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“Ce que j'ai écrit, est écrit”
On ne répétera pas ici tout ce
qui a été écrit lors du 1er dimanche de Carême, où nous lisions le
même extrait de l’épître de Paul aux Romains ; mais aujourd’hui il faudrait
plutôt considérer l’idée que Paul veut développer à propos de la Loi et du
péché. Le texte est assez ardu à suivre dans son développement.
Pour les interlocuteurs de Pau,
il était facile de faire ce raisonnement : la Loi ne fut donnée à Moïse que
plusieurs siècles après le péché d’Adam et d’Eve. Or, c’est selon la Loi que
Moïse et les prêtres définissaient et sanctionnaient les péchés commis par les
Israélites, en leur imposant telle “punition”, tel sacrifice à offrir pour leur
purification. Donc, avant Moïse, rien ni personne n’était dans le péché.
L’Apôtre remet le problème à sa
place : la mort est bien apparue avant Moïse, et cette mort a frappé tous les
vivants, depuis Adam. Il y avait donc bien déjà une Loi, celle de Dieu, inscrite
dans le cœur de tous les hommes, et spécialement dans le cœur de Ses fidèles
serviteurs. C’est de cette Loi que le Psalmiste chanta un jour : “La Loi du
Seigneur est parfaite, elle restaure l’âme… Les ordonnances du Seigneur sont
droites, elles réjouissent le cœur, les commandements du Seigneur sont purs, ils
éclairent les yeux” (Ps 18:8-9).
Mais si grave, si importante
qu’eût été cette faute de l’homme, plus importante encore est la Grâce que Dieu
nous a accordée par Jésus-Christ ! Le premier homme, Adam, a engendré la mort
dans toute sa descendance, mais le Nouvel Homme, Jésus, a redonné la Vie non
seulement à tous ceux qui viendraient après Lui, mais aussi à tous ceux qui
L’ont précédé et attendu. S. Jean Chrysostome l’écrit dans une homélie sur la
Croix : “Cette mort-là (d’Adam) a condamné ceux qui sont nés après
elle ; tandis que la mort de Celui-ci (du Christ) a ressuscité même ceux
qui étaient nés avant lui… C’est par la Mort que nous sommes devenus immortels :
telles sont les illustres victoires de la Croix !”
Cette victoire, le prophète
Jérémie l’a “vue” dès son époque (six siècles avant Jésus-Christ) ; dans la
première lecture, on voit avec quelle confiance il attend que Dieu “le
délivre du pouvoir des méchants” : le prophète parle sans doute du Christ
souffrant sa passion, mais certainement aussi, à travers Lui, de toute
l’humanité souffrante, qui attend la résurrection du Christ, sa “revanche”,
c’est-à-dire sa victoire sur le mal.
Dans ses conseils aux premiers
apôtres, Jésus leur annonce délicatement qu’ils auront à souffrir, en les
encourageant : “Ne craignez pas”. Ce passage est un peu méconnu : il est
pourtant très important sur deux points fondamentaux.
― D’abord, Jésus rappelle que
nous sommes faits d’un corps et d’une âme, d’un élément physique naturel et d’un
élément spirituel immortel ; autre est la vie du corps, autre est la vie de
l’âme. Comme on se préoccupe de notre corps, de même nous devons nous préoccuper
de notre âme, de la nourrir, de la sauver, de la donner à Dieu.
― Ensuite, Jésus fait bien la
différence entre la mort physique et la mort spirituelle : perdre la vie du
corps, même douloureusement (maladies, persécutions, accidents...) n’a pas la
même importance que perdre la vie de l’âme : cette mort spirituelle, le péché,
peut conduire “dans la géhenne”.
La Géhenne (hébreux Gè-Hinnom)
était un lieu proche de Jérusalem, maudit pour y avoir été le lieu de sacrifices
d’enfants aux divinités païennes (voir Lv 18:21) et on y brûlait en permanence
des déchets malodorants ; c’était donc le symbole du châtiment définitif des
méchants. D’après cette parole divine de Jésus, il y a bien un Enfer, un lieu
éloigné de Dieu, loin de la Lumière et de la Paix éternelles.
Mais Jésus ne veut pas décourager
ses Apôtres : Vous valez bien plus que des moineaux ! Derrière ce qui pourra
sembler une évidence, même un tantinet cocasse, Jésus nous rappelle que Dieu se
préoccupe de chacun de nous, personnellement, dans les plus petits détails,
jusque dans nos plus profondes pensées : “même vos cheveux sont tous comptés”,
dit-Il.
Il est logique, devant la Vérité
divine, que Jésus ne pourra se prononcer en faveur de ceux qui ne se seront pas
prononcés en faveur de Lui devant les hommes ; mais à l’inverse de cette
négativité, retenons bien Sa promesse : “Celui qui se prononcera pour moi
devant les hommes, je me prononcerai moi aussi pour lui devant mon Père”.
Nous avons donc aujourd’hui pour
notre méditation des textes fondamentaux : le rappel de Jésus sur l’Enfer et sur
notre condition humaine constituée d’un corps et d’une âme ; et le texte de
l’apôtre Paul sur lequel s’appuie notre foi catholique concernant le péché
originel.
On reconnaîtra qu’il n’est pas
facile de suivre le texte de l’Apôtre, mais il faut se rappeler en même temps
que par sa conversion totale, Paul a ouvert tout grand son cœur et son
intelligence aux mystères divins qu’il a reçus dans son extase sur le chemin de
Damas ; nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour le rejoindre dans
cette conversion intérieure. Avec la grâce de Dieu, dans la prière fidèle, nous
arriverons certainement à comprendre de mieux en mieux toutes ces grandes
vérités.
“Ce que j'ai écrit, est écrit”
(fin de citation).
Abbé Charles
Marie de Roussy |