20 Silvère Pape

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Silvère
Pape, Martyr, Saint
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Le Pape saint Agapet étant allé à Constantinople, où il fut reçu de l'empereur Justinien en grande pompe et solennité, après avoir dépêché les affaires qu'il était venu traiter avec l'empereur, et privé Anthime du siège patriarcal de Constantinople, parce qu'il était hérétique eutychéen, il établit à sa place Meunas, homme catholique. Lorsqu'il était prêt de s'en retourner, il plut à Notre- Seigneur de l'appeler à lui, et de lui donner la récompense de ses pieux travaux. Par son décès, on élut à Rome saint Silvère, Pape, natif de la province de Campanie, fils en légitime mariage du Pape Hormisdas, saint personnage.

La sainte Église célèbre la fête de ce Pape, comme celle d'un saint et grand martyr. La cause de son martyre fut que l'empereur Justinien étant alors catholique, et Théodora, sa femme, étant hérétique, elle avait tellement gagné son esprit, qu'il faisait tout ce qu'elle voulait pour lui complaire ; eu même temps elle était artificieuse, qu'elle pouvait tout, et commandait plus absolument que l'empereur même. C'est pourquoi, bien que Justinien fît bannir les hérétiques et publiât plusieurs décrets contre eux, Théodora les cachait, et empêchait l'exécution des lois impériales, les encourageant à se multiplier, pour troubler et se prévaloir contre l'Église de Dieu.

Elle tâcha d'abord de faire en sorte qu'Antbime fût rétabli en son siège (c'était leur chef) et que saint Silvère, par son autorité apostolique, le fit rentrer en l'Église de Constantinople, dont il avait été privé par Agapet son prédécesseur. Théodora était portée à cela par Vigile, diacre de l'Église romaine, qui était alors à Constantinople; ce personnage, brûlant d'ambition et aveuglé de l'envie de commander, offrit à Théodora, que si elle le faisait Pape, il la contenterait, remettrait Anthime dans son siège, et lui serait favorable en tout ce qu'elle désirait.

C'était au temps où ce grand Bélisaire faisait une cruelle guerre en Italie aux Goths, au nom de l'empereur Justinien, et avait avec lui Antonine, sa femme. Cette occasion sembla fort à propos à Théodora, qui pensa que par les armes de Bélisaire elle pourrait commander et défendre tout ce qu'elle voudrait, sans aucune résistance. Elle écrivit à Bélisaire par le même Vigile, qu'il obtint que saint Silvère fit ce dont elle le sollicitait par ses lettres, à savoir de révoquer la sentence d'Agapet contre Anthime, et de le renvoyer en son Église, à la place de Mennas ; ajoutant qu'au cas qu'il ne le voulût faire par prières ni par menaces, il le privât de son Pontificat, et fit Vigile Pape, qui avait tramé cette toile.

Bélisaire proposa à saint Silvère ce que l'impératrice commandait, mais le saint Pape n'en fit point d'état; il répondit courageusement qu'il perdrait plutôt le Pontificat et la vie que d'annuler ce que son prédécesseur Agapet avait saintement ordonné, et que de rétablir un hérétique justement condamné. Bélisaire, voyant que Silvère n'était pas homme à s'épouvanter du bruit ni des menaces, se trouvant d'ailleurs fort empêché aux affaires de la guerre, donna charge à Antonine, sa femme, de mettre à exécution ce que l'impératrice commandait.

Pour y parvenir, on trouva assez de faux témoins, qui contrefirent des lettres écrites aux Goths sous le nom de Silvère, où il leur promettait, que s'ils s'approchaient de Rome, il leur livrerait la ville, et Bélisaire qui y était. Sous ce faux prétexte, la méchanceté étant déjà brassée, Bélisaire et Antonine envoyèrent quérir le Pape comme si c'eût été pour traiter quelque affaire de grande importance. Sitôt qu'il fut entré en leur palais, et Vigile avec lui, ou arrêta toute leur suite au dehors : eux deux seuls étant admis à la chambre. Antonine était couchée dans le lit, et Bélisaire assis près de sou chevet. Cette impudique et folle femme prit la parole, et commença à crier contre le saint Pontife, que c'était un traître qui les voulait vendre et livrer entre les mains de leurs ennemis, sans qu'ils en eussent donné sujet : de manière que de fait et de force ils le dépouillèrent de son habit pontifical, et l'habillant-en moine, l'envoyèrent en exil sous bonne et sûre garde en l'île Poutia. Là, affligé et abattu de douleurs et de calamités, il assembla néanmoins quelques évêques, et ordonna de certaines choses importantes pour la conservation de la foi catholique et la réformation des abus, Il écrivit une lettre à Amator, évêque, qui est rapportée par Gratien et par Anastase le Bibliothécaire, et une autre à Vigile, où, comme vicaire de Jésus-Christ, il l'excommunie, lui et tous ceux qui lui adhéraient et le tenaient pour légitime Pape.

