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Le
plus insondable des mystères de notre foi
Après la fête de la Pentecôte,
où l’Esprit de Dieu s’est donné impétueusement aux Apôtres,
l’Eglise fête maintenant le plus insondable des mystères de
notre foi : la Sainte Trinité.
Qu’il soit tout de suite rappelé
que par “mystère”, l’Eglise considère une vérité de foi qui
échappe à la possibilité rationnelle de notre entendement ;
on ne pourra pas “expliquer” le mystère intrinsèque de la
Sainte Trinité. Notre Catéchisme l’exprime ainsi : “La
Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des
mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne
sont révélés d’en haut (…) L’intimité de son Etre comme
Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la seule
raison et même à la foi d’Israël avant l’Incarnation du Fils
de Dieu et la mission du Saint-Esprit” (Catéchisme,
n°37).
Pour avoir tenté de s’introduire
avec trop d’audace dans ce Mystère auguste, plusieurs
penseurs non seulement se sont fourvoyés dans des erreurs
parfois extrêmement graves, mais encore ont
engendré — peut-être sans le vouloir, souhaitons-le — des
discussions interminables, de multiples conciles, et même
des schismes dans cette Eglise bien-aimée, la sainte Epouse
de Jésus-Christ. Des écrits de ces auteurs, le Mystère de la
Sainte Trinité est toujours ressorti diminué.
Parfois, même
pour défendre la Vérité, certains grands évêques ont eu la
malchance d’utiliser un vocabulaire insuffisamment soigné ;
leur mérite a été grand de se soumettre humblement à une
décision papale ou conciliaire et de retirer l’écrit
incriminé. Ainsi saint Denys d’Alexandrie au 3e siècle.
On ne va pas ici reprendre
toutes ces diatribes christologiques qui ont perturbé
plusieurs siècles de l’histoire de l’Eglise, ni exposer
toute la doctrine “juste” de la Trinité, avec les termes
savants de “procession”, de “génération”, de “spiration”.
Viendra le moment d’examiner de plus près et de façon plus
exhaustive les ouvrages magnifiques de nos grands Docteurs :
le Traité sur le Saint Esprit de saint Basile de Césarée ;
les divers ouvrages et discours de saint Athanase
d’Alexandrie sur le Christ, Verbe éternel de Dieu ; les
traités sur la Sainte Trinité de saint Augustin d’Hippone ou
de saint Hilaire de Poitiers, sans oublier les homélies
admirables du pape saint Léon le Grand. Plus récemment aussi
on parlera de la bienheureuse Elena Guerra, fondatrice des
Oblates du Saint-Esprit, qui influencera beaucoup le pape
Léon XIII.
Tenons-nous-en aujourd’hui aux
textes proposés à notre méditation par l’Eglise. Le texte de
l’Exode se situe dans un contexte particulièrement
douloureux pour Moïse : descendant de la Montagne sainte,
avec les Tables de la Loi, et constatant que son peuple
adorait le Veau d’or, il vient de briser les Tables, il a
intercédé auprès de Dieu pour qu’Il pardonne à son peuple ;
maintenant, il a préparé deux nouvelles Tables et remonte
sur la Montagne, où Dieu proclame alors quelque chose de son
essence, en des termes un peu difficiles à rendre ; le texte
grec dit : “Dieu
de miséricorde et de pitié, de longue patience, de grande
pitié et de vérité, qui maintient la justice et exerce la
pitié sur des milliers, qui enlève les fautes, les
injustices et les péchés”. Après ce texte, qui osera
dire que Dieu est sévère, injuste, colérique et implacable ?
Le Cantique du chant de
méditation nous renvoie sept siècles avant Jésus-Christ,
lors du règne de Nabuchodonosor : il a donné ordre de jeter
dans la fournaise les trois jeunes gens qui refusaient
d’adorer la statue en or ; mais tandis que les hommes qui
les y conduisaient ont été instantanément brûlés, les trois
jeunes gens ne subissent aucun mal, et chantent au milieu de
cette fournaise un cantique que nous avons très fréquemment
au bréviaire dans la louange matinale : le Cantique des
Trois Enfants, dont on n’a retenu ici que les versets
décrivant spécifiquement la transcendance de Dieu, qui
“sonde les abîmes, qui siège au-dessus des Kéroubims (les
esprits angéliques les plus “hauts” en perfection)”. On
dit — mais ce n’est pas sûr du tout — que le texte pourrait
n’avoir été écrit que deux siècles environ avant
Jésus-Christ.
Le court passage de saint Paul,
quant à lui, est ici la conclusion de sa deuxième épître aux
Corinthiens, environ un quart de siècle après la mort de
Jésus. On y remarquera tout particulièrement la dernière
phrase, que l’Eglise nous propose comme salutation du prêtre
à l’assemblée au début de la Messe. Que dit Paul ici ? Il ne
cherche pas à expliquer la profondeur du mystère de Dieu
miséricordieux et trinitaire, mais il recommande aux
fidèles : la joie, la perfection, l’harmonie, la paix. Cette
petite péricope est hautement significative : au lieu de
chercher à “comprendre” le mystère divin avec notre petite
tête, efforçons-nous de cultiver en nous tout ce qui se
rapporte à la paix, à l’harmonie, à la bonne entente, et en
tout premier lieu à la joie d’appartenir à Dieu, en somme à
Ses commandements et à Ses béatitudes ; alors ce Dieu se
manifestera à nous-mêmes par Son amour et Sa paix.
En cela consiste ce que Dieu
attend de nous : que l’on croie à Son amour et à Sa paix, en
recevant le message de Jésus Son Fils. Si nous laissons
vivre en nous l’Esprit de vérité, qui ne vient que de Dieu
et de Jésus-Christ, alors nous serons en communion totale
avec la Très Sainte Trinité.
Voici maintenant un petit texte
où est commentée la Sainte Face de Jésus-Christ ; il est du
milieu du XIXe siècle. On sait que la dévotion à la Sainte
Face a été une des préoccupations du (futur bienheureux)
“saint homme de Tours”, Léon Papin Dupont, et de sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus. Voici ce texte, dont s’est
beaucoup inspiré Léon Dupont dans sa dévotion :
“Souviens-toi que ce divin Chef
représente le Père éternel qui n’est point engendré ; que la
bouche de cette Sainte-Face représente le Verbe divin
engendré par le Père ; et que les deux yeux de cette Face
mystérieuse représentent l’amour réciproque du Père et du
Fils, car ces yeux divins n’ont tous deux qu’une même
lumière, une même connaissance, et ne produisent qu’un même
amour, qui représente le Saint-Esprit. Contemple en sa
chevelure la diversité des perfections adorables de la
Sainte Trinité. Vois dans cette tête majestueuse la pièce
précieuse de l’humanité du Sauveur, l’image de l’unité de
Dieu.”
On trouvera dans cette
description des éléments propres à nous faire comprendre
combien nous sommes créés à l’image de Dieu Un et Trine.
Au nom du Père, et du Fils, et
du Saint-Esprit. Amen.
Abbé Charles
Marie de Roussy |