« À quoi bon les moines et les
Ordres religieux ? » Cette réflexion, incongrue en climat chrétien, est
devenue presque banale dans notre société sécularisée. Aussi, le Pape Jean-Paul
II pouvait-il écrire, le 25 mars 1996 : « Aujourd'hui,
beaucoup se montrent
perplexes et s'interrogent: Pourquoi la vie consacrée? Pourquoi embrasser ce
genre de vie, alors qu'il y a tant d'urgences, dans les domaines de la charité
et de l'évangélisation elle-même, auxquelles on peut aussi répondre sans se
charger des engagements particuliers de la vie consacrée ? Celle-ci n'est-elle
pas une sorte de “gaspillage” d'énergie humaine utilisable, suivant les critères
de l'efficacité, pour un bien plus grand au profit de l'humanité et de
l'Église ? » (Exhortation apostolique Vita consecrata, 104).
À cette question, le Saint-Père
répond : « Pour la personne captivée dans le secret de son coeur par la bonté
et la beauté du Seigneur, ce qui peut paraître un gaspillage aux yeux des hommes
est une réponse d'amour évidente, c'est une gratitude enthousiaste pour avoir
été admise de manière toute spéciale à la connaissance du Fils de Dieu et au
partage de sa divine mission dans le monde » (ibid.). La vie
consacrée est la réponse d'amour à un appel de Dieu: Tu m'as séduit,
Seigneur, et je me suis laissé séduire (Jr 20, 7). Cette séduction conduit à
partager dans une intimité particulière le mystère du Christ, en lui consacrant
d'une manière exclusive toute sa personne.
« Dieu seul suffit »
Avant d'entrer dans un Carmel, en
1918, une jeune fille chilienne de dix-huit ans, séduite par le Christ,
expliquait ainsi à son frère, peiné et scandalisé, les motifs de sa vocation :
« Il existe en l'âme une soif insatiable de bonheur. Je ne sais pourquoi,
mais en moi elle est décuplée. Je souhaite aimer, mais quelque chose d'infini,
et je désire que cet être que j'aime ne change pas et ne soit pas le jouet de
ses passions, des circonstances du temps et de la vie. Aimer, oui, mais aimer
l'Être immuable, Dieu qui m'a aimée infiniment depuis une éternité ». Le
désir naturel de bonheur est d'origine divine; Dieu l'a mis dans le coeur de
l'homme afin de l'attirer à Lui qui seul peut le combler. « Le vrai bonheur
ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le
pouvoir, ni dans aucune oeuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences,
les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source
de tout bien et de tout amour » (Catéchisme de l'Église Catholique, CEC,
1723).
Le 21 mars 1993, lors de la
canonisation de sainte Thérèse des Andes, le Pape Jean-Paul II déclarait :
« À une société sécularisée qui vit en tournant le dos à Dieu, je présente avec
une vive joie, comme modèle de l'éternelle jeunesse de l'Évangile, cette
Carmélite chilienne. Elle apporte le témoignage limpide d'une existence qui
proclame aux hommes d'aujourd'hui que c'est dans l'amour, l'adoration et le
service de Dieu que résident la grandeur et la joie, la liberté et la pleine
réalisation de la créature humaine. La vie de la bienheureuse Thérèse crie
doucement depuis son cloître: Dieu seul suffit ! »
« Mon petit Père, allons au ciel ! »
Juana Fernández Solar est née le
13 juillet 1900, dans une famille aisée de Santiago du Chili (Amérique latine).
Elle révèle dès son enfance une personnalité ardente, faite de coeur,
d'intelligence et animée d'un grand désir de Dieu. « Je me souviens, raconte
un prêtre ami de la famille Fernández, qu'un jour, me prenant par la main, elle
me dit : “Mon petit Père, allons au ciel ! ― Bien, mon enfant, lui répondis-je,
allons au ciel !” Étant sortis tous deux de la maison, je lui demandai : “Eh
bien, Juanita, par où va-t-on au ciel ? ― Par là”, me fit-elle. Et son doigt
rose indiquait la Cordillère des Andes. “Très bien, mon enfant, répliquai-je;
mais remarque bien que, quand nous aurons escaladé ces hautes montagnes, le ciel
sera encore très, très loin. Non, Juanita, ce n'est pas là le chemin du ciel:
Jésus au tabernacle, voilà la voie royale pour y parvenir” ».
