“La vérité germera de la terre”
Nous lisons
aujourd’hui le récit évangélique de la toute première mission des
Apôtres. Jésus leur a enseigné comment agir, comment parler, comment
imposer les mains aux malades. Maintenant, à eux d’opérer.
Étonnant, ce
conseil de dernière minute qu’ils reçoivent au moment de partir : “ne
rien emporter pour la route, sauf un bâton” ; pas de pain à manger,
pas d’argent pour en acheter, juste un bâton, des sandales (pas de
chaussures), et même pas une tunique de rechange… Jésus veut que les
Apôtres apprennent à se confier à la Providence ; ils devront humblement
demander l’hospitalité ― qui se pratiquait avec largesse dans ces
temps-là ; encore aujourd’hui, les habitants de ces régions savent être
très hospitaliers.
Quand un François
d’Assise ou un Dominique de Guzman ont voulu réformer de l’intérieur
l’Église décadente du XIIe siècle, ils ont exigé de leurs compagnons une
pauvreté totale ; c’est ce qui rendit les ordres franciscain et
dominicain si florissants, si féconds en exemples de sainteté.
Les Apôtres donc
vont par les chemins et accomplissent leur mission selon les paroles de
Jésus : ils chassent les démons, font des onctions d’huile aux malades ;
ce sont déjà nos sacrements de la Réconciliation et de l’Onction des
malades.
Jésus les envoie
deux par deux. Il y a là une sagesse et une prudence. La compagnie d’un
ami fidèle est très souvent d’un grand réconfort. Dans la solitude,
souvent l’homme ou se désespère de ses faiblesses ou s’enorgueillit de
ses réussites : l’ami qui est à ses côtés, au nom de la Vérité, a le
devoir de l’aider à surmonter ces tentations. Les jeunes qui entrent
dans les séminaires ou les noviciats ne font pas qu’apprendre
intellectuellement, ils apprennent surtout à s’aimer les uns les
autres, à s’entraider charitablement. Il y aurait bien des exemples à
citer, de cette sainte amitié qui a soutenu les Saints dans leurs
combats apostoliques. On en trouvera dans nos biographies de Saints, sur
ce même Site.
Mais revenons à
nos textes liturgiques.
Amos, ce “petit
prophète” du huitième siècle avant Jésus-Christ, est envoyé quelque
temps en Israël, d’où le prêtre lui-même le “réexpédie” assez rapidement
à ses troupeaux et ses figuiers. Entre temps il aura eu le temps
d’appeler Israël à la conversion.
La dureté de cœur
de l’homme l’empêche de comprendre que le message divin est pour son
bien, que l’appel à la conversion est un message de paix, que ce qui
coûte n’est pas d’être dans la Vérité, mais dans l’erreur.
Le psaume 84 (qui
est lu principalement durant l’Avent, en préparation de la naissance du
Sauveur), parle de cette paix qui vient de Dieu :
“Amour et
vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent” : comme pour
dire que là où Dieu est présent - par l’Église, par les Sacrements, par
la Parole, là règnent en même temps la justice et la paix, ce qui
constitue la véritable et unique réponse à tous les problèmes sociaux
des hommes.
“La vérité
germera de la terre” : car le Sauveur naîtra d’une humble femme.
“Le Seigneur
donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit” : Dieu
envoie son Fils, et ce Fils s’incarnera parmi les hommes.
A partir de ce
dimanche, l’Église suspend la lecture de la seconde épître aux
Corinthiens, pour aborder celle aux Éphésiens, une des dernières de
l’Apôtre, où il exalte le triomphe de la royauté du Christ, et notre
vocation à vivre en Lui dans une vie nouvelle.
Le prologue de
cette épître est un chant magnifique - que nous reprenons chaque lundi à
Vêpres dans la Louange des Heures, où saint Paul loue Dieu pour l’œuvre
de salut accomplie pour nous par Son Fils.
Dès le début, dès
avant la création, Dieu nous a bénis dans le Christ (verset 3). L’Apôtre
veut nous dire que le but divin de toute la création, était notre
existence et notre vie (verset 4a) ; une vie de sainteté, dans l’amour
de Dieu (verset 4b) : donc nous sommes tous appelés à être unis au
Christ dans cette filiation qui nous permet d’être, comme Lui, des fils
de Dieu, ces fils adoptifs du verset 5.
Cela fut “le
propos de Sa volonté” ; la traduction par “bienveillance”, doit être
comprise en son sens propre et très fort : bienveillance, qui veut le
Bien. Et vient ici cette belle expression reprise dans la quatrième
Prière Eucharistique : unis en un seul Corps, nous sommes appelés “à la
louange de Sa gloire” (verset 6, repris aux versets 12 et 14) : comme le
Fils rend une éternelle louange à Son Père, nous sommes admis avec Lui à
exprimer cette même louange, grâce à notre adoption dans la Vie du Père.
Quel honneur nous est donc fait là !
Et ce n’est pas
tout. Le péché aurait pu annuler tout ce beau programme sacré. Nous
aurions pu être privés de cette adoption : eh bien, non, Dieu nous
aimait tant, qu’Il s’est servi de Son Fils pour nous racheter, par le
Sacrifice parfait du Verbe Incarné, “qui nous obtient par son sang la
rédemption, le pardon de nos fautes” (verset 7).
La vocation de
tout le créé, de tous les êtres vivants est d’être unis en un seul Corps
; c’est notre vocation, à chacun, marqués par l’Esprit Saint que Christ
nous a ensuite envoyé après son Ascension, en signe d’unité dans l’Amour
et dans la Vérité (verset 13).
Dans
l’Eucharistie, nous sommes Un en Christ (“Celui qui mange ma chair et
boit mon sang demeure en moi en moi en lui”, Jn 6,57, antienne de
communion), et c’est dans ce Mystère que Dieu accomplit l’ “Œuvre de
salut” (prière finale). Devant cette œuvre, l’histoire n’est plus rien
qu’un petit espace de temps très vite écoulé. L’histoire passe et
disparaît bien vite ; l’important est ce qui reste : notre salut en
Jésus-Christ notre Sauveur, pour la “louange de gloire” de notre Père
éternellement miséricordieux.
Abbé Charles
Marie de Roussy |