« Le Seigneur aime les justes… Il égare
les pas du méchant »
“Malheur à ceux qui
vivent bien tranquilles” crie le prophète Amos à l’encontre des gens
d’Israël.
Cela peut paraître
paradoxal, car lancer une imprécation contre ceux qui “vivent bien
tranquilles”, n’est les rassurer, ni les louer pour leur
“tranquillité”. Mais, pourquoi donc crie-t-il ces paroles ?
Toutefois, avant
d’expliquer le pourquoi, il commence par dénombrer leurs actes, leur
façon de vivre : “Couchés sur des lits d'ivoire, vautrés sur leurs
divans, ils mangent les meilleurs agneaux du troupeau, les veaux les
plus tendres”. Et, comme si cela n’était pas encore bien explicite,
il continue son inventaire avec minutie : “ils boivent le vin à même
les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe”. Voila
pourquoi ils ne regardent pas l’essentiel, ce qui est le plus
important : “ils ne se tourmentent guère du désastre d'Israël !”
Cette insouciance, cette
nonchalance, ce manque de “chauvinisme” va leur coûter cher :
“ils vont être déportés”. Et en guise de conclusion, comme un
satisfecit, le prophète ajoute encore : “la bande des vautrés
n'existera plus”.
Mais le Seigneur est là,
plein de miséricorde et, “heureux qui s'appuie sur le Seigneur son
Dieu ; il garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés, aux
affamés, il donne le pain”. Il en sera de même pour le Peuple
d’Israël : le Seigneur lui pardonnera ses écarts et l’accueillera de
nouveau, les bras grand ouverts.
Le Seigneur nous aime et ne
nous laissera jamais tomber dans l’oubli ; Il nous veut tous près de
Lui, sans exception. Nous sommes, tous autant que nous sommes, ses fils
de prédilection et Il nous aime, d’une façon exclusive, d’un amour
jaloux et exclusif, lui aussi.
Et l’Apôtre nous conseille,
nous explique comment correspondre à cet amour indéfectible de Dieu :
“Toi, l'homme de Dieu, cherche à être juste et religieux ; vis dans la
foi et l'amour, la persévérance et la douceur”.
Dieu nous aime, sachons
correspondre à cet amour infini et, suivons et faisons notre ce beau et
bon conseil que don ne saint Paul à son bien aimé Timothée :
“Continue à bien te battre pour la foi, et tu obtiendras la vie
éternelle ; c'est à elle que tu as été appelé”.
“C'est à elle — la
vie éternelle — que tu as été appelé”, affirme saint Paul.
En effet, nous y sommes
tous appelés, mais pour y parvenir, il nous faut avant tout être
charitables, non seulement envers ceux qui nous aiment, mais envers
tous, car nous serons jugés sur l’amour.
L’amour est synonyme de
charité et la charité est le don de soi !
Dans la parabole de ce
dimanche, Jésus nous raconte cette belle histoire du riche et du pauvre
Lazare.
Le riche “portait des
vêtements de luxe
et faisait chaque jour des festins somptueux”,
alors que le pauvre Lazare croupissait dans sa misère : “était couché
devant le portail, couvert de plaies”. Peu de distance les séparait
l’un de l’autre, mais un monde, un incommensurable précipice était
creusé entre eux : l’un avait tout ; l’autre n’avait rien !
Le pauvre aurait bien voulu
manger un peu, mêmes les miettes qui tombaient de la table du riche,
mais il était interdit d’entrée, mêmes les restes lui étaient refusés.
Sa seule et unique consolation était celle de se sentir aimé des chiens
du riche “qui venaient lécher ses plaies”.
Puis, l’un et l’autre
rendirent leur âme à Dieu… Toute chose ici-bas a une fin !... A la mort,
une éternité nous attend : bonne ou mauvaise, selon notre vécut, selon
l’amour que nous avons ou n’avons pas distribué autour de nous.
Que va-t-il alors se passer
à l’heure du départ du riche et du pauvre ? Que va faire Dieu ?
S’il n’est pas dit que le
riche s’est sauvé, il n’est pas dit non plus qu’il ait été condamné… Il
paie pour son manque d’amour…
Mais, écoutons le discours
du riche, alors que le pauvre, lui, est déjà dans le sein d’Abraham :
“Il leva les yeux, et
vit de loin Abraham avec Lazare tout près de lui. Alors il cri :
— Abraham, mon père, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper dans
l’eau le bout de son doigt, pour me rafraîchir la langue, car je souffre
terriblement dans cette fournaise”.
Avant, lorsque le riche se
pavanait et faisait la fête, Lazare “aurait bien voulu se rassasier
de ce qui tombait de la table” de ce dernier, mais il n’y était pas
autorisé. Voila que maintenant, le riche, le festoyeur, aurait bien
voulu ne fusse que sucer le doigt humide de Lazare, car il souffre,
comme il le dit lui-même, “ terriblement dans cette fournaise”.
Il a été jugé sur l’amour.
Or, comme pendant sa vie il n’esquissa jamais le moindre geste
charitable envers le pauvre Lazare, que pouvait-il attendre maintenant ?
Que pensait-il que Dieu ferait pour lui ?
J’entends d’ici la voix de
ceux qui pensent, le crient et le disent avec une insistance
désinvolte : “Dieu est Amour” et pardonne toujours ; Il ne condamne
pas ses enfants !
Il est vrai que “Dieu
est Amour” ; il est vrai que Dieu aime tous ses enfants d’un amour
“fou” et exclusif, mais il n’est pas moins vrai que Dieu est
juste, car sans cela Il ne serait pas Dieu.
N’oublions pas non plus que
pour obtenir le pardon il faut le demander, car il n’arrive pas tout
seul, automatiquement… Demander pardon c’est non seulement pratiquer un
acte d’humilité, mais aussi un acte d’amour qui obtient l’amour en
retour, c'est-à-dire la remise de la faute commise.
Si cet acte humble et
sincère qui consiste à demander pardon pour une faute commise, n’est pas
accompli, nous ne pourrons entendre de la bouche même de Dieu que cette
phrase dite au riche qui avait ignoré Lazare :
— “Un grand abîme a été
mis entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient aller vers vous ne
le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne vienne pas vers
nous”.
Réfléchissons à cette
sentence terrible et rappelons-nous que “le Seigneur aime les justes”
et il qu’Il “égare les pas du méchant”. Amen
Abbé Charles Marie de
Roussy |