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Sans cesse nous avons besoin de nous renouveler
On se souviendra peut-être
des remarques faites lors du quatrième dimanche de Pâques, à propos de
la traduction de l’expression : “Ego sum Pastor bonus”, qu’on
proposait de traduire ainsi : C’est moi le Pasteur, le Bon. Dans le
discours sur le Pain Vivant, qui commence aujourd’hui, Jésus a une
expression similaire : “Ego sum panis vitæ”, qu’on devrait
traduire : C’est moi qui suis le Pain de la Vie, pour rendre
l’importance du Ego en tête de phrase.
En disant ces mots, comme
lorsqu’Il a parlé de la vraie Vigne, Jésus veut dire que Lui, et Lui
seul est le vrai Pasteur (Jn. 10:11), la vraie Vigne (Jn. 15:1), le vrai
Pain (Jn. 6:35).
Avant de continuer notre
petit commentaire, arrêtons-nous un instant sur cette expression
johannique du “Ego sum” : C’est moi ! Jésus l’utilise maintes fois, chez
l’évangéliste Jean, comme on l’a dit ci-dessus ; mais aussi pour
rassurer ses disciples : “C’est moi !” (6:20) et surtout en
parlant aux Juifs : “Si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez
dans vos péchés” (8:24). Ce “Je Suis” devait évoquer dans la pensée
des Juifs la réponse de Dieu à Moïse, presque impossible à rendre en
français : “Je suis le ‘Je suis’”, car au fond “Je Suis”
caractérise l’essence-même de Dieu, Vie essentielle, Être
fondamentalement Vivant et auteur de la Vie. En s’exprimant ainsi, Jésus
exprime aux Juifs son identité divine, son union intime avec Dieu. Dans
le désert, le pain est descendu du ciel ; maintenant, c’est Jésus
Lui-même qui est descendu du ciel.
La manne reçue par Israël
dans le désert venait miraculeusement du ciel, elle permettait au peuple
israélite de manger pendant son long voyage, mais ce n’était pas “la”
nourriture, elle en était le symbole, l’annonce. Jésus, en s’incarnant,
offre Son Corps en Sacrifice, et nous laisse Son propre Corps en
nourriture dans l’Eucharistie, grâce à Sa Parole consacrante, reprise
ensuite par des milliers et des milliers de prêtres dans le monde entier
: Ceci est mon Corps - Ceci est mon Sang.
Quand Jésus tient le
discours d’aujourd’hui, au chapitre 6 de Jean, Il n’a pas encore
institué l’Eucharistie, et le pain qu’Il vient de multiplier pour la
foule n’est pas encore non plus “son” Corps. Durant sa vie publique,
Jésus prépare peu à peu ceux qui L’écoutent, à recevoir en eux ce
merveilleux Sacrement vital.
C’est pourquoi, à ceux qui
Lui demandent “Que faut-il faire ?”, Il répond : “Croire en Celui que
Dieu a envoyé”, parce que si l’on croit profondément en Jésus, Fils de
Dieu, incarné, mort et ressuscité, on doit aussi croire en Son
enseignement, en Ses Sacrements, en Sa présence dans l’Eucharistie, en
Son Église Une et Catholique.
Jésus nous demande donc de
“travailler non pour la nourriture qui se perd, mais pour celle qui
se garde”. Il ne dit pas vraiment “travailler”, au sens où on
l’entend d’une occupation fatigante comme le travail quotidien pour
gagner son pain “à la sueur de (notre) front” (Gn 3:19) ; mais Il
dit plutôt “operamini”, “occupez-vous” ; ce qui correspond bien à la
demande suivante des auditeurs de Jésus : “Que faut-il faire pour
nous occuper des œuvres de Dieu ?”, à quoi Jésus répond par son
invitation à croire en Lui, Sauveur incarné : “œuvre” salutaire, et non
“travail” pénible.
Quand la foule commence de
comprendre, et qu’elle demande à avoir ce Pain “qui donne la vie”, Jésus
leur promet alors : “Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ;
celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif”. Il faut bien
comprendre ces expressions et les imprimer dans notre cœur. “Ne plus
avoir faim” ne veut pas dire qu’il suffira d’aller une seule fois à
Jésus, mais qu’il ne faut aller qu’à Lui pour vraiment être rassasié.
Au contraire, Jésus désire
que nous Le recevions très souvent ― avec les bonnes dispositions qui
s’imposent ― dans le Sacrement d’Amour eucharistique. Certes, l’Église
ne veut pas nous obliger contre notre volonté, et la loi catholique ne
nous demande expressément de recevoir l’Eucharistie qu’une fois l’an, au
moment de Pâques. Mais si nous sommes convaincus de l’importance de
cette démarche, si nous voulons vraiment nourrir en nous la vie divine,
allons le plus souvent possible recevoir la sainte Hostie ― et l’Église
nous y encourage. Beaucoup de fidèles ne savent pas que les prêtres
célèbrent chaque jour l’Eucharistie, et qu’ils peuvent chaque jour y
participer, selon le temps dont ils disposent. La Messe est à chaque
fois la Pâque qui se reproduit : “Chaque fois que nous mangeons ce
pain et buvons à cette coupe, nous célébrons le mystère de la foi”.
Mettre au centre de notre
vie l’Eucharistie, est synonyme de mettre le Christ au centre de notre
vie, et ordonner toutes nos actions sur l’Homme Nouveau, la nouvelle
créature que nous sommes devenus en Christ ressuscité. C’est
l’invitation de Paul aux Éphésiens.
Les autres prières de ce
dimanche nous rappellent cette restauration de l’ordre primitif de la
Création : “Restaure pour eux ta création”, est-il dit dans la
Prière du jour ; ainsi nous deviendrons “une éternelle offrande à sa
gloire” (Prière sur les Offrandes, l’expression est reprise dans la
quatrième Prière eucharistique) ; enfin la dernière Prière après la
Communion rappelle que nous avons été “renouvelés par le Pain du
ciel”.
Sans cesse nous avons
besoin de nous renouveler ; chaque jour nous pouvons le faire dans
l’Eucharistie quotidienne offerte par le Prêtre.
Dans quelques jours, nous
fêtons saint Jean Marie Vianney (4 août). Que cette “année
sacerdotale”, à l’occasion du 150e
anniversaire de la mort de ce grand Saint, soit pour chacun de nous une
année de renouvellement dans la Vie, dans l’Eucharistie, dans l’Amour.
Abbé Charles Marie de Roussy
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