Saint Théodore
naquit dans le pays des Moabites. Ses parents, aussi vertueux
que riches, vinrent s'établir à Jérusalem, pour être à portée de lui
procurer une éducation chrétienne. Il était encore fort jeune,
lorsqu'ils le mirent dans le monastère de Saint-Sabas. Il y parvint
en peu de temps à un haut degré de vertu, et devint fort célèbre
dans le monde. Le patriarche de Jérusalem l'ordonna prêtre. Pendant
la persécution que Léon-l'Arménien avait excitée contre les saintes
images, il fut député vers ce prince pour l'exhorter à ne plus
troubler la paix de l'Eglise. Mais ses exhortations n'eurent pas
l'effet qu'on en attendait : l'Empereur, après l'avoir fait battre
cruellement, l'exila dans une île à l'entrée du Pont-Euxin.
Théophane, son frère, qui l'avait accompagné, et qui était aussi
moine du monastère de Saint-Sabas, fut traité de la même manière.
Ils souffrirent beaucoup l'un et l'autre de la faim et du froid.
L'Empereur étant mort en 822, ils eurent la liberté de revenir à
Constantinople, où Théodore publia quelques écrits pour la défense
de la doctrine catholique.
Michel-le-Bègue
succéda à Léon-l'Arménien. Ce prince passait pour n'avoir aucune
religion, ou pour tenir tout au plus à la secte des manichéens. Il
affecta d'abord une espèce de neutralité entre les catholiques et
les iconoclastes. Il fit mettre cependant saint Théodore en prison,
et l'envoya depuis en exil. Théophile, son fils, lui succéda en 829
; il se déclara en faveur des hérétiques, et persécuta les
orthodoxes avec fureur. Théodore et son frère furent
maltraités de nouveau, et relégués dans l'île d'Aphuse. Deux ans
après, on les ramena à Constantinople. L'Empereur les fit dépouiller
et battre en sa présence. On les frappa avec tant de violence,
qu'ils en furent tout étourdis, et pensèrent tomber aux pieds du
prince. On les conduisit en prison, où ils restèrent quelques jours.
Comme ils refusaient toujours de communiquer avec les iconoclastes,
l'Empereur ordonna de leur graver sur le front et sur le visage
douze vers ïambes dont voici le sens : « Ces
hommes ont paru à Jérusalem comme des vases d'iniquité, remplis
d'erreurs superstitieuses, et en ont été chassés pour leurs crimes.
S'étant sauvés à Constantinople, ils n'ont point renoncé à leur
impiété, ils en ont donc été chassés aussi, après avoir eu le visage
stigmatisé. »
Quoique les plaies dont leurs corps étaient couverts fussent
beaucoup enflammés et très
douloureuses, on les lia sur des bancs pour leur graver sur le
visage les ïambes dont nous venons de parler. Cette opération, aussi
longue que cruelle, ne fut interrompue que par la nuit. On les
ramena en prison, ayant le visage tout en sang. Peu de temps après,
ils furent exilés à Apamée en Syrie, où saint Théodore mourut de ses
souffrances. C'est de l'inscription des ïambes qu'on l'a surnommé
Grapt, qui signifie en grec, marqué ou gravé. Théophane lui
survécut de quelque temps. Cependant l'Impératrice Théodore,
catholique zélée, gouverna l'empire pendant la minorité de Michel
son fils. Le saint patriarche Méthode rétablit le culte des saintes
images en 842. Théophane fut élu évêque de Nicée, afin de travailler
plus efficacement à détruire une hérésie dont il avait déjà
triomphé. Il est nommé conjointement avec son frère dans le
martyrologe romain. Les Grecs honorent saint Théodore en ce jour, et
saint Théophane, le 11 d'Octobre. Ils surnomment le second le
Poète, à cause des hymnes sacrées qu'il avait composées.
Alban Butler :
Vies des pères, des martyrs, et des autres principaux saints… traduction
de
Jean François Godescard. |