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Jusqu’à la fin de notre vie nous connaîtrons les tentations
les plus diverses
Je
t'appelle, mon Dieu, car tu peux me répondre. Le psaume
16 ouvre ainsi la liturgie de ce dimanche. C'est une prière
confiante, une supplique intense, qu'exprime ce psaume :
Dieu est notre refuge sûr. Nous allons méditer encore une
fois aujourd'hui sur la prière confiante à Dieu.
Moïse demande
l'aide de Dieu, il s'offre lui-même pour l'obtenir, il
supplie, il lève les mains, et quand il n'en peut plus il se
fait aider : grâce à Aaron et Hour, Moïse garde les bras
élevés. Cet homme qui intercède pour son peuple, les bras
étendus, est déjà une figure du Sacrifice du Christ, qui
lèvera ses bras en croix pour tout Son peuple.
Prière
confiante aussi dans le psaume 120 que nous lisons ensuite,
un des psaumes graduels que chantaient les pèlerins en
marche vers Jérusalem. De la plaine, ils "levaient les yeux"
vers les montagnes, vers Jérusalem, vers le Seigneur,
attendant de Lui sa protection contre toutes les embûches de
ce voyage, contre les embûches spirituelles aussi, celles
qui jalonnent notre voyage terrestre.
Depuis
plusieurs dimanches nous parcourons les deux lettres de s.
Paul à Timothée, son disciple très cher, fidèle entre tous.
Le passage d'aujourd'hui est une exhortation à la lecture
approfondie de l'Ecriture. Non pas que Timothée l’ignorât,
puisque, dit saint Paul, il la connaît depuis (son) plus
jeune âge. Mais Paul l’exhorte à ne pas l’oublier, et il
nous exhorte tous, et chacun d’entre nous, à lire l’Ecriture
Sainte, dont tous les passages sont inspirés par Dieu.
Il est vrai que
beaucoup de passages du Texte sacré nous apparaissent
obscurs, étonnants, parfois vraiment incompréhensibles…
C’est que Dieu ne veut pas que nous les comprenions tout de
suite, comme le dit Jésus à ses Apôtres : J’ai encore
beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les
porter maintenant (Jn 16:12). Mais la lumière se fera
peu à peu.
D’autres fois,
c’est que notre cœur est fermé à la Lumière : nous voudrions
faire entrer le soleil, mais nous maintenons fermés les
volets ! Notre âme est trop pleine de nos pensées
terrestres, humaines, et il n’y a pas de place pour le
divin. Notre première pensée, en ouvrant le Livre inspiré,
doit être : Quel enseignement Dieu veut-il me donner en ce
moment ?
Lisons
l'Ecriture, oui relisons-la, méditons-la ; surtout
l'Evangile, que saint Dominique savait par-cœur ! C’est
surtout l’Evangile qu’il faut lire et méditer, car il y a là
l’enseignement direct de Jésus, Fils de Dieu.
Beaucoup
d’autres textes de l’Ecriture sont relativement “faciles” à
lire, parce qu’ils sont davantage historiques, comme les
Actes des Apôtres, ou les livres de Josué, des Juges, de
Samuel, des Rois, des Chroniques. Les passages des
Prophètes, ou des Psaumes, ou de l’Apocalypse, auront certes
besoin d’explications, mais ne doivent pas nous rebuter, car
ils nous conduiront toujours vers la Vérité. N’avons-nous
pas souvent le “courage” de lire des livres véritablement
rébarbatifs, pour préparer nos examens ou nos conférences ?
Et nous renoncerions à approfondir l’Ecriture ?
Puisqu’il
s’agit aujourd’hui de la prière, cherchons dans l'Ecriture
des exemples de prière confiante, et apprenons à prier Dieu
comme ces saints personnages ont prié : comme Abraham devant
Sodome (Gn 18:23-33), comme Moïse dont il est question
aujourd’hui, comme Esther (Est 14)1
,
comme aussi le jeune Salomon pour obtenir la sagesse (Sg 9)…
comme Jésus qui priait parfois toute la nuit (cf Lc 6:12).
L'évangile du
jour revient sur l'efficacité de la prière instante. Jésus
prend l’exemple un peu déconcertant d’un juge qui finit par
faire justice envers cette brave femme, simplement pour
qu’elle cesse de lui casser la tête. Il faut noter ce
que Jésus dit de cet homme : il est tellement injuste, qu’il
ne respecte ni Dieu ni même les hommes, ce qui sous-entend
un état d’esprit véritablement, foncièrement mauvais.
Pourtant il finit par céder. Mais Dieu n’est pas un juge
humain ! Ce que veut dire Jésus est que, si un juge humain
finit par écouter cette femme bon gré mal gré, à plus forte
raison notre Père céleste, qui est bon, exaucera promptement
ses enfants.
Saint
Jean Chrysostome2
commente ainsi : “Si la prière assidue a pu faire de ce
juge cruel un homme doux, que ne sera-t-il pas du Bon Dieu
!” Et de faire remarquer quelle force a la foi, quand on
voit des juges injustes et même méchants devenirs bons et
miséricordieux.
