Sixte et Sinice Premiers évêques de Reims

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Sixte et Sinice
Premiers évêques de Reims, Saints
IIIe siècle

Les envoyés de saint Sixte II

Animés de l’esprit évangélique, remplis d'un espoir inébranlable, conscients de la difficulté de leur mission, deux missionnaires, Sixte et Sinice, arrivèrent à Durocortorum des Rèmes, probablement envoyés par la pape saint Sixte II, si nous acceptons l'assertion de l'évêque Hincmar, lequel affirme que le premier évêque de Reims, saint Sixte, fut envoyé dans notre ville par le pape du même nom. Or ce pape, élu au siège de saint Pierre en août 257, au moment même où Valérien publiait son édit de persécution contre l'Église, fut martyrisé en même temps que ses diacres en 258, probablement au mois d'août aussi. Nous pouvons donc déduire que ces deux premiers missionnaires arrivèrent chez nous en ces années-là.

À Rome, au cours de ce IIIe siècle, la persécution sévissait, féroce et implacable et « le nombre de martyrs connus, identifiés, ne doit être rien à côté de la masse immense des anonymes. »[1]

Pour avoir une idée plus précise de ces événements, faisons appel à un historien chrétien dont le renom n'est plus à faire: Daniel-Rops.

« Ce n'était pas la religion chrétienne qui était visée, mais la société chrétienne, considérée — pour la première fois — comme “association illicite”. Les chefs, notamment les évêques, devaient être mis en demeure de sacrifier aux dieux de l'Empire; le culte public était interdit et la visite des cimetières chrétiens prohibée. (...) Le premier édit fut donc suivi d'une première vague de sévices. Des chrétiens, prêtres et laïcs, furent déportés aux mines. Les cimetières chrétiens furent gardés par la police et ceux qui essayèrent d'y tenir des réunions, durement châtiés. »[2]

Saints Sixte et Sinice, malgré les dangers qu'ils pouvaient logiquement envisager, en arrivant, dans la cité païenne de Durocortorum, où le culte aux dieux romains était une obligation, commencèrent leur apostolat et, s'aperçurent probablement que la persécution n'était pas le principal souci de ses magistrats à ce moment-là.

Comment furent-ils reçus ?

Aucun document ne nous permet de répondre à cette question. Nous pouvons supposer que l'accueil fut plutôt défavorable et froid et que le début de leur mission fut extrêmement périlleux, non seulement à cause de la nouveauté des arguments mais parce que les bruits de persécution venant de Rome, n'incitaient pas les Rèmes à accepter une religion qui avait pour fondateur un supplicié et, de surcroît, un supplicié crucifié comme un banal voleur. Pour y adhérer, il fallait vraiment avoir « la folie de la Croix », ou avoir vraiment compris que « le bonheur que le christianisme promet à l'homme présente un ensemble de caractères radicalement opposés à ceux de la félicité romaine. Il consiste dans la jouissance du Bien suprême, c'est-à-dire dans l'union avec Dieu. Il est parfait comme le Bien qui en est le principe, il est indéfectible, il est éternel, il est fait pour tous, à la seule condition qu'ils obéissent à la Loi d'amour: aimer Dieu par-dessus tout et son prochain comme soi-même. »[3]

Il est possible d'affirmer que même avant l'arrivée de ces deux missionnaires, des chrétiens vivaient déjà dans la cité des Rèmes, même si, pour des raisons de sécurité, ceux-ci se cachaient pour pratiquer leur culte chrétien. En effet, avec le va-et-vient des légions romaines, où des sujets de toutes nations et cultures cohabitaient, il est pour ainsi dire impossible que parmi eux, parmi tous ces milliers d'hommes, certains n'aient pas adhéré à la nouvelle religion, d'autant plus que nous disposons de récits qui nous racontent comment  de hauts fonctionnaires des légions romaines furent exécutés, justement parce qu'ils étaient chrétiens.

Nous savons, avec une certaine assurance, que ces premiers missionnaires s'installèrent sur la colline qui, au sud de la cité romaine, borde la Voie Césarée; l'actuelle colline de Saint-Remi. Tout porte à croire, en effet, que l’Église de Reims prit là sa naissance.

Combien de Rèmes ou de Romains eurent les premiers cette folie de la Croix ? Cela aussi nous l'ignorons. En tout cas pour les premiers temps de la mission d'évangélisation.

Quels furent, les actes de saint Sixte, notre premier évêque?

Où célébra-t-il ses messes?

Où, exactement pratiqua-t-il son apostolat?

Eut-il une église?

Fit-il en construire une pour son siège épiscopal?

Voilà des questions qui, malheureusement doivent rester sans réponse. Il est possible de faire des suppositions, d'avancer des idées et même des arguments mais, ces questions, hélas, continueront sans réponses affirmatives, catégoriques, parce que les documents nous manquent pour justifier telle ou telle affirmation.

