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A toutes les
époques Dieu a suscité des figures éminentes de sainteté
Profitons
de la lecture de l’épître de Saint Jacques pour dire
quelques mots de cet Apôtre. Comme deux Apôtres ont porté le
même nom, on les a distingués par “majeur” et “mineur”, mais
on les confond souvent quand même.
L’auteur
de l’épître en question est Jacques “le Mineur”, proche
cousin du Seigneur lui-même. Après l’Ascension, il fut le
premier évêque à Jérusalem. Son martyre eut lieu en 62 : il
fut précipité du haut du Temple de Jérusalem, lapidé et
achevé à coups de foulon. Ce n’est donc pas de lui qu’il
s’agit à propos de Compostelle.
Son
épître, une des plus brèves du Nouveau Testament et en même
temps une des moins lues, va attirer notre attention pendant
cinq dimanches de suite. L’Eglise n’a retenu dans ces
lectures que quelques éléments marquants de l’épître.
Aujourd’hui, l’Apôtre rappelle aux chrétiens qu’après avoir
entendu la Parole de Dieu, ils doivent la mettre en pratique
: “Ne vous contentez pas de l’écouter, ce serait vous faire
illusion”. Il a même cette comparaison amusante — non
reprise dans la péricope d’aujourd’hui — que celui qui
écoute la Parole sans la mettre en pratique, ressemble à un
homme qui se regarde dans le miroir et qui, aussitôt après,
oublie comment il était.
On pourra
s’étonner tout de même de “la manière pure et
irréprochable de pratiquer la religion” dont parle saint
Jacques. Suffit-il de “venir en aide aux orphelins et aux
veuves” et de se “garder propre eu milieu du monde”,
en d’autres termes, apparemment, de pratiquer quelques
œuvres de bienfaisance et d’être un honnête homme ?
Il faut
déjà souligner que, dans les débuts de l’Eglise, à l’époque
où écrit notre Apôtre, la foi, le baptême, l’eucharistie,
l’effusion de l’Esprit, l’obéissance à l’Eglise, étaient la
condition incontournable de l’admission dans la communauté,
de sorte que saint Jacques ici n’en parle simplement pas
parce que ce sont des éléments évidemment sous-entendus. Son
souci, en revanche, est de rappeler que cette foi chrétienne
ne doit pas être un vase clos en notre cœur, mais qu’elle
doit s’épanouir en large témoignage de vie dans la société.
Parlons
des orphelins. Il en existait déjà à l’époque de Jésus !
Enfants sans parents, abandonnés, ignorés, laissés dans la
rue, victimes de toutes les corruptions, cette plaie n’est
pas d’aujourd’hui. Mais il n’y a pas que les orphelins
naturels : il y a tous ceux qui ignorent la paternité de
Dieu, Père de tous les hommes, soit qu’ils n’en aient jamais
entendu parler, soit qu’ils l’aient oublié. Et là, nous
rappelle saint Jacques, les chrétiens ont une immense et
profonde responsabilité, pour ramener dans la famille des
enfants d’Abraham tous les hommes en leur montrant la bonté
de leur Père commun, du Dieu Bon et Créateur, Tout-puissant
et miséricordieux, qui a envoyé Son Fils pour nous exprimer
cet Amour.
Les
veuves aussi peuvent s’entendre de deux façons. Celles qui
ont perdu leur mari prématurément (à la guerre, souvent, et
cette plaie aussi n’est pas d’aujourd’hui…) ou par quelque
autre épreuve, ont perdu le soutien de leur vie et de leur
affection. Les veuves sont beaucoup plus nombreuses que les
veufs. Mais élargissons notre considération : les veuves
peuvent aussi, dans l’esprit de saint Jacques, être toutes
ces âmes privées de tout soutien immédiat, les faibles, qui
ne savent à quoi se raccrocher, à quoi se référer, à qui
s’adresser, qui n’ont plus de repères, comme un émigré qui a
perdu famille, maison, travail et santé… Ici aussi le
travail apostolique est immense ; comme disait le Christ :
“La moisson est abondante, et les ouvriers peu nombreux”.
Autrement
dit, l’apôtre saint Jacques étale sous nos yeux le champ
pratiquement sans limite du travail apostolique qui incombe
à tous les Chrétiens. C’est le travail d’évangélisation qui
fut celui des premiers Apôtres, qui a continué dans tout
l’empire romain, qui s’est étendu dans le monde entier,
durant tous les siècles. A toutes les époques Dieu a suscité
des figures éminentes de sainteté pour éclairer avec la
lumière de la Vérité le monde enténébré. Saint Paul n’a pas
converti l’empire romain en quelques jours, mais son zèle à
laissé une empreinte qui a conduit cet empire à la
conversion générale. Saint Giovanni Bosco (1815-1888) a
laissé en Italie une œuvre immense qui s’est étendue
jusqu’en Amérique du Sud. Et ce ne sont là que deux exemples
parmi des centaines d’autres.
Nous
sommes donc bien loin des petites “traditions”, des petits
“rites” de lavage des mains ou des verres, dont se
contentaient les pharisiens, et Jésus nous rappelle que de
notre cœur sortent la plupart des tentations qui menacent à
tout moment notre vie spirituelle, et de citer des mots que
nous oublions si facilement ; le texte grec et les
traductions les reportent dans les ordres les plus variés :
adultères, fornications, meurtres, vols, avarices,
méchancetés, fraude, impudicités, envie, calomnie, orgueil,
folie. On notera les pluriels, montrant que nos pensées sont
malheureusement fertiles en nombreuses déviations : les
péchés du cœur précèdent de beaucoup les péchés réellement
commis.
On
comprend mieux ici l’invitation de saint Jacques à nous
“garder propre au milieu du monde”. Le psaume 14 l’exprime
avec des expressions non moins exigeantes, qui sont autant
d’invitations à la sainteté : agir avec justice, dire la
vérité, ne pas outrager le prochain, prêter sans intérêt !
Que nous sommes là bien loin du l’esprit du monde !
Beaucoup
ont cette remarque qui leur sert de refuge : Quand on
commence de donner un peu, on se fait manger complètement.
C’est un peu vrai, et le Seigneur s’est ainsi donné
complètement. Ce qui n’empêche pas la sainte vertu de
Prudence de s’exercer : tant que l’heure n’était pas venue,
le Seigneur ne s’est pas exposé inutilement. L’être humain
ne peut pas se donner à tout, à tous, sans s’occuper
primordialement de soi-même et de son équilibre personnel :
par son amour de Dieu et par la prière il reçoit la lumière
qui lui indique où se diriger, et comment témoigner de la
Vérité dans l’amour du prochain, comme saint Maximilien
Kolbe, bienheureuse Teresa “de Calcutta”, et tant d’autres.
C’est ce
don de soi qui fait reconnaître la Royaume de Dieu ; c’est
ainsi que les peuples s’écrieront “Il n’y a pas un peuple
sage et intelligent comme cette grande nation !”
(première lecture).
Que
l’Eucharistie “fortifie l’amour en nos cœurs, et nous
incite à servir Dieu dans nos frères” (Prière finale).
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