Le même
Chrysostome ajoute ensuite : “Quelle dignité de parler
ainsi avec Dieu ! La prière nous unit aux Anges, dont la
charge est de prier sans interruption, qui nous apprennent à
oublier notre condition humaine et à remplir notre esprit
d’une telle rapidité et d’une telle sainte crainte, que nous
n’ayons plus de regard vers les choses présentes mais que
nous nous sentions comme en présence des Anges, en train
d’accomplir le même sacrifice d’action de grâce avec eux.”
Saint
Augustin3
, quant à lui, compare cette Veuve à l’Eglise qui attend du
Christ qu’Il lui rende la justice, qu’Il intervienne enfin
pour éliminer tous les maux, toutes les injustices. Mais ces
maux sont multiples, et dureront jusqu’à la fin des temps.
Jusqu’à la fin de notre vie nous connaîtrons les tentations
les plus diverses, jusqu’à la fin des temps les hommes
éprouveront des tribulations de toutes parts, des injustices
sociales, des maladies, des épidémies, des accidents, des
persécutions…
Notre prière
instante doit nous faire espérer et croire sans cesse que
c’est Jésus et seulement Lui qui nous libérera pleinement de
tout mal. A cet effet, on fera bien de noter la prière qui
suit le Notre Père de la Messe : c’est bien au
Seigneur qu’on demande de nous délivrer de tout mal… du
péché… des épreuves, dans l’espérance de l’avènement
de Jésus-Christ, à qui, répond l’assemblée,
appartiennent le règne, la puissance et la gloire.
L’expression de
Jésus : toujours prier ne doit pas s’entendre au sens
de quelque attitude permanente, qui exclurait par exemple le
travail manuel nécessaire à la vie quotidienne.
Effectivement, il y eut de ce genre d’esprits tordus que
saint Paul reprend vertement : Si quelqu’un ne veut pas
travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or nous entendons
dire qu’il en est parmi vous qui vivent dans l’oisiveté, ne
travaillant pas du tout mais se mêlant de tout. Ceux-là,
nous les invitons et engageons dans le Seigneur Jésus Christ
à travailler tranquilles et à manger le pain qu’il s auront
eux-mêmes gagné. (2Th 3:10-12). Toujours prier
veut dire, évidemment, avec persévérance, en y consacrant un
temps certain, quotidien et souvent repris, comme l’insinue
le psaume de David : Sept fois le jour, je te loue pour
tes justes jugements (Ps 118:164).
Par la
persévérance dans la prière, notre esprit s’accoutume peu à
peu à l’inspiration de l’Esprit de Dieu, et se laisse plus
facilement modeler par la sainte Volonté divine. Il faut
croire que ce que Dieu nous accordera sera pour notre bien,
et que ce ne sera pas forcément ce qu’on avait demandé au
départ.
Croire, oui.
Mais vient alors cette question vraiment bouleversante de
Jésus : trouvera-t-il la foi à son retour sur terre ? Jésus
a-t-il un doute sur la fidélité de l’Eglise et des Chrétiens
? Veut-Il dire que l’Eglise aura “peut-être” disparu de la
société ? L’Eglise sera-t-elle à ce point persécutée, qu’on
ne la verra plus apparaître visiblement dans notre société ?
Les églises et la Croix auront-elles disparu de nos cités ?
Il est vrai que certains esprits inquiets pourraient le
penser, et avec beaucoup de “preuves” à l’appui.
Reprenons-nous
: si la question de Jésus-Christ devait nous mettre dans
cette inquiétude, elle ne serait pas de Lui. Au contraire
Jésus veut par là nous alerter, nous aider à rester en
éveil, à être de ces “vierges sages” qui savent entretenir
leurs lampes avec la foi et les œuvres de charité (cf. Mt
25:1-13).
C'est à chacun
de nous que Jésus pose cette question, comme pour nous
inviter instamment à L'attendre ; préparons-nous à son
retour, soyons de ceux qui garderont la foi et qui seront
prêts à accueillir Jésus Christ.
Jésus veut
aussi par là expliquer pourquoi certains d’entre nous ne
sont pas toujours exaucés : c’est parce que notre foi n’est
pas totale. L’homme se donne aux plaisirs, et oublie
facilement le jugement qui l’attend. La Foi, celle que Dieu
attend de nous, manquera chez certains, et saint Paul le dit
(1Tm 4:1-2) Il y aura aussi de faux prophètes (Mt 24:24).
C’est pourquoi il est urgent pour chacun de nous de ne pas
s’endormir sur notre fausse justice. Ce sera le thème de la
prochaine parabole du Christ, du pharisien et du publicain,
que nous lirons dimanche prochain.
Notre supplique
sera d'autant plus efficace qu'elle exprimera l'ouverture de
notre cœur à la volonté de Dieu : que serait cet appel à
l'aide, si nous maintenions fermée à clef la porte de notre
cœur ? Au contraire, faisons bien nôtre la collecte du jour
: Fais-nous toujours vouloir ce que tu veux.
Abbé Charles
Marie de Roussy
1 Cette référence est celle de
la Vulgate latine de saint Jérôme ; dans la Bible de
Jérusalem, le texte original hébraïque est rétabli à la fin
du chapitre 4, versets 17k-17z.
2 Dans son ouvrage “Prier
Dieu” (De orando Deum), livre II. Ce Docteur de la
Foi est fêté le 13 septembre.
3 Dans son ouvrage des
“Questions sur l’Evangile” (Quest. Evang.), livre II, XLV.
Autre Docteur de la Foi, fêté le 28 août.
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