Cela fut cause d'un grand trouble et scandale en la ville de Rome, et en toute l'Église catholique, de voir leur père et leur pasteur indignement traité sous un empereur chrétien, qui se montrait si zélé à la foi catholique, et que Vigile, homme tout à fait incapable, fût entré en sa place par des moyens obliques et sinistres. Néanmoins la raison céda pour lors à la force, et l'innocence fut opprimée par la méchanceté; car le saint Pontife fut si maltraité en cette Ile Pontia par ses ennemis, qu'il en mourut. Dieu, après sa mort, fit plusieurs miracles par son intercession, et l'Église catholique le tient pour martyr, à cause qu'il a enduré pour la justice et la vérité.

Ou dit que saint Silvère mourut en cette façon, mais Libérat, diacre, auteur qui vivait en ce temps-là, écrit qu'il fut banni à Patare en Lycie, et qu'à la supplication de l'évêque de ce pays, Justinien commanda qu'il retournât à Rome, mais que ses ennemis l'arrêtèrent en l'île Palmaria (qui est proche de l'île de Poutia), où ils le maltraitèrent si étrangement qu'ils le firent mourir de faim.

Cependant, par ce qui arriva incontinent après la mort de saint Silvère, Notre-Seigneur nous apprend le rude châtiment que mérite celui qui traite son vicaire sans respect, et met la main sur le Christ du Seigneur. Car depuis la prise de saint Silvère, il sembla que le ciel et la terre eussent conspiré contre l'empire romain. Les Huns, nation fière et barbare, attaquèrent Justinien du côté de l'Orient, et les Perses de l'autre; l'Italie endura une telle famine, que les mères mangèrent leurs propres enfants : les Goths se rendirent maîtres de Rome pour la seconde fois, en punition de ce qui avait été fait contre son évêque et le pasteur universel de l'Église, et Bélisaire, qui auparavant avait été l'un, des plus fameux capitaines du monde, bientôt après ce forfait perdit sa puissance avec la grâce de l'empereur; en sorte qu'étant dépouillé de ses biens, de sa dignité et de sa faveur, et ayant eu, dit-on, les yeux crevés par son commandement, il fut réduit à mendier l'aumône de porte en porte.

Et afin que nous louions davantage Notre-Seigneur de la providence dont il assiste son Église et celui qui y préside, c'est une chose remarquable que Vigile, après la mort de saint Silvère, quitta le Siège apostolique qu'il avait indignement usurpé; ayant été depuis canoniquement élu Pape par tout le clergé de Rome, et bien établi en ce Saint-Siège, il ne voulut pas accomplir ce qu'il avait promis à l'impératrice, ni rendre le patriarcat à Anthime, disant qu'il ne le pouvait faire en bonne conscience, ni absoudre celui que deux de ses prédécesseurs avoient déclaré hérétique, quand on lui devrait faire perdre le Pontificat et la vie. Il excommunia même Théodora, laquelle mourut peu après misérablement. Quant à l'empereur Justinien, après s'être engagé trop avant dans les affaires de l'Église, et y avoir voulu faire des défenses et des commandements, parce qu'il se laissait trop gouverner par sa femme, il tomba dans l'hérésie des monothélites, et obscurcit sa première gloire et sa renommée.

Saint Silvère fut Pape dix-sept mois, comme disent le Bréviaire romain et quelques auteurs en comptant peut-être le temps de son Pontificat jusqu'à ce qu'il fut dépouillé de sa dignité ; mais si l'on compte jusqu'à sa mort, il semble, par une autre épitre que le même Silvère écrivit à Vigile, qu'on peut conjecturer qu'il vécut au moins trois ans, ainsi que le remarque le cardinal Baronius. Il tint une fois les Ordres, qu'il donna à quatorze prêtres, et consacra dix-neuf évêques. L'Église célèbre sa fête le jour de sa mort, qui fut le vingtième jour de juin, l'an de Notre-Seigneur 538 ou 540.

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