“Si quelqu'un mange ce pain...”
L’évangile d’aujourd’hui
continue le Discours de Jésus sur le Pain de Vie. Sa parole devient plus
nette, plus directe, car Jésus veut faire comprendre à cette foule
qu’elle a besoin du Vrai Pain. Mais certains Juifs font la sourde
oreille. Au lieu de demander comme Marie à l’ange : “Comment cela se
fera-t-il ?”, ils raisonnent de façon très terre-à-terre.
Ici, l’Homme-Jésus dévoile
un peu plus clairement sa Divinité : son père n’est pas ce Joseph que
tout le monde a connu à Nazareth, le bon charpentier. Ce bon père
nourricier était l’image du Père céleste de Jésus, et Jésus va
maintenant parler de Son Père. On essaiera d’imaginer quels sentiments
pleins d’émotion pouvait ressentir Jésus en parlant de Son Père, et quel
désir il avait que les foules le connussent vraiment.
A première lecture, les
phrases de Jésus rapportées par Jean semblent être mélangées, mais il
faut bien les comprendre, et l’on verra qu’elles s’enchaînent très
logiquement :
– si nous cherchons
vraiment à écouter le Père, nous devons aller à Jésus, inévitablement,
puisque Jésus est le Verbe de Dieu, la Parole de vérité.
– seul, Jésus a vu le Père,
puisqu’Il en vient. Aller à Jésus, Le voir et croire en Lui, c’est voir
et écouter le Père. Jésus le rappellera à la dernière Cène, en répondant
à Philippe : “Celui qui m’a vu, a vu le Père” (Jn. 14:9).
– enfin, qui croit en
Jésus, Dieu et Homme, reconnaît en Lui la Vie, et Celui qui nous donne
la nourriture pour cette Vie : l’Eucharistie.
Et Jésus insiste d’une
façon désormais très lumineuse : “C’est moi qui suis le Pain vivant
descendu du ciel”. Qui pourra maintenant dire que l’Eucharistie est
un symbole ? L’hostie que je reçois des mains du prêtre, contient
mystiquement et réellement le Corps vivant de Jésus. Le vin que je bois
au calice contient mystiquement et réellement le Sang vivant de Jésus.
Il faut expliquer un peu
les mots “vivre” et “mourir” qu’utilise Jésus, parce que, comme nos
pères au désert, nous aussi nous passerons par la porte de la mort.
Comment comprendre que l’Eucharistie nous empêchera de mourir ?
Souvenons-nous que, du
peuple hébreux sorti d’Egypte, beaucoup de sont pas entrés dans la Terre
Promise, ayant trop souvent douté de la puissance de Dieu et trop
souvent refusé de Lui obéir. Même Moïse eut un moment de doute et se vit
interdire l’entrée dans la Terre Promise.
Or, cette marche dans le
désert et l’entrée dans la Terre Promise symbolisent pour nous notre
combat en cette vie et notre entrée dans la Vie éternelle, à la suite du
Christ mort et ressuscité. Si nous ne reconnaissons pas Jésus ni Son
enseignement, nous serons comme ceux qui n’entrèrent pas dans la Terre
Promise et qui “sont morts”. Peut-être même que certains des Juifs qui
écoutaient Jésus à ce moment-là descendaient de ceux qui moururent dans
le désert, douze siècles plus tôt ; explication difficile, mais qui
pourrait expliquer l’expression de Jésus : “vos pères”.
Au contraire, “si
quelqu’un mange de ce Pain, il vivra éternellement”, car reconnaître
Jésus dans l’Hostie consacrée, c’est recevoir en nous la Vie divine, dès
maintenant, et plus tard, en plénitude, dans l’Eternité, dans la Terre
Promise éternelle.
Précisons tout de même que
Jésus ne “condamne” pas ceux qui sont morts dans le désert, car Dieu est
tout de même “riche en miséricorde”. Comparant la Terre Promise à
la Vie éternelle, Jésus promet d’y admettre ceux qui auront reçu ce Pain
eucharistique avec foi, sans pour autant en exclure ceux qui par
ignorance ou sans responsabilité personnelle n’auront pas connu cette
grâce. Seul Dieu connaît vraiment le fond de chacun.
A cette lecture du Pain de
Vie se réfère la première lecture, du livre des Rois, où le prophète
Elie est invité par deux fois à manger et boire, pour marcher ensuite
quarante jours et quarante nuits : une nourriture et une boisson
vraiment fortifiantes !
Le psaume 33 est l’un des
“psaumes eucharistiques” ; en particulier, c’est celui que David
composa, fuyant la colère de Saül, après être passé chez le prêtre
Abimélek, qui lui permit de manger des pains consacrés (Lisez le
chapitre 21 du premier livre de Samuel). Réconforté, David chante et
invite ses amis à “goûter et voir combien est bon le Seigneur.
David nous donne ici un
enseignement très fort : lui qui est persécuté, menacé par Saül, obligé
de fuir, il chante la bonté de Dieu “en tout temps”. Voilà comment nous
pouvons reprendre force et sourire, même dans l’adversité.
On l’a dit précédemment, la
lecture de l’épître aux Éphésiens n’a pas de lien direct avec les
extraits de l’évangile. Mais aujourd’hui, les recommandations de Paul
vont tout-à-fait dans un sens eucharistique, car suivre Jésus, c’est
vivre de l’”Esprit de Dieu”, dans “la générosité et la tendresse”, dans
le pardon fraternel. Faisons comme David : même dans l’épreuve, même
dans la tentation, dominons nos emportements et nos indignations, nos
“éclats de voix ou insultes” pour chanter sans cesse la bonté de Dieu.
Vivre ainsi, selon l’Esprit
de Dieu et de Christ, c’est être vraiment des Fils de Dieu. La Prière du
jour le dit textuellement, reprenant ce mot de Jean (1Jn 3:1) :
“Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés
enfants de Dieu ! Et nous le sommes.”
Abbé Charles Marie de
Roussy
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