|
Demandons-nous sincèrement si nous ne sommes pas des
Judas...
La période
estivale que nous vivons est l’occasion de voyages, de
rencontres nouvelles, de découvertes d’autres coutumes,
d’autres paysages, d’autres horizons.
Au milieu de
tous ces échanges humains, l’Église avec le Christ, nous
rappelle que tous les hommes sont appelés au Royaume de
Dieu, de quelque nation qu’ils soient.
Dès la première
lecture, le prophète Isaïe annonce le dessein de Dieu
d’appeler les hommes de toute nation et de toute langue.
On retrouvera cette même expression dans l’Apocalypse,
quand Jean a la vision d’une foule immense, impossible à
dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue (Ap 6:9).
La prophétie,
écrite huit siècles avant Jésus-Christ, décrit en termes
clairs toute l’activité apostolique que développera l’Église
pour atteindre ces nations les plus éloignées, vers les
îles lointaines qui n‘ont pas entendu parler de (Dieu).
On pense ici à
l’apôtre Thomas qui, selon la Tradition, serait allé en Inde
et jusqu’en Mandchourie, relayé (si l’on peut dire) par le
basque François-Xavier1,
grâce à l’apostolat desquels la Chine et le Japon ont reçu
la lumière de l’Évangile ; à Pierre Chanel, en Océanie2
; à Charles de Foucault au Sahara3
; mais aussi à tant d’autres Saints et Saintes de ces pays
lointains qui, à leur tour, ont suivi Jésus dans la
sainteté, par exemple Rose de Lima4,
Katheri Tekakwita5
au Canada, sans oublier les innom-brables chrétiens de tous
les continents, dont beaucoup reçurent la grâce du martyre.6
La dernière
phrase de la prophétie annonce que Dieu prendra “des prêtres
et des lévites parmi eux”, issus de ces “îles lointaines”.
L’Église évangélisa en effet tous ces peuples lointains, où
peu à peu les missionnaires occidentaux laissèrent la place
à tout un clergé autochtone.
Un autre cas de
sainteté remarquable nous vient de la lointaine Madagascar,
qui fête ces jours-ci (le 21 août pour la précision) la
bienheureuse Victoire Rasoamanarivo, épouse fidèle d'un
cruel mari sur l'île de Madagascar et béatifiée en 1989. On
ne peut qu’admirer la constance héroïque de cette femme,
quand dans notre Occident, même les chrétiens rompent le
sacré lien du mariage. C’est une belle illustration de ce
que nous dit le Christ, que “des derniers seront premiers,
et des premiers seront derniers”.
L’universalité
de l’Église est proclamée dans le bref psaume 116, le plus
court de tous les psaumes puisqu’il n’a que deux versets,
mais combien riches de signification : prophétiquement, le
psalmiste invite tous les peuples, tous les pays à
louer Yahwé, tous sans exception. Le deuxième verset
présente souvent quelques variantes suivant les traductions
; le mot latin misericordia a été rendu par amour,
et veritas par fidélité. Il y a en cela
quelques raisons hébraïques, d’ailleurs sans grande
importance. On sait bien que Dieu, dans son amour, se montre
“riche en miséricorde” - Dives in misericordia, comme l’a
rappelé l’encyclique papale récente ; par ailleurs, que Dieu
soit fidèle ou vrai pour l’éternité, ne pose pas de grand
problème à notre raison. Ce psaume est une belle prière :
apprenons-le par cœur, et comme Jésus le fit, répétons-le
souvent, pour soutenir constamment notre effort de “Nouvelle
Évangélisation”.
On vient de
parler de la miséricorde de Dieu, mais Jésus semble bien
dur, dans l’évangile, quand il dit à certains : Je ne
sais pas d’où vous êtes ; éloignez-vous de moi, vous tous
qui faites le mal. A qui Jésus pourrait dire cela ? On
pense tout de suite au malheureux traître Judas, qui a
mangé et bu avec (Jésus). On peut vraiment dire que
c’est Jésus qui l’a exclu, quand il lui a dit : “Ce que tu
dois faire, fais-le vite” (Jn 13:27), car l’Heure était
venue. Jésus n’a pas dit aux Apôtres : bloquez toutes les
portes et empêchez quiconque de sortir, jusqu’à ce que le
traître se repente ; Il a laissé partir Judas, sans pour
autant lui refuser la grâce du pardon, s’il l’avait demandée
: à Gethsé-mani, Il l’a encore appelé “Mon ami” (Mt 26:50).