En ce qui concerne les actes de saint Sixte, nous pouvons avancer des évidences :

      – Il organisa son apostolat et son église, prêcha l’Évangile du Christ, cette Bonne Nouvelle qu'il fallait « annoncer à toute la création », baptisa les convertis, maria ceux qui en manifestèrent le désir, enterra les morts, en leur prodiguant les sacrements qui y sont inhérents, ordonna probablement évêque son successeur, saint Sinice, lequel ne l'était peut être pas encore; ordonna, certainement des diacres dont la mission était la pratique de la charité auprès des nécessiteux et, bien entendu l'évangélisation.

      – Quant à savoir où il célébra ses messes, rien n'est moins facile, car, comme nous l'avons déjà dit, les premiers chrétiens rémois, étant donné les circonstances persécutrices en vigueur, durent, très certainement vivre dans une relative clandestinité. De là à penser que saint Sixte célébra ses offices en cachette, il n'y a qu'un pas que nous franchissons volontiers. En effet, il est presque certain que les premiers chrétiens de Reims vécurent dans la clandestinité et qu'ils se cachèrent dans les crayères de leur colline pour pratiquer leur religion.

      – En ce qui concerne le lieu de l'apostolat de saint Sixte et saint Sinice, son compagnon, il est facile de déduire, après ce que nous venons de dire, que celui-ci aussi se déroula dans la clandestinité et, peut être bien dans la crainte d'une dénonciation et des poursuites qui en découlent; peur des poursuites, non pas pour eux-mêmes, dont la force de caractère et la foi devaient être assez vives pour affronter le martyr, s'il le fallait, mais peur pour ceux qui les écoutaient et qui essayaient de suivre leur enseignement.

      – Il nous semble impensable que saint Sixte ait fait construire une église, même petite comme celle qui plus tard porta son nom; même, s'il nous semble judicieux tenir compte ici d'un fait qui peut avoir son importance en ce qui concerne la construction éventuelle d'un oratoire ou d'une église, sur la colline en question. En effet, « peu après son avènement, en 260, Gallien rendit un édit ordonnant de cesser les procès pour faits de christianisme. Puis, sollicité par des évêques qui, évidemment, connaissaient ses sentiments, il ordonna la restitution des biens d’Église et des cimetières confisqués. »[4] Nous aurions aimé croire et pouvoir affirmer que cette construction fut une réalité, mais une autre interrogation nous vient à l'esprit: cet édit de Gallien, fut-il appliqué à Durocortorum ? Il ne serait ni raisonnable, ni sérieux de prendre position et d'affirmer qu'une église fut construite à cette époque, vu que, malheureusement, les preuves nous manquent. Même pendant le pontificat de son successeur, saint Sinice, cela nous paraît encore impensable qu'un sanctuaire ait pu voir le jour.

Il est certain, en tout cas, que les dépouilles des premiers évêques furent gardées en lieu sûr et que par la suite, elles furent déposées dans la petite église Saint-Sixte, première église à être construite sur le territoire des Rèmes et que d'aucuns considèrent, peut-être à juste titre, comme étant la première Cathédrale de Reims.

Nous devons signaler, pour une meilleur approche de cette période trouble et, pour justifier nos réticences quant à une éventuelle construction religieuse que, probablement, pendant le pontificat de saint Sinice, une « persécution eut lieu, ainsi que le portent les Actes, sous Maximien Hercule, ennemi farouche des chrétiens. Nommé César en 285 et envoyé en Gaule pour écraser le soulèvement des Bagaudes, Maximien se persuade que les chrétiens, ou du moins les plus ardents d'entre eux, soutiennent ces révoltés; il va donc les comprendre dans la répression de cette jacquerie. »[5]

Mais ce personnage plutôt odieux, ne va pas se contenter de quelques têtes; les têtes de ceux qui, hauts placés dans la hiérarchie, pourraient lui “faire de l'ombre”. Il va user de tout son pouvoir et même, commettre des abus de ce même pouvoir et, de nombreuses têtes vont ainsi tomber, comme nous l'explique le chanoine Leflon : « pour vaincre les Bagaudes, il faut d'abord être sûr de l'armée et des fonctionnaires; de là le martyre de saint Maurice et de la légion thébaine, qui inaugure en 285 sa campagne. Il faut épurer en second lieu l'administration; de là le martyre des saints Rufin et Valère, préfets à Bazoches des greniers impériaux et, comme tels, en relation étroite avec le peuple des campagnes favorable au soulèvement. Il faut enfin frapper les propagateurs de la foi nouvelle, les zélés qui excitent les autres et qui gagnent des recrues, tels , les Crépin, les Crépinien et leurs compagnons d'apostolat. »[6]

C'est, probablement, durant cette période pénible que les premières victimes rémoises reçurent leurs palmes, ce qui fait que l’Église de Reims « compte, parmi son clergé et ses fidèles des martyrs. Les plus anciens de ces martyrs seraient d'après la tradition locale, saint Timothée, saint Maur, saint Apollinaire, exécutés avec cinquante chrétiens le sixième et le onzième jours des calendes de septembre, en haine de la foi. »[7] Mais, le martyrologe de ces trois saints rémois, semblait poser problème, quant à sa véracité. Un laïc et non des moindres, Louis Demaison, archiviste de la ville de Reims, prit parti, et se rangea parmi ceux qui défendaient cette véracité des faits :

