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Dieu aime tous les êtres, parce qu'il les aime chacun en
particulier
Le récit
évangélique d'aujourd'hui va peut-être nous poser quelque
difficulté, après la parabole du pharisien et du publicain
de dimanche dernier, où Jésus nous invitait à ne pas nous
vanter de nos bonnes actions.
Aujourd'hui,
celui qui expose à Jésus ses bonnes actions n’est pas un
pharisien, mais un publicain ; qui plus est, il est le
chef des collecteurs d’impôts, quelqu’un qui manipule
l’argent, qui emprunte, fait du profit, en quelque sorte un
“voleur”, un de ceux qui devaient traiter aussi avec les
Romains pour changer leur argent, pour collecter et leur
remettre les impôts : traiter ainsi avec les occupants,
c’était être un “collaborateur” ; on voit bien comment on
peut arriver aux amalgames, et aux accusations faciles.
Or, dit Luc,
Zachée est de petite taille et grimpe sur un arbre :
cette attitude est touchante de prime abord, parce que ce
faisant, Zachée ne peut guère passer inaperçu ; tout le
monde voit notre homme se dépêtrer dans les branches, comme
le font tous les enfants pour s'amuser ; mais Zachée ne
s'amuse pas : sans s'inquiéter du qu'en-dira-t-on, il fait
tout ce qu'il peut pour voir Jésus. Rien que le voir. Un peu
comme lorsque vous entrez dans une église pour “voir”, vous
aussi, le tabernacle et parler silencieusement à Celui qui
s’y trouve toujours présent.
Jésus ne manque
pas de le remarquer, bien sûr, et lui adresse la parole,
l'invite à descendre "vite" (déjà il avait couru en avant
pour escalader son sycomore, voilà qu'il doit
redescendre encore plus vite !
Maintenant,
écoutons bien les paroles de Zachée : contrairement au
pharisien de la parabole de dimanche dernier, sans vanité,
sans se comparer aux autres, il expose simplement ce qu'il
croit bien de faire. Il ne connaît pas bien la Loi, mais son
cœur droit lui dicte qu'il doit aider les autres, qu'il doit
réparer ses torts. D'ailleurs, la Loi ne demande pas de
donner aux pauvres la moitié de (ses) biens : en fin de
récolte, il fallait seulement laisser à la veuve la gerbe ou
les grappes qui restaient (Dt 24:19sq), ou bien tous les
trois ans seulement on demandait la dîme des récoltes (Dt
14:28) ; quant à restituer au quadruple, cela ne concernait
que le vol de petit bétail (Ex 21:37).
Certes, Zachée
sait aussi s'y prendre en matière de finances, et n’est pas
totalement innocent. Mais Jésus voit plutôt l'intérieur de
son âme, éprise de justice : à lui pourra s’appliquer la
Béatitude Heureux ceux qui ont faim et soif de justice,
ils seront rassasiés (Mt 5:6) ; Jésus lui accorde le
salut, exactement selon le mot que nous lisons dans la
première lecture : Tu fermes les yeux sur leurs
péchés, pour qu’il se convertissent. D’ailleurs, si
Jésus veut entrer chez Zachée, c’est qu’Il avait quelque
chose à lui dire ; il n’est pas exclu du tout que Jésus
l’ait persuadé de changer de métier, ou que Zachée ait
compris, par son amour de la Justice et de la Vérité, qu’il
devait le faire. Ainsi se manifeste la divine miséricorde :
sans contrainte, sans brusquerie, Dieu amène toute âme
droite à la conversion.
Toute cette
première lecture, extraite du Livre de la Sagesse, chante
cette miséricorde divine, qui n’exclut personne. Un Père de
l'Eglise a fait cette remarque merveilleuse : Dieu aime tous
les êtres, parce qu'il les aime chacun en particulier.
1
Oui, vraiment, dit ensuite le psaume 144 : Le Seigneur
est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour.
La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour
toutes ses œuvres.
De temps à
autre nous revient aux oreilles la nouvelle de quelqu'un
apparemment très loin de la foi, "radical" pourrait-on dire,
qui a demandé lui-même à recevoir les Sacrements de l'Eglise
avant de mourir. Le cas est loin d’être unique. On ne peut
que remercier Dieu pour cette "patience" qu'Il a envers
chacun de nous.
Le salut de
notre âme, voilà la volonté de Dieu, et le but de notre vie.
Peu importeront les circonstances, les peines, les
difficultés, les souffrances, nos chutes même (pourvu que
nous les reconnaissions) ; et surtout les faux prophètes
alarmistes (deuxième lecture) : si s. Paul dit ailleurs que
le Seigneur est proche (Phil 4:5), c'est pour nous
rappeler que le temps passe très vite, mais il nous avertit
bien précisément que la fin du monde (le jour du Seigneur)
n'est pas arrivée encore. Peu importe la date des "derniers
temps" dont on nous parle ici et là : l'essentiel est, dit
l’apôtre, de conserver une foi active et d'accomplir
tout le bien possible ; d’abord une conversion
toujours plus totale en nous-mêmes, et puis un amour
toujours plus grand autour de nous.
Ainsi, dit s.
Paul, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous (le
texte grec dit plutôt : pour que le nom de notre Seigneur
Jésus soit glorifié en vous) : que chacune de nos
actions soit un hommage à Jésus Christ, une progression
vers les biens qu’(il) nous promet, dit la prière du
Jour, pour que Jésus soit en quelque sorte fier de nous,
quand Il reviendra, et qu'Il dise à chacun de nous :
Entre dans la joie de ton Maître (Mt 25:21).
Alors, sans
crainte du Jugement et de la mort, et au contraire avec la
plus grande joie et totale liberté, nous invoquerons de
toutes nos forces : Viens, Seigneur Jésus (Apoc
22:20).
Abbé Charles
Marie de Roussy
1 Très probablement s.
Maxime le Confesseur, un illustre théologien de
Constantinople au VIIe siècle, extrêmement
prolixe et surnommé “le Confesseur”, fêté le 13 août ; sa
fidélité à la doctrine de l’Eglise lui valut d’être torturé
: on lui coupa la langue et la main droite, pour l’empêcher
de parler et d’écrire davantage, |