Mais dans son cœur, Judas restait rebelle ; il s’est pendu à
un arbre, sans avoir demandé et sans avoir reçu le pardon de
sa faute.
Demandons-nous
sincèrement si nous ne sommes pas des Judas, si notre vie
n’est pas parfois une trahison, bien que nous ayons mangé
et bu l’Eucharistie du Seigneur.
Tant que nous
en avons le temps, recevons avec humilité les leçons du
Seigneur, faisons des efforts de conversion, pour
trouver la paix et devenir justes, selon les mots de
l’épître aux Hébreux. Fréquemment des amis, des collègues,
des voisins nous font quelque reproche, et ils n’ont pas
toujours tort ! Au lieu de nous en offenser, il faut
remercier Dieu de nous avoir fait voir une vérité.
Une de ces
leçons sera bien celle “d’entrer par la porte étroite”.
C’est que nous sommes attachés à tant de choses ici, que
nous ne pourrons pas faire entrer au Ciel : nos belles
demeures, nos belles voitures, nos habits de soirée, nos
collections.… tout cela ne passera pas par la porte
étroite. Si nous ne pouvons pas vraiment nous en séparer
tout de suite, sachons en détacher notre cœur, pour ne pas
être embarrassés au moment de franchir cette porte
étroite.
La Prière du
jour nous invite ainsi à aimer ce que (Dieu) commande
et à établir nos cœurs là où se trouvent les vraies
joies.
Il nous arrive
souvent, durant la Célébration eucharistique, d’avoir une
distraction et d’écouter un peu machinalement les textes
liturgiques. Or ces textes sont très riches, et nous en
tirerions beaucoup plus de fruits si, de retour à la maison,
le soir avant de se coucher, on les reprenait ó même
rapidement ó en
se demandant : Que m’a dit Jésus aujourd’hui ? Que Lui ai-je
répondu ?
Cette petite
méditation nous conduira certainement à demander à Dieu de
bonnes leçons, toujours salutaires, puisque “la
vérité du Seigneur est éternelle” (Ps 116, texte latin).
Abbé Charles
Marie de Roussy
1 Saint Pantchoa Jabier, un
basque dont on a francisé le nom en François Xavier, fut un
des pre-miers compagnons jésuites de s. Ignace de Loyola, au
XVIe
siècle ; il est
fêté le 3 décembre.
2 Saint Pierre Chanel,
missionnaire mariste français, fut le premier martyr
d’Océanie, au XIXe,
et sa fête est au 28 avril.
3 Le bienheureux Charles
de Foucauld, assassiné en 1916, béatifié récemment, a sa
fête au 1er
dé-cembre.
4 La première Sainte du
Pérou, fêtée le 23 août ; elle vécut au XVIIe
siècle et était tertiaire domi-nicaine.
5 Kateri Tekakwitha,
indienne iroquoise convertie et baptisée par les
missionnaires jésuites du Canada au XVIIe
siècle ; première indienne à faire vœu de chasteté et
béatifiée, elle est fêtée le 17 avril.
6 On fête ainsi le 6
février saint Paulus Miki et le 10 septembre le bienheureux
Sebastianus Kimura, et leurs Compagnons, martyrs japonais
des XVIe
et XVIIe
siècles ; le 3 octobre, le bienheureux An-dré de Soveral,
prêtre brésilien, avec d’autres Compagnons, premiers martyrs
du Brésil au XVIIe
siècle, béatifiés récemment en 2000 ; le 20 septembre, saint
Andeurea (André) Gim Dae-geon et ses Compagnons, martyrs
coréens au XIXe
siècle, canonisés en 1984 ; le 9 juillet, saint Augustin
Zhao Rong et ses Compagnons, martyrs chinois au début du XXe
siècle, canonisés en 2000 ; le 21 mai, saint Cristobal
Magallanes Jara et ses Compagnons, martyrs mexicains en
1927, canonisés égale-ment en 2000. |