Malgré ces bonnes dispositions,
Juana ne manque pas de défauts. Elle est entêtée, vaniteuse et égoïste, sujette
aux bouderies et aux caprices. « Je prenais parfois de petits accès de rage
féroce », dira-t-elle. Aidée par les siens (elle aura cinq frères et soeurs)
et surtout par la grâce de son baptême, elle mène un rude combat contre ses
mauvais penchants, spécialement contre son tempérament irascible et émotif, sur
lequel influe une santé fragile. Un jour, sa soeur Rébecca s'emporte contre
Juana jusqu'à la frapper de toutes ses forces. Cette dernière veut riposter avec
la même vigueur. Le visage rouge de colère, elle attrape sa soeur et, soudain,
s'arrête: au lieu d'un coup, elle lui donne rapidement un baiser. Rébecca ne
comprend pas le geste héroïque de sa soeur et la chasse en lui criant :
« Va-t-en ! Tu m'as donné le baiser de Judas ! » Victorieuse de sa colère,
Juana se retire avec douceur.
Hospitalisée, à l'âge de 13 ans,
pour une appendicite aiguë, Juana souffre vivement de la solitude : « Alors,
mes yeux se fixèrent sur un tableau représentant le Sacré-Coeur, écrit-elle, et
j'entendis une voix très douce qui me disait : “Comment, Juanita ! Moi, je suis
toujours seul sur l'autel parce que je t'aime, et toi, tu ne supportes pas de
l'être un moment ?” Depuis lors, mon Jésus me parle. Et je passais des heures
entières à converser avec Lui... Il m'enseignait peu à peu comment je devais
souffrir et ne pas me plaindre. Je faisais tout avec Jésus et pour Jésus ».
À l'âge de l'adolescence, le goût
des frivolités lui fait perdre une partie de sa ferveur. Mais de fréquentes
maladies, en l'éloignant des divertissements, la remettent en présence de Dieu,
et bientôt le dégoût la saisit au souvenir de ces fêtes où la vanité le dispute
à la sensualité.
En route vers les hauteurs
Le 8 décembre 1915, avec
l'autorisation de son confesseur, Juana se consacre à Dieu par le voeu de
chasteté. La valeur éminente de ce voeu a été rappelée par le Pape Jean-Paul
II : la pratique joyeuse de la chasteté parfaite témoigne « de la puissance
de l'amour de Dieu dans la fragilité de la condition humaine. La personne
consacrée atteste que ce que la majorité tient pour impossible devient, avec la
grâce du Seigneur Jésus, possible et authentiquement libérant. Oui, dans le
Christ, il est possible d'aimer Dieu de tout son coeur, en le plaçant au-dessus
de tout autre amour, et d'aimer ainsi toute créature avec la liberté de Dieu!
Voilà l'un des témoignages qui sont aujourd'hui plus nécessaires que jamais,
précisément parce qu'il est si peu compris par le monde » (Vita
consecrata, 88).
En 1916, Juana fait sa première
retraite selon la méthode de saint Ignace de Loyola. À la suite de la méditation
de “l'Appel du Christ-Roi”, elle écrit : « Être disposée à suivre Jésus
partout où Il voudra. Il choisit la pauvreté, les humiliations, la croix. Ne
recevrai-je pas moi aussi ces dons puisqu'Il m'a créée, qu'Il me conserve la
vie, m'a libérée de l'enfer? Mieux encore, Il a souffert pendant trente années
toutes sortes de peines pour mourir enfin sur une croix comme le plus infâme des
hommes... Et je ne voudrais rien souffrir pour son amour ? » Ces
considérations pénètrent tellement son âme que la pénitence, pour imiter le
Christ souffrant, lui devient un véritable besoin. Sa soeur Rébecca a raconté
qu'elle usait de mille artifices pour contrarier son goût et se mortifier en
toutes choses. Cependant elle obéit à sa mère qui lui demande de ne pas se
priver de la nourriture nécessaire à sa santé fragile.
Malgré ses épreuves et ses
maladies, Juana reste une jeune fille gaie et expansive. En vacances sur la côte
du Pacifique, elle fait de grandes promenades à cheval, en “amazone” (« je suis
très yankee », écrit-elle), avec ses amies, et ensemble, elles aident les
prêtres occupés aux missions des campagnes à catéchiser les paysans. Elle aime
aussi beaucoup à s'occuper des pauvres.
