Thérèse Consolin

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Thérèse Consolin
Supérieure des Ursulines de Sisteron.
Sœur du Cœur-de-Jésus

La glorieuse hécatombe des trente-deux martyres d'Orange devait se terminer le 26 juillet 1794 par l'immolation d'une ursuline, supérieure au couvent de Sisteron, mais appartenant, par ses origines et sa famille, à l'ancien Comtat-Venaissin dont une partie forme aujourd'hui le département de Vaucluse.

Élisabeth-Thérèse Consolin était née, en effet, à Courthézon, le 6 juin 1766. Fille aînée de Jean Consolin, avocat au Parlement, et de Marie-Anne Guérin, elle fut baptisée le jour de sa naissance ; elle eut pour parrain Jean Consolin et pour marrain Élisabeth Guérin. Après une enfance pieuse, écoulée presque entièrement au foyer paternel, embellie des leçons et des exemples de parents chrétiens, elle voulut se consacrer à Dieu et embrassa la vie religieuse au couvent des Ursulines de Sisteron. Par suite de quelles circonstances, sous quelles influencés et en vertu de quels appels, la jeune fille choisit-elle un cloître si éloigné de sa ville natale, nous l'ignorons. Sa vie s'est écoulée, en effet, loin de nos régions, dans la paisible cité alpestre où, depuis le 20 mai 1642, les filles de Sainte Ursule faisaient l'édification et méritaient l'estime universelle.

Sœur du Cœur-de-Jésus, tel était le nom de religion de notre bienheureuse, ne le céda bientôt, en rien, à ses compagnes en ferveur et en régularité. Aussi, quand la Révolution éclata, la trouvons-nous supérieure de son couvent. La gravité exceptionnelle des événements allait lui fournir l'occasion de déployer les rares dons de sagesse et de force que la Providence lui avait départis. En 1791 treize sœurs de chœur et deux converses composaient la communauté. Sur ce petit troupeau la Mère Consolin étendit sa plus maternelle sollicitude, se préoccupant de leur ménager un refuge tout en fortifiant, à l'approche de l'épreuve pressentie, leur courage et leur foi. Il n'est donc pas étonnant qu'il n'y ait eu, parmi elles, aucune défection, quand, les vœux et les ordres religieux abolis, la municipalité leur ordonna de se conformer aux dispositions de la loi. Seules deux religieuses infirmes se retirèrent dans leurs familles. Les autres déclarèrent vouloir rester, demeurer fidèles à leurs vœux, et demandèrent au directoire départemental de fixer le chiffre de leur pension. Dans sa délibération du 8 juillet 1791 le directoire attribua 449 livres à chaque sœur de chœur, et 224 livres 5 deniers à chaque sœur converse.

Cette modération relative des agents d'un pouvoir révolutionnaire et impie fut de courte durée. Les hommes sages et prudents étaient peu à peu éliminés des conseils et des assemblées, et sous la poussée de l'esprit du mal, autant et plus que sous l'égide de la loi, les violents prenaient le dessus.

Le 6 août 1791, la chapelle des Ursulines était fermée. Sous ce coup, si douloureux qu'il fût, le courage de la supérieure ne fléchit pas. Une âme moins forte eût immédiatement abandonné la place : la Mère Consolin pensa qu'elle avait encore une position à défendre, et sa communauté demeura dans le couvent. Mais cette maison sainte, pleine de souvenirs si chers à toutes, était également menacée.

Le 10 septembre 1792, on vint arracher les grilles du chœur pour en faire des piques. La clôture étant ainsi détruite, la mère supérieure jugea que le moment de la dispersion était venu. Ce ne fut pas sans un déchirement profond, que comprendront celles qui savent la force et la douceur de l'affection religieuse, que la Mère du Cœur-de-Jésus se sépara de ses sœurs. On ne vit pas, des années durant, sous le même toit, appliquées aux mêmes devoirs, possédées d'un même idéal, et soumises à la même règle, sans éprouver pour toutes celles qui partagent votre vie un attachement vivace et profond, plus profond, à coup sûr, que les affections mondaines, les relations de bonne compagnie ou les sympathies de caractères heureusement harmonisés. La vie quotidienne n'en révèle pas toujours toute l'étendue. Elle en montre au contraire, bien souvent, les petits écueils, et les petites imperfections : l'épreuve seule en fait sentir toute la force et la séparation, par son amertume, en souligne la surnaturelle intensité.

