu avec ce même terme, dans la prière
qu’Il nous a enseignée (“Notre Père…”), et en nous remplissant de
l’Esprit d’Amour qui déjà l’unit à Son Père.
Voilà ce que maintenant
saint Paul nous explique dans l’épître aux Romains : puisque nous avons
reçu l’Esprit-même de Dieu, nous sommes unis à Dieu dans cet amour
filial que Jésus a pour Son Père. A notre tour, nous pouvons “crier”,
dit saint Paul : “Abba”, Père ! et même plutôt : Papa ! Quelle tendresse
! Quelle condescendance de notre Dieu !
Mais aussi, de notre part,
quelle reconnaissance devons-nous éprouver en pensant à ce Dieu
infiniment Père, à ce Père infiniment divin. Le seul Nom de Dieu doit
susciter en nos cœurs des sentiments de profonde action de grâce,
d’adoration, de respect, et surtout de désir de tout faire pour rester
dans cet amour, dont nous pourrons jouir pleinement un jour, dans le
face-à-face éternel de la Vie qui ne finit pas.
Sainte Thérèse d’Avila
écrit que le seul fait de prononcer les deux mots “Notre Père” de la
prière dominicale, la faisait ravir en extase.
Dans l’évangile enfin,
Jésus invite Lui-même les Apôtres (et avec eux toute l’Eglise) à
baptiser “au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit”. Notre
Catéchisme nous le rappelle en effet : “Par la grâce du baptême, nous
sommes appelés à partager la vie de la bienheureuse Trinité, ici-bas
dans l’obscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière
éternelle” (265).
Le mystère trinitaire a
suscité des volumes entiers de commentaires, chez les Pères de l’Eglise,
principalement pour contrer les déviations de doctrine que certains
penseurs trop audacieux s’étaient permis d’exprimer. Jusqu’à aujourd’hui
ce mystère ne cesse d’alimenter la plume de beaucoup de théologiens, de
religieux et religieuses, comme la bienheureuse Elisabeth de la Trinité
(1880-1906). Jamais on n’arrivera à épuiser ce thème, cette divine
Source qui ne cesse de couler abondamment. Chaque dimanche nous
proclamons notre foi, avec le symbole de Nicée-Constantinople (325-381)
qui nous fait redire ces vérités :
“Je
crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; Il
procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, Il reçoit même
adoration et même gloire, Il a parlé par les prophètes.”
Même si nous ne comprenons
pas totalement ces expressions, nous savons qu’elles sont inspirées, et
qu’elles essaient de dire une Vérité divine que les mots humains
n’arrivent pas à expliquer dans son essence profonde.
Avec notre Foi, de tout
notre cœur, faisons un beau et large Signe de Croix :
Au nom
du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Amen.
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