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Nous n'avons pas encore résisté jusqu'au sang !
A Bethléem, les
anges ont chanté “Paix aux hommes de bonne volonté” ; dans
l'Évangile, très souvent, Jésus nous dit “Paix à vous”.
Est-ce le même Jésus qui nous dit aujour-d'hui : “Je suis
venu apporter non pas la paix dans le monde, mais la
division” ?
C'est bien le
même Jésus, mais c'est ce mot de paix qui a plusieurs
facettes. Il y a la vraie paix et la fausse paix.
La vraie paix,
que Jésus apporte, est cette plénitude de vie intérieure qui
nous unit tellement à Dieu que notre regard se porte sur la
réalité avec les yeux de Dieu. Malgré la souffrance et tous
nos soucis, notre cœur reste confiant en Dieu.
La fausse paix,
que Jésus veut éliminer, est cette apparence de quiétude qui
cache de la haine ; on fait semblant d'être gentils et de se
supporter, mais l'amour n'y est pas. C'est une tiédeur de
cœur qui fait qu'on n'est ni avec Dieu ni contre Lui, un peu
indifférents, évitant les discussions sur des thèmes
fondamentaux, pour n'avoir pas à s'engager.
Tenez, un
exemple classique. Un garçon ou une fille parle à ses
parents de sa vocation (sacerdotale ou religieuse) ; si les
parents sont en paix avec Dieu, ils savent que ce sera là
une séparation qui leur coûtera, mais ils l'acceptent avec
le sourire, et surtout avec une grande joie intérieure.
D'autres parents, qui à priori n'auraient rien contre la
religion, à l'écoute de cette vocation, peuvent s'irriter
jusqu'à la colère, jusqu'à empêcher par tous les moyens leur
fils ou leur fille de se consacrer : et voilà comment cette
famille est divisée, à cause de Jésus.
Dans la vie, il
y a beaucoup d'occasions de plaisirs, de joies ; on en a
besoin, mais il faut parfois y renoncer pour une raison
d'ordre supérieur. L'épître aux Hébreux suggère ni plus ni
moins que Jésus ait renoncé à la joie qui lui était
proposée : il aurait pu en effet se contenter de faire
des miracles éclatants, d'échapper à la croix, aux coups, à
l'humi-liation.
Figure
annonciatrice de ce choix : Moïse, intendant du Pharaon, qui
laissa ce poste plein d'honneurs pour traverser le désert
avec les siens en vue de la Terre Promise. Pour rejoindre
notre Terre Promise, nous devons nous débarrasser de tout
ce qui nous alourdit, éviter les chemins égarés, éviter
les retours en arrière, et ce au prix parfois de réels
combats intérieurs.
Celui qui veut
vraiment répondre à l'appel de Dieu malgré les tensions
familiales, devra combattre parfois durement, mais sa
persévérance l'installera dans la paix. Et nous sommes bien
avertis : nous n'avons pas encore résisté jusqu'au sang !
Nous avons lu
tout à l'heure un autre exemple de combat, celui de Jérémie.
Pour avoir dit la vérité à ses compatriotes, il est condamné
à mourir de faim dans une citerne infecte ; préfigurant le
combat de Jésus, il souffre de la haine de ses proches,
acceptant avec résignation la contradiction. Son combat ira
jusqu'à la mort, plus tard. Lui, il a résisté jusqu'au sang.
Tous n'ont pas
cette mission. Ceux qui ont su résister jusqu'au sang sont
les martyrs. Les victimes des persécutions récentes nous en
ont donné de brillants exemples : au Mexique dans les années
20, en Espagne en 1936, ils tombaient sous les balles en
chantant : Vive le Christ Roi, et en pardonnant à leurs
bourreaux. S. Maximilien Kolbe s'est offert spontanément à
la place d'un condamné qui devait mourir de faim et de soif,
à Auschwitz.
Les martyrs ont
un tel amour total et inconditionnel de Dieu, qu'ils
oublient les tortures qu'on leur fait subir. Tel fut scié en
deux,
tel autre eu la peau arrachée,
tel autre mourut à petit feu sur une grille,
à un autre on coupa successivement tous les mem-bres par
petits morceaux ;
les martyrs anglais du XVIe
siècle étaient particulièrement maltraités : on les pendait,
et avant leur dernier soupir, on leur ouvrait les
entrailles, qu'on arrosait de sel et de vinaigre, puis on
les écartelait ou on les décapitait ; un de ceux-là,
s’entendant condamner à mort, répondit qu’il n’avait “pas eu
de meilleure nouvelle depuis (sa) naissance” et dit à son
bourreau : “Je te pardonne de bon cœur”.
Les religieuses
qui montaient à l'échafaud durant notre triste Révolution,
éprouvaient une telle joie de bientôt paraître devant Jésus,
que leurs bourreaux ont pu dire : “Ces bougresses-là meurent
toutes en riant!”.
Tous ces
martyrs avaient à la pensée la Vie éternelle, où ils
allaient entrer peu après. Horriblement torturés, comme le
Christ leur maître, ils disaient avec le psalmiste : (Le
Seigneur) m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et
de la boue et m’a fait reprendre pied sur le roc, le roc
de l’Église, de la Vérité, de l’Éternité.
Quand on voit
une telle force intérieure, on reprend courage. En effet,
nous n'avons pas encore résisté jusqu'au sang, comme
dit la même épître aux Hébreux ; mieux : il arrive souvent,
après une épreuve, un examen, une maladie, qu’on oublie
bientôt le mal qu’on s’est donné, les souffrances qu’on a
subies durant cette épreuve, dont le souvenir s’estompe peu
à peu, et l’on finit par penser réellement que “ce n’était
pas grand chose”. Il en est ainsi de toute notre vie ; quand
on arrivera devant la mort, on dira avec saint Paul : Les
souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la
gloire qui doit se révéler en nous (Ro 8:18).
Luttons contre
nos défauts, aimons Dieu de toutes nos forces, pour entrer
un jour dans cet héritage promis qui surpasse tout désir
(Prière du jour).
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