Le cœur brisé, Sœur du Cœur-de-Jésus se retira donc à Courthézon, son pays natal. Elle y trouvait sa famille bien diminuée. Mais ses parents étaient encore vivants. Il lui était donc permis de compter parmi ses compatriotes sur une tranquillité relative ; mais Dieu qui voulait récompenser par le martyre une longue vie de labeur et de saintes austérités ne permit pas que le séjour de notre bienheureuse, chez les siens, fut de longue durée.

Deux ans ne s'étaient pas encore écoulés depuis son arrivée à Courthézon quand deux officiers municipaux la dénoncèrent au Comité de surveillance, en déclarant qu'elle avait refusé de prêter le serment imposé par la loi du 6 nivôse an II (29 décembre 1793). C'était le 3 germinal (23 mars 1794). Aussitôt le Comité fait comparaître Thérèse qui persiste dans son refus. Le surlendemain, 25 mars, elle est arrêtée et conduite à Orange, écrouée provisoirement dans la prison du Cirque, puis transférée trois jours après dans la prison de la Cure. Elle fut, avec trois autres religieuses, — Marie-Anne DEPEYRE, de Tulette, Mélanie Collet et Emérenciane de Valréas — la première des trente-deux martyres à occuper ce cachot, jadis résidence du capiscol, et convertie à la hâte en prison, par la municipalité, pour dégager les autres prisons trop encombrées.

Thérèse Consolin devait y passer quatre mois. Emprisonnée la première, elle devait la dernière de toutes consommer son sacrifice, et fermer par sa mort le cortège des vierges s'empressant au devant de l'Époux.

Une aussi longue détention n'affaiblit, chez notre martyre, aucune des qualités d'esprit et de volonté que sa vie religieuse lui avait, à maintes reprises, fourni l'occasion de déployer. À mesure qu'elle approchait de la mort, elle sentait croître son courage, et sa résolution s'affermir. S'il est vrai, comme le laisse entendre la délibération du Comité de surveillance de Courthézon, que Thérèse se soit dérobée en mars aux premières recherches, ou, ce qui paraît plus probable, que son vieux père, sachant qu'on allait arrêter sa fille, avait pris soin de l'envoyer au dehors, sous un prétexte des plus légitimes, ces dissimulations et ces timidités n'ont plus de raison d'être. Le courage, la fermeté, la grandeur d'âme n'ont subi, au cours de ces quatre longs mois de prison aucun amoindrissement. L'interrogatoire de la martyre est là pour le prouver.

«Qui es-tu, demande le président ?

— Je suis fille de l'Église catholique, répond Thérèse.

— Veux-tu prêter le serment ?

— Jamais ; ma municipalité me l'a demandé ; je l'ai refusé parce que ma conscience me le défend.

— La loi te l'ordonne.

— La loi ne peut pas me commander des choses opposées à la loi divine.»

Sur ces mots, la sentence est prononcée, et Thérèse envoyée à la mort. À vrai dire, elle était rendue à l'avance. Sur la couverture du dossier de la martyre on pouvait lire, en effet, ces quelques lignes dont le sens n'échappa point aux iniques juges de la Commission populaire :

«Thérèse Consolin, ci-devant religieuse non assermentée, détenue à Orange. Prévenue de s'être montrée la fanatique la plus obstinée, en refusant de prêter le serment exigé par la loi, au mépris des diverses sollicitations à elle faites, à cet effet, par la municipalité, dans l'espoir de retour à l'Ancien Régime qui aurait entraîné la République dans une guerre civile, le tout en haine de la Révolution.»

Ainsi pour la dernière des martyres, comme pour la première, comme pour toutes, la vraie cause de la condamnation est la fidélité à l'Église, le refus du serment, l'obéissance à la loi divine. En permettant aux bourreaux de parler si souvent de fanatisme et de superstition, la Providence n'a-t-elle pas voulu donner à la mort de nos bienheureuses son caractère véritable, et nous laisser vénérer en leur personne, non des victimes innocentes de nos discordes civiles, mais bien les augustes témoins de notre foi immortelle, les martyres de leurs vœux, et désormais les protectrices authentiques de nos couvents menacés ?

Abbé Méritan

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