« J'ai soif des âmes »
Juana a entendu l'appel divin :
« Que je suis heureuse, petite soeur chérie! écrit-elle à Rébecca, le 15
avril 1916. J'aspire chaque jour à m'en aller au Carmel pour ne plus m'occuper
que de Jésus, pour me confondre en Lui et pour ne plus vivre que de sa vie:
aimer et souffrir pour sauver les âmes. Oui, j'ai soif des âmes parce que, je le
sais, c'est ce que mon Jésus aime le plus. Je dois offrir à mon Fiancé le sang
que, pour chacune d'elles, Il a versé ».
La voilà engagée sur le chemin de
la sainteté, en réponse à l'amour que Dieu nous a manifesté dans l'Incarnation
rédemptrice : Voici à quoi se reconnaît l'amour : ce n'est pas nous qui avons
aimé Dieu, c'est Lui qui nous a aimés le premier, et Il a envoyé son Fils en
victime de propitiation pour nos péchés (1 Jn 4, 10). L'exigence de
conversion concerne tous les enfants de l'Église. Mais les personnes qui
embrassent la vie consacrée vivent cette exigence dans une offrande totale
d'elles-mêmes qui va jusqu'à la renonciation à des biens légitimes. En effet,
par le voeu de pauvreté, elles abandonnent la possession personnelle des biens
d'ici-bas, par le voeu de chasteté, elles renoncent au mariage, et par le voeu
d'obéissance, elles abdiquent une légitime autonomie dans la direction de leur
vie. Ainsi elles suivent de plus près le Seigneur Jésus pauvre, chaste et
obéissant. Cet amour absolu a valeur d'exemple pour tous les chrétiens.
En septembre 1917, Juana écrit à
la Prieure du Carmel de Los Andes, situé au pied de la chaîne de montagnes qui
porte ce nom, à 70 km de Santiago, et lui exprime son désir d'entrer dans ce
monastère. « La vie d'une Carmélite, c'est souffrir, aimer et prier, et en
cela se trouve tout mon idéal. Ma Révérende Mère, mon Jésus m'a appris ces trois
choses depuis mon enfance ».
Toutefois, la jeune fille connaît
encore des chutes. Elle s'accuse de coquetterie et, le 18 octobre 1917, avoue :
« Aujourd'hui, une Religieuse nous a distribué des friandises, et comme elle
ne m'en a donné qu'un petit morceau, je me suis mise en colère et je l'ai jeté,
et ensuite je n'ai pas accepté l'autre qu'elle me donnait » (Journal). Nos
défauts, en manifestant la faiblesse humaine, nous aident à comprendre que la
sainteté n'est pas tant notre oeuvre que celle du Saint-Esprit. Pour y parvenir,
Juana va continuer la lutte et mettre toute son ardeur au service de l'Esprit
divin.
La cellule du cœur
Au printemps de 1918, elle
s'offre en victime d'amour et d'expiation, en réponse à une inspiration du
Sacré-Coeur de Jésus. Peu après, son âme est envahie de ténèbres. Elle confie à
un prêtre son état de souffrance intérieure et ajoute : « Cela ne m'étonne
pas, mon Révérend Père, parce que j'ai demandé au Christ de me priver de toute
consolation, pour que d'autres âmes que j'aime trouvent dans les sacrements et
dans la prière paix et joie ».
La Passion rédemptrice du Christ
a conféré à la souffrance, séquelle du péché originel, un sens nouveau :
celle-ci peut devenir participation à l'oeuvre salvifique de Jésus. Je
complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui
est l'Église, dit saint Paul (Col 1, 24). Certes, la souffrance n'est pas en
elle-même un bien, mais Jésus a daigné l'assumer pour notre régénération
spirituelle. Aussi, en marchant sur les traces du Christ souffrant, nous
coopérons à l'oeuvre du salut des âmes, et, mus par l'Esprit Saint et la
charité, nous pouvons obtenir pour nous-mêmes et pour autrui les grâces de
sanctification en vue de la vie éternelle. Il existe entre les fidèles ― du
ciel, du purgatoire et de la terre ― un constant lien d'amour et un abondant
échange de tous biens, appelé communion des saints. Dans cet échange admirable,
les mérites des uns profitent aux autres.