« – Bien des détails sont sans doute imaginaires, mais je ne vois pas de raisons pour en rejeter les éléments principaux qui pouvaient être connus au temps du chroniqueur rémois: procès et martyre des saints, leur exécution en dehors de la ville, ce qui est conforme aux habitudes romaines; lieu du supplice de saint Timothée et saint Apollinaire indiqué avec précision, et resté depuis, l'objet de la vénération des fidèles; inhumation des corps par les soins des chrétiens. »[8]

Les corps de ces martyrs furent recueillis et inhumés par les autres chrétiens et, sur leurs tombes une église fut érigée, plus tard. Et si à ce moment-là, la dédicace fut faite pour les trois martyrs, un seul parmi eux, donnera, dans l'avenir son nom à cette église: saint Timothée.

Peu à peu les sentiments antichrétiens s'apaisèrent. Même si les années 303 et 304 apportèrent de nouveaux rebondissements et de terribles persécutions, sous Domicien, dans la Gaule, une certaine accalmie régna, grâce à la bienveillance du consul romain de cette époque, Constance Chlore, qui semble ne pas avoir appliqué à la lettre les consignes qui lui étaient envoyées depuis Rome, comme l'affirme catégoriquement Lactance, dans son ouvrage “De morte persecutorum” : « le César ne pouvait sans doute refuser toute obéissance aux commandements de ses supérieurs, les Augustes (...) mais il en adoucit l'exécution au point de les rendre presque tolérables. Pour ne pas rompre ouvertement, Constance donna un témoignage de sa soumission matérielle en détruisant quelques églises; mais, au prix de quelques murailles faciles à relever, il se dispensa d'attenter au vrai temple de Dieu qui est dans le cœur des hommes. »[9]

Mais la liste des martyrs ne se clos pas avec saint Timothée, saint Maur et saint Apollinaire. Et s'il fut dit que le sang des martyrs est semence de chrétiens, d'autres gouttes rougeâtres couleront de nouveau, bientôt sur le sol de la cité des Rèmes, lors de l'invasion des Vandales. Mais n'anticipons pas.

Faisant confiance à Hincmar, nous allons donc considérer que saint Sixte est arrivé à Reims vers 257 ou 258; qu'il était accompagné de saint Sinice qui sera son successeur vers 280, après avoir occupé le siège de Soissons. Nous allons aussi, comme tant d'autres avant nous, considérer que saint Sixte est mort à Reims et que son successeur le fit inhumer sur la colline matrice. Il est aussi plus que probable que le premier évêque ait été aimé de tous ceux qu'il avait évangélisé et que ceux-ci venaient se recueillir sur sa tombe, laquelle fut préservée, sans aucun doute pendant de nombreuses années, jusqu'au moment où, un sanctuaire pour préserver ces saintes reliques, put être construit. Est-ce saint Sinice qui la bâtit, cette première église? Peu probable, à notre avis, si nous prenons en compte l'argument énoncé ci-dessus: la persécution de Maximien et le martyre des saints Timothée, Maur et Apollinaire. Malgré la période de relative liberté religieuse, survenue après cette bourrasque, déclenchée par Maximien, il nous est impossible de croire en cette hypothèse.

En effet, malgré le fait que les premiers chrétiens se soient installés à part, il ne faut pas croire que les ordres romaines s'arrêtaient à la porte Bacchus et que la voie Césarée qui passait juste à côté de leur colline ne serait pas empruntée par les soldats romains, si le besoin s'en faisait sentir; la loi romaine étant agissante sur tous les territoires dominés par l'empereur romain.

À saint Sinice, qui fut inhumé à côté de saint Sixte, succéda saint Amance, ou saint Amand, vers 290.

Alphonse Rocha


[1] Daniel-Rops; “L’Église des Apôtres et des Martyrs”; Fayard et Desclée De Brouwer; Paris 1971.
[2] Daniel-Rops; “L’Église des Apôtres et des Martyrs”; Fayard et Desclée De Brouwer; Paris 1971.
[3] Godefroid Kurth; “L’Église aux Tournants de l’Histoire”; page; 16; Téqui; Paris; 1976.
[4] Daniel-Rops; “L’Église des Apôtres et des Martyrs”; Fayard et Desclée De Brouwer; Paris 1971.
[5] Cardinal Baudrillart; “Panégyrique de Saint Quentin”; Bulletin Diocèse de Reims; 1931; page 44.
[6] Chanoine J. Leflon; “Histoire de l’Église de Reims”; Travaux de l'Académie Nationale de Reims; T 152.
[7] Chanoine J. Leflon; “Histoire de l’Église de Reims”; page 103; Travaux de l'Académie de Reims; T. 152.
[8] Louis Demaison; “Les corps de prétendus martyrs percés de clous, trouvés à Reims au XVII siècle”; Nouvelle Revue de Champagne et de Brie, 1924; page 67.
[9] Lactance; “De morte persecutorum”; ch. XV.

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