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La force nous viendra de notre Foi en Dieu
Pendant quatre
dimanches, nous allons lire quelques extraits de la Lettre
aux Hébreux.
Une trentaine
d'années à peine après la Résurrection, ces nouveaux
Chrétiens de Palestine ont déjà subi beaucoup de
persécutions depuis leur récente conversion ;
ils ont dû quitter Jérusalem, accepter de tout laisser
derrière eux ; désormais, ils célèbrent l’Eucharistie avec
les Chrétiens, mais le souvenir de la Ville sainte, avec son
temple récemment reconstruit et ses cérémonies grandioses
reste très présent dans leur cœur ; la tentation est forte
de regretter le passé. L'épître qui leur est adressée veut
les confirmer dans leur foi, leur rappelant la foi de leurs
ancêtres, les exhortant à ne pas se laisser enfermer dans la
nuit de l’épreuve.
La Foi !
Combien cette vertu doit-elle être forte, pour accepter les
événements de la vie ! Pour que nous ne nous laissions pas
si facilement décourager, l’épître nous donne l’exemple
d’Abraham.
Quelle foi
devait avoir Abraham, invité par Dieu à tout laisser,
sans savoir où il allait, acceptant de vivre dans un
campement. Quelle foi aussi pour croire qu’il allait
être père, et Sara mère, alors qu’ils étaient déjà
marqués par la mort, très âgés.
Et encore et surtout quand Dieu lui demande d’immoler ce
fils unique, Isaac, l’héritier de la promesse… L’auteur de
l’épître aux Hébreux vante la foi profonde, indéfectible,
d’Abraham, qui pensait, déjà à cette époque, que Dieu
peut aller jusqu’à ressusciter les morts, alors que l’on
ne savait encore rien de la résurrection du Christ.
La foi a
accompagné les Israélites pour faire confiance à Moïse et
aux promesses de Dieu : ce n’est pas anodin d’entendre tout
un pays dans les hurlements de douleur, à la suite de la
mort subite du premier-né de chaque maison, et au même
moment d’être invités à sortir de chez soi et de partir avec
armes et bagages… vers le désert.
Les textes
d’aujourd’hui sont une invitation à rester éveillés, à
conserver la foi malgré tout, à garder le cap de toutes
façons. Quelle que soit l’épreuve, tous les hommes
connaissent un jour ou l’autre cette “nuit” où il semble que
tout s’effondre autour de nous. Nuit de la maladie, nuit de
la persécution, nuit du doute, nuit de l’attente et de toute
angoisse ; nuit laborieuse qui précéda la pêche miraculeuse
(Jn : 21) ; nuit de l’agonie et de la mort du Christ, nuit
salvatrice certes, mais au prix de quelles souf-frances !
Souvent nous
trouvons trop longue, trop difficile, trop douloureuse,
l’épreuve de la vie. Facilement notre foi chancelle et
laisse échapper ces protestations mille fois entendues :
Encore ! Toujours moi !
Quand on ne
s’appuie que sur soi-même, on arrive bien vite à bout de
résistance, et l’on se décourage. Il est réconfortant
d’entendre ici et là des personnes frappées par la maladie
ou quelque épreuve, rétorquer : Oh, il y a plus malheureux
que moi… C’est déjà là un commencement de redressement, de
confiance en Celui qui peut tout : si Untel, qui est plus
frappé que moi, a la force de résister, je pourrai moi aussi
supporter cette épreuve passagère. La force nous viendra de
notre Foi en Dieu. Croire en Dieu, c’est se détacher de
soi-même.
Déjà dimanche
dernier Jésus avertissait quiconque amasse pour lui-même
au lieu d’être riche en vue de Dieu. Se détacher est un
combat difficile, et Jésus veut nous y aider, en s’adressant
au "petit troupeau" des Apôtres, mais aussi à chaque famille
chrétienne qui doit être un ferment au milieu de la société
: Sois sans crainte, petit troupeau.
Quand Jésus
nous invite à vendre ce que (nous avons), Il ne nous
invite pas à manquer de prudence pour les contingences
quotidiennes de la vie, mais Il nous demande de nous séparer
de ce que nous croyons à tort indispensable, et dont nous
savons parfois très bien au-dedans de nous que nous n’y
avons pas droit ou que nous n’en avons pas besoin. Dans
toutes nos maisons, il y a des tas de choses que nous
pourrions vendre pour donner cet argent en aumône. De
saints Évêques n’ont pas hésité parfois à vendre les vases
sacrés de l’Église pour venir en aide aux pauvres.