Le 11 janvier 1919, Juana se rend
avec sa mère en visite au Carmel de Los Andes, choisi parce qu'il est le plus
pauvre du Chili. Les jours précédents, elle a été tentée contre sa vocation ; il
lui semblait qu'elle pourrait faire davantage pour le salut des âmes en entrant
dans un Ordre actif. Mais à peine franchis les murs du petit couvent, elle sent
s'évanouir tous ses doutes : « Je me sentais dans une paix et un bonheur si
grands qu'il m'est impossible de l'expliquer. Je voyais clairement que Dieu me
voulait là et je sentais en moi comme une force pour vaincre tous les obstacles
afin d'être Carmélite et de m'enfermer là pour toujours ».
La clôture des Religieux
contemplatifs est une manière de vivre le mystère pascal du Christ. D'expérience
de mort à soi-même, elle devient surabondance de vie et apparaît comme une
annonce joyeuse de la possibilité offerte à toute personne de vivre uniquement
pour Dieu, en Jésus-Christ. La clôture évoque cette “cellule du cœur” dans
laquelle chacun est appelé à vivre l'union avec le Seigneur (cf. Vita
consecrata, 59).
« C'est saint Joseph qui a fait le miracle ! »
Vers la fin de l'année 1917,
Juana et sa mère sortaient un jour de l'église, après la messe, lorsque la jeune
fille dit, sans préambule : « Sais-tu, maman, que je veux me faire
Carmélite ? » Madame Fernández suivait de près l'action de la grâce dans
l'âme de sa fille. Sa réponse fut calme et simple : « Si ton père donne son
consentement, ce n'est pas moi qui m'y opposerai ». Au printemps de 1919,
Juana, qui séjourne chez des amis, écrit à son père pour obtenir cet accord.
Elle met tout son coeur et toute sa foi dans cette lettre qu'elle date du 25
mars, fête de l'Annonciation. Les conditions ne sont pas favorables car la
situation financière de la famille s'est dégradée, et on peut craindre que la
dot, nécessaire alors pour entrer dans un Carmel, ne puisse être versée.
Les jours passent et, bien que
Juana soit rentrée chez ses parents, son père ne fait aucune allusion à la
lettre. Enfin, alors qu'elle s'apprête à repartir, Juana, apercevant son père,
s'élance vers lui. Avec toute la tendresse et la délicatesse qui lui sont
habituelles, elle le supplie de donner le consentement désiré. Faisant violence
à son coeur, il répond : « Mon enfant, si telle est la volonté de Dieu, je ne
m'y oppose pas». Remplie de joie, Juana s'écrie: «C'est saint Joseph qui a fait
le miracle ! »
Dans une lettre, Juana révèle à
son frère, Lucho, le feu intérieur qui l'embrase: « L'âme enchaînée par les
exigences de son corps, par celles du milieu social dans lequel elle vit, se
trouve exilée et aspire dans un ardent élan à contempler sans cesse cet horizon
infini qui s'élargit à mesure qu'elle le regarde, sans jamais rencontrer de
limites en Dieu. Cher Lucho, tu ne peux comprendre cela maintenant, mais je
prierai pour que Dieu se manifeste un jour à ton âme, comme, dans son infinie
bonté, Il se manifeste à la mienne... Pense surtout que la vie est si courte; tu
sais déjà que cette vie n'est pas la vie ». En effet, comparée à la vie
éternelle où nous verrons Dieu face à face dans un bonheur ineffable et sans
fin, délivrés de toute souffrance, de toute larme et de la mort, la vie
terrestre ne mérite pas le nom de vie.
La véritable richesse
Le 7 mai 1919, les portes du
Carmel de Los Andes se referment définitivement sur la postulante, qui portera
désormais le nom de Soeur Thérèse de Jésus. « Béni soit Dieu, écrit-elle à sa
mère dès le lendemain. Je suis dans mon petit couvent. Je prends un soin
colossal pour marcher avec des sabots. J'ai le fou rire en voyant ma gaucherie.
Enfin, je suis heureuse, car bien que je n'aie rien, je trouve tout en Dieu ».
Elle ne perd rien de son sens de l'humour : « Ici, on raccommode et on
reprise beaucoup le linge, car nous sommes pauvres. Imaginez que l'habit que
j'ai à réparer a plus de cent cinquante morceaux. Il ne reste plus rien du tissu
primitif ! »
Dans toute communauté religieuse,
la pauvreté est à l'honneur. Sans nier la valeur des biens créés, la pauvreté
volontairement embrassée les relativise. Son sens premier est de rendre
témoignage à Dieu qui est la véritable richesse du coeur humain, par l'imitation
du Christ pauvre : Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume
des cieux est à eux (Mt 5, 3). Dans un monde souvent matérialiste, avide de
possession, indifférent aux besoins et aux souffrances des plus faibles, la
pauvreté évangélique dénonce avec force l'idolâtrie de l'argent. C'est un appel
à un usage modéré des biens de ce monde (cf. Vita consecrata, 89-90).
