|
Jésus nous appelle à vivre une
religion de cœur
Dimanche
dernier, le prophète Sophonie nous parlait du Reste
d’Israël, ce petit noyau très minoritaire d’où devait
sortir la résurrection du Peuple choisi. Jésus-Christ n’a
jamais promis à ses disciples d’être nombreux, forts,
majoritaires, mais il leur demande d’être ce petit
troupeau, ce ferment que les chrétiens doivent insérer
dans le monde, un témoignage de charité envers tous, sans
distinction. Aujourd’hui, le prophète Isaïe appelle Israël à
cette générosité envers le pauvre, exposant déjà au VIIIe
siècle avant Jésus-Christ cette charte de l’amour fraternel.
La règle de
l’hospitalité est une sainte tradition dans l’Orient. On se
souvient comment Abraham s’est empressé de recevoir ses
Visiteurs à Mambré (Gn 18:1-15), comment Tobie montrait sa
fidélité à Dieu par sa générosité au milieu d’un peuple qui
avait oublié Dieu (Tb 1)… Au IVe siècle, nous
avons l’héroîque et étonnant témoignage de saint Phocas, un
saint jardinier de Sinope (sur la Mer Noire) qui hébergea
fraternellement les bourreaux qui cherchaient “un certain
Phocas pour le décapiter”.
Dans sa Règle, saint Benoît demande de saluer les hôtes par
“l’inclination de tête ou même la prostration jusqu’à terre,
adorant en eux le Christ, puisque en eux c’est le Christ
qu’on reçoit” (Règle, ch.53). Encore aujourd’hui les
habitants du Moyen-Orient sont unanimement appréciés pour
leur sens de l’hospitalité.
Mais dans la
lecture d’Isaïe, il s’agit de plus que cela encore : par la
bouche du Prophète, Dieu nous demande de recevoir le pauvre,
le malheureux, l’abandonné, celui qui n’a rien à nous donner
en retour. Et Jésus ira aussi dans ce sens, quand il dira :
Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel
gré vous en saura-t-on ? … Prêtez sans rien attendre en
retour (Lc 6:34,35).
Il n’y a pas
que cet aspect charitable communautaire dans l’appel
d’Isaïe. Dieu nous invite aussi à faire “disparaître de ton
pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante” ;
essayons de traduire dans notre langage actuel ces appels
divins.
Faire
disparaître un joug, c’est savoir ne pas se considérer plus
haut que l’autre, selon ce mot de saint Paul : Vous,
maîtres, …laissez de côté les menaces, et dites-vous bien
que, pour (les esclaves) comme pour vous, le Maître est dans
les cieux, et qu’il ne fait point acception des personnes (Eph
6:9). Le geste de menace, la parole
malfaisante… sont malheureusement présents dans le
quotidien, et nous n’y pensons pas suffisamment : dans la
vie familiale, dans l’enseignement scolaire, dans la vie
sociale et politique… que de diatribes, que de dureté, que
de menaces et d’insultes, que de moments tristes et tendus.
Le Christ ne doit pas être très fier de nous, certains
jours.
Le psaume 111
reprend les mêmes idées, et il est superflu de nous répéter.
Mais une expression est intéressante ici, qu’a commentée
saint Augustin.
“Ceux qu’il a placés à sa gauche, qu’est-ce qu’il leur
reproche ? De n’avoir pas voulu exercer la miséricorde. Et
où iront-ils ? Allez au feu éternel. Cette sentence
funeste suscitera un grand gémissement. Mais que dit un
autre psaume (le psaume 111) ? Jamais on n’oubliera le
juste. Il ne craint pas une sentence funeste. Quelle est
cette sentence funeste ? Allez au feu éternel, préparé
pour le démon et ses anges. Celui qui se réjouira d’une
sentence favorable ne craindra pas une sentence funeste.”
Comme cela a
été dit précédemment, il n’y a pas forcément de lien direct
entre la première et la deuxième lecture.
Dans cette
première Lettre aux Corinthiens, saint Paul se fait tout
petit devant les savants Corinthiens, craintif et tout
tremblant, leur rappelant avec une pointe d’humour assez
marqué que lui, Paul, n’est pas comme ces gens qui savent
faire de beaux discours ampoulés, mais qu’il ne fait “que”
parler de Jésus Crucifié. Et le fruit de cette prédication
est que justement, l’Esprit de Dieu a suscité parmi eux la
foi en ce Crucifié, plutôt qu’en n’importe quel autre
“savant” du monde.
L’évangile de
ce 5e dimanche ordinaire fait suite à celui de
dimanche dernier. Jusqu’à la fin de ce mois, nous
continuerons la lecture de ce magnifique Sermon sur la
Montagne, dans lequel Jésus nous appelle à vivre une
religion de cœur et non pas une banale application de
préceptes extérieurs.
Être le sel
de la terre signifie, comme on l’a souvent dit,
que le chrétien doit “assaisonner” la vie du monde. Mais
aussi notons que le sel ne reste pas sur les aliments, il
les pénètre et disparaît en leur donnant leur bon goût. Ici
encore on pourra remarquer que les Apôtres et les disciples
constituent seulement un petit noyau, et que Jésus les
prévient par là qu’ils ne seront pas un groupe puissant,
omniprésent, autoritaire et exclusif.
Outre qu’ils
doivent donner du goût à la vie, ils doivent servir de
repères, de “lumière” (au singulier) pour qu’on puisse se
référer à eux comme représentants d’une doctrine sûre et
unique.
Donc Jésus
demande à ses ministres à la fois la discrétion, la
modestie, et de ne pas avoir peur, de ne pas se cacher.
Parler ouvertement quand il le faut, pour témoigner,
s’effacer après avoir jeté la semence sacrée de la Parole de
Dieu, sans se laisser gagner par de fausses ambitions
humaines.
Avec ces
sentiments, prions Dieu de tout cœur. Défions-nous de nos
pauvres forces ; appuyons notre espérance en sa seule grâce
et réfugions-nous sous sa constante protection.
|