Il y eut dans
l’histoire de l’Église des cas de Saints et de Saintes qui
ont voulu pratiquer cette pauvreté dans l’absolu et ne
dépendre que de l’aumône. Un cas très particulier fut celui
de saint Benoît-Joseph
Cottolengo à Turin, qui non seulement ne tenait pas de
livre de comptes, mais encore distribuait le soir aux
pauvres ce qui lui restait d’argent.
A la question
de Pierre, Cette parabole est-elle pour nous ou pour tout
le monde ? Jésus ne répond pas directement ; Pierre doit
le comprendre : nous sommes tous des serviteurs du même
Maître ; à chacun il est conseillé d'être prêt, mais
d'autant plus encore à ceux qui ont plus de responsabilités,
aux prêtres, aux évêques, aux chefs, civils ou religieux…
Rester
éveillés, c’est garder la Foi pour être fort dans l’épreuve.
Les Chrétiens
du IIIe
siècle furent très surpris par la nouvelle persécution après
une période d’accalmie de la part des autorités ; beaucoup
tombèrent, parce que leur Foi avait tiédi, parce qu’ils
s’étaient “endormis”. Ce furent les lapsi, ceux qui
avaient “glissé”, et que certains refusaient de réadmettre
dans la communion ; ils furent enfin pardonnés après leur
pénitence.
Beaucoup,
beaucoup trop d’hommes, de femmes et surtout d’enfants
orphelins, dans le monde, nous enseignent actuellement ce
que signifie “tout quitter”, obligés à abandonner maison,
village, terre, pâturages, troupeaux, tout, absolument tout,
pour se réfugier sous des tentes des ONG, avec dans l’âme le
seul souvenir de la mort et de la destruction. Ils savent ce
que signifie partir sans savoir où l’on va, faisant
l’âpre expérience d’être des étrangers et des voyageurs
sur la terre. S’ils arrivent à dépasser ce déchirement et à
refaire leur vie, ce sera une victoire exemplaire pour eux,
mais que dirons-nous des responsables des guerres et de ces
exils forcés ? Quel enseignement laissera à la postérité le
XXe
et le XXIe
siècles ?
Combien de fois
entendons-nous les hommes se plaindre : Que fait Dieu ?
Pourquoi n'intervient-il pas ? Pourquoi tant de mal autour
de nous ?
La réponse
n'est pas simple, mais une autre question devrait d'abord
nous venir à l'esprit : Mais pourquoi l'homme s'est-il tant
éloigné de Dieu ? Pourquoi des stades pleins à craquer et
des églises vides ? Pourquoi des discothèques
assourdissantes et des chrétiens muets ? Qu'ai-je donné à
Dieu, moi, pour espérer de Lui quelque chose ? Ai-je donné
de mon temps aux autres ? Ai-je pardonné au pécheur, ou
l'ai-je condamné en moi-même ? Ai-je accueilli au moins dans
mon cœur l'étranger, ou l'ai-je méprisé ?
Beaucoup disent
ne pas avoir le temps pour la foi, pour aller prier à
l'église avec leurs frères… C’est trop d’une heure, une
seule, pour participer à l'Eucharistie, et l’on en dispose
de deux, trois, quatre, pour rester collés à la télévision !
Ou alors on voyagera durant toute une nuit pour assister sur
place à un match, à une compétition… Pas le temps de prier !
Avec Abraham,
quittons nos habitudes, notre train-train quotidien, notre
routine monotone et lasse, comme disent les Parisiens :
notre “boulot-métro-dodo” ; reprenons courage, quittons
notre moi pécheur, réaffirmons notre lien filial à Dieu et,
comme le dit la Prière de ce dimanche, nous serons
capables d'entrer un jour dans l'héritage qui nous est
promis.
Dans cette
perspective, nous pouvons chanter avec le cœur libre ces
versets du psaume 32 d’aujourd’hui :
Criez de
joie pour le Seigneur !…
Heureux le peuple dont le Seigneur est Dieu…
Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de
famine.
Nous attendons notre vie du Seigneur.
Abbé Charles
Marie de Roussy
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