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Le Temps Pascal étant
achevé à la Pentecôte, après les grandes solennités de la Trinité et de
la Fête-Dieu voici que la liturgie reprend le cycle des Dimanches
Ordinaires ; il y en a eu sept cette année, avant le Carême, puis le
calendrier ne permet pas d’insérer le huitième, tandis que les neuvième,
dixième et onzième ont cédé la place aux solennités, de sorte que nous
sommes aujourd’hui au douzième dimanche ordinaire.
Ce qui peut nous frapper
aujourd’hui, dans la deuxième lecture, c’est la correspondance entre ce
thème de la créature nouvelle et celui de la vie nouvelle de l’homme
intérieur, dont il fut question vendredi dernier en la fête du
Sacré-Cœur. C’est une heureuse coïncidence, mais cette année uniquement,
car le calendrier apporte d’une année sur l’autre maintes
modifications.
Paul rappelle aux
Corinthiens l’importance du message de Christ, de sa mort et de sa
résurrection : qui concerne tous les hommes, vraiment tous, car c’est
pour tous les hommes que le Christ a versé son sang ; après la Passion
et la Résurrection, les hommes ne peuvent plus prétendre vivre en-dehors
de Christ, car une vie nouvelle se présente à nous. Le Christ n’est plus
“seulement” cet homme de Nazareth qui est passé sur les routes de
Galilée, de Samarie et de Judée en parlant, en guérissant, et en
appelant à la conversion ; Il n’est pas seulement mort en croix comme un
bandit ; Il est ressuscité, vainqueur de la mort ; en Lui nous voyons
l’Homme-Dieu, Dieu incarné, Sauveur de tous les pécheurs par son Amour
miséricordieux.
Vraiment Dieu a fait de
grandes choses pour nous ! Si les textes de cette épître et des autres
lectures n’ont pas de lien direct entre eux, on peut certainement
affirmer que l’Œuvre de la Rédemption est vraiment une merveille.
C’est ce que chante le
psaume 106, où le Psalmiste invite chacun à remercier Dieu pour son
Amour, pour ses œuvres, et ses merveilles dans les océans. Ici la mer
qui se déchaîne représente le monde avec toutes ses turbulences, tandis
que le port est le Rocher divin auquel nous pouvons nous accrocher avec
pleine confiance.
Nous sommes ainsi amenés à
relire ce passage où Dieu questionne Job ; ce dernier, comme tout homme
faible, a eu un moment de tentation, durant lequel il a manifesté sa
douleur, il a cherché à se justifier ; ses “amis” ont essayé de le
raisonner, en vain ; alors Dieu reprend la parole : Comment oses-tu
parler, toi, l’homme, alors que toute la création est l’œuvre de mes
mains ? Et Dieu parle de la mer, mystérieuse, puissante, indomptable,
qui doit “obéir” en s’arrêtant au rivage de la terre ; là-dessus,
l’homme ne peut intervenir, dépassé par la toute-puissance divine. On
l’a vu en maintes occasions : quand la mer se déchaîne et inonde les
terres, l’homme est totalement impuissant à l’arrêter, c’est une
catastrophe inévitable. Ainsi Job — et chacun de nous — est invité à
rester humble, soumis, et à ne pas élever la voix avec présomption.
Dans l’évangile, Jésus
montre Sa toute-puissance divine en commandant au vent et à la mer.
Auparavant il “dormait”, et les apôtres viennent le houspiller ! Oh,
combien de fois l’homme montre son manque de foi en demandant : Mais que
fait le Bon Dieu, avec tous les malheurs que nous vivons ici ?… Qu’il
est fréquent d’entendre dire que Dieu ne se préoccupe pas beaucoup des
hommes, qu’Il laisse faire trop d’injustice … Comme il est facile
d’accuser Dieu (ou les autres hommes), au lieu de faire son propre mea
culpa … Jésus ne manque pas l’occasion d’interpeller les apôtres :
“Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ?
Il est étonnant que les
apôtres se disent entre eux : “Mais qui est-il donc ?” Ils ont déjà vu
Jésus délivrer des possédés, ils ont vu le miracle de Cana, où ils
“crurent en Lui” (Jn 2:11). C’est que ces apôtres sont des hommes comme
nous : devant un événement majeur, ils sont secoués ; puis la tension
retombe, la vie reprend, faisant oublier le passé, au point même qu’à la
prochaine occasion, leur foi n’est plus présente. Patiemment, Jésus les
exhorte : “Pourquoi avoir peur ?”
Ce ne sera pas la dernière
occasion de “douter” : plus loin, Marc dit qu’ “ils furent remplis
d’étonnement, car ils n’avaient pas compris le miracle des pains, parce
que leur cœur était endurci” (6:51-52) ; plus tard, Jésus leur
demande même : “Etes-vous encore sans intelligence ?” (8:17), et
“Ne comprenez-vous pas encore ?” (8:21). En 8:33, Jésus reprend
très sévèrement Pierre : “Arrière, Satan !” ; ils apprendront
aussi que pour chasser le démon, il faut prier davantage (9:29) ; à
Gethsémani, ils s’endormiront au lieu de prier avec Jésus, puis
s’enfuiront tout bonnement devant l’escorte des Juifs et des soldats
romains. Tous ces doutes, toutes ces difficultés seront autant de
moments où ils apprendront à se ressaisir, à devenir plus forts, jusqu’à
être les courageux témoins de la Résurrection, jusqu’aux dernières
limites de la terre.
Ces Apôtres timides et
inconstants, comme ce saint patriarche Job tenté par la révolte, ce sont
un peu chacun de nous, au fil des jours et des années de notre difficile
existence humaine. D’autres expressions de la liturgie d’aujourd’hui
complètent cette vision : dans l’antienne d’ouverture : Sauve-nous,
Seigneur, conduis-nous toujours (du psaume 27) ; dans la prière : “tu
ne cesses jamais de guider ceux que tu enracines solidement dans ton
amour” ; dans l’antienne de communion : “Tu donnes à chacun sa
nourriture” (du psaume 144), notre pain quotidien, l’Eucharistie.
Ne nous arrêtons jamais à
nos chutes : Dieu nous connaît. Ce qu’Il veut, c’est notre persévérance
jusqu’au bout.
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