Le 14 octobre 1919, Soeur Thérèse
reçoit l'habit du Carmel, en présence de sa famille et de nombreuses amies, et
commence son noviciat. Durant ce temps de probation, elle passe par des
alternances de faveurs mystiques extraordinaires et de grandes tentations, en
particulier contre la foi. Mais son naturel joyeux n'en est pas pour autant
entamé.
Mûre pour la moisson
Au début de mars 1920, Soeur
Thérèse affirme qu'elle mourra dans un mois. De fait, le 2 avril, Vendredi
Saint, elle tombe gravement malade du typhus. Le lundi de Pâques, elle reçoit
avec une grande ferveur les derniers sacrements et le lendemain, elle est admise
à faire sa profession religieuse. Le 12, après onze mois seulement de vie
carmélitaine, Soeur Thérèse de Jésus entre dans la joie du ciel.
« Elle fera vite des miracles »,
avait annoncé quelques jours après sa mort, le Père Julian Cea. Depuis lors, un
nombre incalculable de personnes attribuent à son intercession des grâces et des
faveurs de toutes sortes. Le Carmel de Los Andes qui vient de fêter le
centenaire de sa fondation (2 février 1898), est devenu le pèlerinage le plus
fréquenté du Chili, et bien des jeunes y reçoivent la grâce de commencer ou de
reprendre une vie chrétienne.
L'influence et le rayonnement
posthumes de sainte Thérèse des Andes étonnent chez une jeune fille morte à
moins de vingt ans. Cette vie, sans relief aux yeux d'une société éprise
d'efficacité temporelle, est cependant proposée par l'Église comme un exemple de
réussite humaine. Le secret de la sainte du Chili se trouve dans sa profonde
union au Christ et dans la pratique de l'amour vrai, répandu dans nos coeurs
par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (Rm 5, 5). Cet Amour, à la
différence du faux amour en quête du plaisir égoïste, s'identifie avec le don de
soi sans mesure; il procure à l'homme le bonheur.
« Dieu a fait briller en elle
d'une manière admirable la lumière de son Fils Jésus-Christ, disait le Pape lors
de la canonisation de notre sainte, afin qu'elle fût un phare et un guide pour
un monde qui semble aveugle et incapable de discerner la splendeur divine... À
une jeunesse qui est continuellement sollicitée par les messages et les
incitations d'une culture érotisée, à une société qui confond l'amour
authentique, lequel est don, avec l'utilisation hédoniste (pour son propre
plaisir) de l'autre, cette jeune vierge des Andes proclame la beauté et le
bonheur qui émanent des coeurs purs.
Dans son foyer familial, elle
apprit à aimer Dieu par-dessus toutes choses. Et, sentant qu'elle appartenait
exclusivement à son Créateur, son amour du prochain devint encore plus intense
et définitif. C'est ce qu'elle affirme dans une de ses lettres : “Quand j'aime,
c'est pour toujours. Une Carmélite n'oublie jamais. Depuis sa petite cellule,
elle accompagne les âmes qu'elle a aimées dans le monde” (août 1919). Son ardent
amour porte Thérèse à souhaiter souffrir avec Jésus et comme Jésus... Elle veut
être une hostie immaculée offerte en sacrifice constant et silencieux pour les
pécheurs. “Nous sommes co-rédempteurs du monde, et la rédemption des âmes ne
s'accomplit pas sans la croix” (Lettre, septembre 1919)... En un monde où on
lutte pour s'affirmer, posséder et dominer, elle nous enseigne que le bonheur
est d'être le dernier et le serviteur de tous, suivant l'exemple de Jésus, qui
n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour la
rédemption de la multitude ».
Nous confions à sainte Thérèse
des Andes, ainsi qu'à la Vierge Immaculée et à saint Joseph, tous ceux qui vous
sont chers, vivants et défunts.
Dom Antoine Marie osb, abbé
Pour publier la lettre de l'Abbaye Saint-Joseph
de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet
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