“Venez, je vous enseignerai...”
Rien, dans l’évangile
d’aujourd’hui, n’est nouveau après celui de
dimanche dernier, sinon que Jésus y affirme encore plus nettement
Sa présence réelle dans “le Pain qu’(Il) donnera”, que sera ensuite
l’Hostie consacrée à la Messe par le Prêtre.
Ce “miracle
eucharistique” de la Transsubstantiation requiert de notre part un
acte de Foi : car l’Hostie consacrée ne change ni de couleur, ni de
forme, ni de goût, ni de poids. Seules les paroles du Prêtre — Ceci est
mon Corps — y font pénétrer la Présence divine du Christ, pour la
nourriture de nos âmes. Bien sûr, sans cet acte de Foi, nos esprits
rationalistes rejoindront les murmures des Juifs, scandalisés d’entendre
Jésus leur demander de manger Sa chair.
Cette croyance en la
Présence Réelle n’a pas subi d’altération dans l’Eglise pendant des
siècles ; ce n’est qu’au XVIe siècle qu’un malheureux esprit de révolte
a conduit une grande portion du Troupeau chrétien hors de la Vérité,
tandis que dans notre cher pays français de cruelles “guerres de
religion” mettaient à feu et à sang la capitale et d’autres villes de
province, avec les haines et les déchirures que ces vengeances
occasionnaient, plus par motivation politique que religieuse,
d’ailleurs.
Ce fut une période de
grands désordres, de destructions de sanctuaires, de profanations
diverses ; quantité de saints corps et de saintes reliques disparurent
dans les flammes ou dans les fleuves. On a peine à imaginer qu’un
véritable amour de la Vérité pût conduire à de telles extrémités. Seul
l’aveuglement et l’orgueil de la révolte ont pu engendrer ces excès, que
nous payons aujourd’hui encore par de regrettables divisions entre
chrétiens, entre frères, entre enfants de Dieu.
Un très beau passage du
livre des Proverbes nous fait contempler aujourd’hui l’œuvre de la
Sagesse. Très tôt, de nombreux commentaires des Pères de l’Eglise ont
appliqué cette péricope au Christ, à l’Eglise, à l’Eucharistie. Une
interprétation primitive assimilait ces sept colonnes aux sept
patriarches d’Adam à Moïse, ouvrant la voie à la Sagesse incarnée
(Lettres de Saint Clément) ; puis d’autres (Hippolyte, Cyprien, Origène)
ont compris que cette “maison” est le Corps du Christ dans son
incarnation, et les sept colonnes seraient les sept sacrements de la Vie
chrétienne.
La traduction actuelle
(“apprêté son vin”) ne rend pas bien l’expression du grec : “Elle a
préparé dans le cratère son vin”, ce cratère étant un élément du
mobilier de la Tente (Ex 24-25), revêtant donc une claire nuance
sacrificielle, relevée par les Pères, et annonçant le sacrifice du
Christ. Puis la Sagesse envoie “ses serviteurs” (ici : ses servantes),
c’est-à-dire les prophètes, ou les apôtres.
Ecoutons bien l’appel de la
Sagesse : “Quittez votre folie, suivez le chemin de l’intelligence”.
Ici, l’intelligence est véritablement “intus-legere” : lire à
l’intérieur, comprendre en profondeur, saisir au plus profond de l’âme
l’invitation pleine d’amour du Seigneur.
Aux Ephésiens, Paul parle
de la même folie, de la même sagesse. Et au nom de cette sagesse, il
conseille vivement “de ne pas s’enivrer” avec le vin du monde, qui est
bien différent du saint Breuvage que Christ nous offre dans
l’Eucharistie.
Nous lisons aujourd’hui
d’autres versets du même psaume 33, qui font suite à ceux que nous avons
lus dimanche dernier ; on y lit ce verset
étonnant : “Venez, je vous enseignerai la crainte du Seigneur”.
Il s’agit ici d’une “sainte crainte”, d’un sentiment à la fois d’amour
profond pour Dieu et de profond respect — qui n’a rien à voir avec la
peur ; la Crainte du Seigneur est l’un des dons du Saint-Esprit.
Dans ce même Esprit, Paul
nous invite à partager entre nous (en latin) “in psalmis, et hymnis,
et canticis spiritualibus” : si les psaumes et les hymnes se
retrouvent dans toutes les traductions, on ne peut que sourire devant la
variété des interprétations concernant les “canticis spiritualibus”
: cantiques spirituels chez Segond, cantiques inspirés pour la Bible de
Jérusalem, libres louanges (?) dans la traduction liturgique française.
Si l’Esprit de Dieu est présent dans les cantiques “spirituels” ou
“inspirés”, on peut craindre qu’il soit un peu loin des “libres
louanges”…
Si nos cantiques sont
vraiment inspirés de l’Esprit, nous saurons reconnaître “ce que l’œil
ne peut voir” dans l’amour de Dieu pour nous (Prière du jour), ainsi
que “l’admirable échange” qui s’opère durant le Saint Sacrifice de la
Messe (Prière sur les offrandes) ; ayant alors reçu le Corps et le Sang
du Christ, nous pourrons davantage “lui ressembler sur la terre”
(Prière finale).
“Qui cherche le
Seigneur, ne manquera d’aucun bien” (Ps 33:11).
Abbé Charles Marie de
Roussy
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